Opinion

Qui ou quoi les sauvera ?

Pauvre PQ qui, depuis 15 années, creuse sa propre tombe en attendant un sauveur. Depuis la débâcle de Boisclair, emporté par la crise des accommodements raisonnables, le PQ se cherche. Conscient de l’importance du dossier de la laïcité dans le cœur d’une grande majorité de l’électorat francophone, le PQ refusa la main tendue de la CAQ et décida, sous la férule de Mme Marois, d’utiliser son projet de charte de la laïcité de façon électoraliste. Leur plan fonctionnait jusqu’à ce que le puissant et retentissant poing de Pierre Karl Péladeau, qui voulait un pays, ne fasse déraper ce rendez-vous où on évitait surtout de parler d’indépendance. 

C’est là que M. Couillard a vu la chance lui sourire. En plus de la Charte, qui l’avait poussé à cracher violemment sa détestation du Parti québécois, l’arrivée de PKP lui fournira l’épouvantail qui changera tout. Comme il avait passé toute la campagne à présenter le Parti québécois comme un repère de xénophobes, il continua après sa majorité à le tasser toujours plus serré dans le coin réservé aux infréquentables de cités multiculturelles. C’est une stratégie qui a tellement fonctionné qu’aujourd’hui, il suffit de tendre l’oreille dans les communautés culturelles de Montréal pour comprendre à quel point le PQ y est tristement associé à la fermeture et au racisme sous toutes ses formes. Je crois que la pente sera trop abrupte à remonter sans devoir recommencer à zéro.

Cette stratégie de M. Couillard, combinée à la politisation et la diabolisation médiatique du projet de charte de la laïcité par une certaine élite journalistique, réussit même à convaincre une partie des élus du PQ de passer au confessionnal multiculturel et à l’autoflagellation publique. 

Ainsi échaudé par le poids des étiquettes non recommandables, le PQ s’éloigna progressivement du dossier identitaire.

Ce faisant, il laissa totalement la place à M. Legault, qui s’y engouffra de façon plus assumée. Il restait donc au PQ un retour à ses valeurs de gauche économique et environnementale. Mais là, une autre mauvaise surprise l’attendait. Si son flirt avec l’exploitation gazière et pétrolière en 2008 et son projet d’exploration sur Anticosti avaient fait fuir les environnementalistes, l’arrivée de Pierre Karl Péladeau, qu’on disait antisyndical, éloigna les militants de la gauche pure et dure de ses rangs.

Nous voilà donc avec un PQ campé dans une errance existentielle. Remplacé par la CAQ, devenue porteuse de la défense de l’identité, le PQ découvre de l’autre côté qu’en plus de s’autoproclamer porteur la gauche économique et du dossier de l’environnement, Québec solidaire avait aussi solidement mis la main sur la promotion de l’indépendance abandonnée temporairement par Lisée.

Ainsi marginalisé dans un contexte de fort désir de se débarrasser d’un gouvernement libéral ankylosé par presque 15 années de règne, le PQ sombra dans les abîmes. Bien malin celui qui sait comment ce parti se relèvera de cet effondrement sans précédent. Quelle tristesse de voir cette grande structure porteuse d’un des nationalismes les plus progressistes de la planète s’effondrer en même temps que la disparition de ses grands piliers, dont les Jacques Parizeau, Lise Payette, etc.

Pauvre PLQ aussi !

M. Couillard nous a quittés et jusqu’à son dernier discours, il est encore monté en chaire pour faire son sermon. Il a appelé Amin Maalouf en renfort pour nous rappeler que la démocratie impose un devoir de protection des minorités par la majorité. Ce qui est absolument indéniable.

Le problème, c’est qu’on ne sent jamais chez lui la même ferveur émotive quand vient le temps de défendre la minorité francophone dans le fédéralisme canadien qui est souvent basé sur un tel injuste rapport de force.

Le lait du Québec et l’automobile de l’Ontario ont-ils été protégés également par le Canada ? M. Couillard adhère profondément et émotivement à l’idéologie multiculturaliste. Mais il faudra quand même un jour qu’il nous explique comment un homme qui se dit si sensible aux droits de la personne peut accepter d’aller faire des sous dans un pays aussi liberticide que l’Arabie Saoudite.

Comme je l’ai déjà dit dans ces pages, le problème du PLQ était en grande partie son chef. Et le problème du chef, c’est son incapacité à sentir les émotions du peuple malgré sa grande intelligence.

Pour avoir écouté les humeurs de la population aux quatre coins du Québec pendant mes tournées de spectacles, je crois, profondément, qu’au-delà de l’usure du pouvoir ; du programme d’austérité ; du salaire des médecins ; de la tronçonneuse à Barrette ; du milliard donné à Bombardier ; de la vente de RONA et de bien d’autres sujets qui ont marqué les esprits et ont fait couler beaucoup d’encre, c’est l’incapacité de M. Couillard d’accepter que comme être humain, il a des défauts et peut se tromper, combinée à son discours moralisateur qui ont mené à sa perte.

Parce qu’il a toujours tenté d’associer leurs peurs existentielles légitimes à de l’intolérance et au repli identitaire, les francophones se sentaient souvent laids aux yeux de Couillard. « Petit peuple peureux qui refuse de s’ouvrir au monde ! » Voilà comment son discours sonnait dans les cœurs de beaucoup de personnes. Or, quand ta blonde se voit laide dans tes yeux, ce n’est pas un budget familial équilibré qui va l’empêcher de te sacrer à la porte. 

Lorsqu’on joue avec les craintes des gens, il arrive qu’ils figent. C’est ce qui a été très payant pour M. Couillard aux élections de 2014. Cette fois, il a essayé d’appliquer la même méthode avec Legault et malheureusement pour lui, ce qu’il croyait être facile à manipuler comme de la pâte à modeler s’est transformé en nitroglycérine. Même des libéraux purs et durs que je connais se sentaient mal à l’aise devant sa rhétorique culpabilisante sur le vivre-ensemble. Si certains de ces inconditionnels du PLQ ont changé de bord, d’autres ont préféré rester à la maison et on connaît la suite.

Eh oui, Gertrude Bourdon avait raison de dire, de façon presque prophétique, que son entrée en politique marquerait l’histoire ! Elle a participé à une dégelée historique du Parti libéral.

À force de prendre facilement le pouvoir en misant sur une partie de la population, le PLQ était devenu principalement le parti des anglophones et des allophones, qui l’ont toujours gratifié majoritairement d’un vote soviétique à la limite de l’acceptabilité démocratique.

Avec la réforme du mode scrutin à venir, il faudra que le PLQ rebâtisse sérieusement les ponts avec l’extérieur de Montréal pour espérer reconquérir le pouvoir.

Ce qui ne sera pas facile, car leurs politiques clientélistes, qui ont culminé avec M. Couillard, ont créé un grand fossé avec le vote francophone que seuls le temps et une sincère main tendue arriveront à combler. Il leur faudra redevenir un pont entre Montréal et le reste du Québec, mais surtout comprendre et exprimer clairement que l’intégration mutuelle et le vivre-ensemble sont une recherche de compromis qui nécessite un travail bidirectionnel.

Pour terminer sur une note positive, je dois avouer que la mobilisation des jeunes dans ce vote sous l’impulsion de la cause environnementale me donne beaucoup d’espoir.

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