Éducation

Penser « hors de la boîte » à l’école

En Ontario, le groupe Future Design School travaille avec plusieurs établissements scolaires, publics et privés, pour valoriser une approche qui favorise la créativité des enfants dans le système de l’éducation. L’objectif : former les enseignants pour qu’ils amènent leurs élèves à « penser en dehors de la boîte » et à ne plus craindre de commettre des erreurs. Leslie McBeth, enseignante au secondaire, fait partie de l’équipe de Future Design School. Elle voyage à travers le pays pour faire partager sa vision différente de l’enseignement. La Presse s’est entretenue avec elle.

Vous avez donné une conférence à Montréal l’hiver dernier au sujet de la pensée « design ». Qu’est-ce que c’est, au juste ?

Les enfants sont créatifs, mais nous devons leur donner les outils qui les amèneront à trouver des solutions à des problèmes réels. Il faut les amener à voir ces problèmes comme des occasions et des défis stimulants à relever. Il y a une façon de développer la pensée que l’on dit « en dehors de la boîte »… une pensée originale. Si on aborde les problèmes d’une façon structurée, on se donne les moyens de trouver les solutions. Ça peut sembler contre-productif de penser qu’il faut d’abord un cadre pour développer la créativité, mais ça fonctionne.

Comment on « structure » cette pensée, concrètement ?

Tout d’abord, l’enfant apprend à définir à quel problème il fait face. Puis, à l’étape suivante, il doit faire preuve d’empathie : il cherche à comprendre vraiment quels sont les impacts de ce problème sur les gens qui le vivent. C’est là qu’on en vient à tomber en amour avec le problème, et non pas avec la solution ! En fonctionnant ainsi, on arrive avec plusieurs solutions possibles à un seul problème. Ça, c’est nouveau pour les enfants ! Ils sont habitués à l’école à ne toujours voir qu’une seule réponse possible. Nous leur enseignons qu’au contraire, il y en a plusieurs. Enfin, ils doivent choisir l’une de ces réponses potentielles et l’essayer.

Ils se retrouvent éventuellement devant des idées qui ne fonctionnent pas, exact ?

Eh oui ! Les enfants construisent des prototypes, ou encore ils appliquent une façon de faire pour résoudre leur problème. Ils recueillent ensuite les commentaires, améliorent leur idée, la testent à nouveau, apportent certains changements, ou encore ils recommencent… c’est un processus totalement différent de celui que l’on voit à l’école normalement, mais je crois que c’est à travers ces étapes que les apprentissages sont les plus riches. J’ai utilisé cette façon de faire dans ma classe, et quand les élèves mettent en pratique leurs idées, ils s’améliorent ! Ils comprennent tout ce qu’il y a autour du problème qu’ils tentent de résoudre. C’est très puissant !

C’est une approche très efficace en sciences, notamment, mais comment l’intégrer aux autres matières ?

Il est possible d’intégrer cette façon de faire à toutes les matières. Par exemple, dans un cours où il était question d’environnement, j’ai demandé aux jeunes comment nous pourrions amener des changements dans la société afin d’adopter un mode de vie plus durable. Pour trouver des solutions, ils ont dû s’intéresser à la façon dont le système politique fonctionne, à la géographie, à la façon dont fonctionne l’être humain… Pour trouver une solution, ils devaient maîtriser bien plus que les sciences sociales. L’idée est de prendre un grand problème et de le défaire en petits morceaux. Plus le défi est grand, plus les élèves doivent comprendre le contexte.

Nos enfants arrivent-ils aisément à penser ainsi ?

Les enfants sont curieux et créatifs naturellement. Le défi, c’est de leur donner la permission d’exprimer leurs idées. Ils doivent pouvoir mettre des solutions en pratique pour qu’ils puissent voir si elles fonctionnent. À mon avis, lorsqu’ils comprennent qu’ils ont cette permission, ils sont très motivés à partager des idées et à suivre leurs passions. Ils veulent comprendre comment les choses fonctionnent et pourquoi elles fonctionnent ainsi. Donnons-leur les outils pour exprimer cette créativité.

Ne craignent-ils pas de commettre des erreurs ?

Nous devons les accompagner et leur enseigner que l’échec fait partir de l’apprentissage. Il faut leur montrer qu’il y a un apprentissage derrière nos erreurs. On leur dit : « Ça n’a pas fonctionné. Qu’est-ce que tu peux apprendre de cet échec et comment peux-tu améliorer les choses ? » C’est une façon différente de voir les choses. Au bout d’un certain temps, les enfants comprennent qu’ils peuvent voir leurs apprentissages d’une façon différente. Ils ne craignent plus de prendre des risques. Il y a beaucoup d’enseignants extraordinaires qui amènent leurs élèves à voir l’échec d’une façon différente, et c’est très encourageant.

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