Élections municipales

Coderre, l’heure du bilan

La fin de la corruption, une nouvelle ère de transparence, une ville intelligente, un service rapide par bus… Denis Coderre a promis beaucoup de choses lors de sa première campagne électorale montréalaise, en 2013. Retour sur ce qui a été fait, ce qui est en cours et ce qui n’a pas été réalisé depuis, parmi un échantillon d’une vingtaine de promesses.

TRANSPARENCE

Promesse : tenue

Création du Bureau de l’inspecteur général (BIG)

Le BIG a été créé en février 2014. C’était une des promesses phares de Denis Coderre. L’inspecteur général, Denis Gallant, a multiplié les rapports dévastateurs sur des contrats tant en matière de remorquage que de déneigement ou de travaux d’infrastructure.

Promesse : en chantier ou en partie réalisée

Instauration d’un mécanisme de reddition de comptes pour la fonction publique municipale

« On a maintenant une reddition de comptes, signée par le maire et le directeur général. Ça couvre l’ensemble des services de la Ville. Mais ça reste quelque chose de très bureaucratique qui ne vient pas, à ma connaissance, avec un mécanisme de consultation », analyse Danielle Pilette, du département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale de l’École des sciences de la gestion de l’UQAM. « Par contre, ça a rendu tous les fonctionnaires extrêmement prudents. Le service de l’efficacité organisationnelle peut leur demander des comptes n’importe quand. Mais il y a encore du chemin à faire », conclut-elle.

Promesse : en chantier ou en partie réalisée

Plus d’embauches pour accroître l’expertise interne et minimiser la sous-traitance

« Il y a eu des embauches et l’expertise des employés de la Ville est meilleure », affirme Rodolphe Parent, président de la Ligue d’action civique. « Mais je ne suis pas certaine que [la sous-traitance] a diminué », nuance Danielle Pilette. « Par contre, la sous-traitance est traitée plus délicatement. Avant 2013, beaucoup de sous-traitants occupaient des bureaux dans les édifices de la Ville. Ça créait des conflits d’intérêts, ils avaient trop d’informations. On est plus prudents maintenant. »

Promesse : non réalisée

Une rotation tous les deux ans pour certains postes de hauts fonctionnaires

Cette mesure visait à éviter la construction de réseaux d’influence menés par des fonctionnaires en place depuis longtemps. « Ça n’a pas été fait du tout. Par contre, les règles ont été tellement resserrées à la Ville que la mesure me semble moins pertinente qu’en 2013 », indique Mme Pilette.

Promesse : tenue

Création d’un système de données ouvertes pour rendre plus transparente la divulgation des informations

« Nous avons accès à beaucoup plus de données. Elles ne sont pas toujours très conviviales. Des données sur les arrondissements, l’eau, les égouts… Ça aide les chercheurs. Tu fais de la recherche sur un enjeu spécifique lié à la culture à Montréal, et c’est quand même beaucoup plus facile d’avoir accès à des données. Le but est de passer outre les demandes d’accès à l’information », explique Rodolphe Parent.

TRANSPORTs

Promesse : tenue

50 nouveaux kilomètres de pistes cyclables par année

Cette cadence a été atteinte par l’administration Coderre, qui promet de la maintenir s’il est réélu. Mais il y a des nuances, selon Vélo Québec. « Le 50 km, on l’a décortiqué : 48 % de ça, ce sont des chaussées désignées. Un pictogramme au sol. Ça se fait sur des rues très peu passantes pour guider les cyclistes vers le réseau. Cependant, les cyclistes s’attendent à des aménagements de meilleure qualité », déplore Suzanne Lareau, PDG de l’organisme, qui presse l’administration de concevoir des aménagements sécuritaires, surtout au centre-ville, où la circulation à vélo est très dangereuse.

Promesse : tenue

Lancement d’études concernant un projet de service rapide par bus (SRB) sur l’un des axes Côte-Vertu ou Henri-Bourassa

Denis Coderre a écrit dans une lettre publiée dans La Presse en 2013 qu’il lancerait ce projet au cours des 100 premiers jours de son mandat. « Des études ont effectivement été faites, et il est question de lancer un appel d’offres l’année prochaine. Des choses se font », commente François Pepin, président de Trajectoire Québec. Dans son dernier rapport annuel, la Société de transport de Montréal (STM) dit « s’activer à préparer un SRB sur le boulevard de la Côte-Vertu ». Pas de nouvelles d’Henri-Bourassa.

Promesse : en chantier ou en partie réalisée

Augmentation des voies réservées aux autobus en 2017, de 110 à 370 km

La chose est controversée puisqu’à la fin de septembre, 220 km seulement de voies réservées étaient en place à Montréal. Par contre, la STM ajoute que « 292 intersections munies de feux prioritaires, pour un total de 306,6 km de mesures préférentielles pour bus (MPB) », s’ajoutent à ces kilomètres. Les MPB sont comptabilisées, en vertu du temps qu’elles font gagner, en kilomètres. L’objectif pour la fin de 2017 reste de 375 km. François Pepin convient qu’on peut y voir une promesse réalisée. « Une MPB, c’est une voie réservée électronique. Le gain de temps est le même », dit-il, citant l’exemple des feux de circulation donnant priorité aux autobus.

Promesse : non réalisée

Création d’une application indiquant aux automobilistes où se trouvent les places de stationnement libres

Cela n’existe pas. Le site web Faire Montréal indique que le système qui mettrait un terme à l’interminable ronde dans les rues pour trouver une place de stationnement est au stade de « découverte », mais pas encore à celui de « développement ». La promesse s’inscrit dans le cadre du développement de la ville intelligente.

DIVERSITÉ CULTURELLE

Promesse : tenue

Accroissement de la diversité culturelle au sein de la fonction publique montréalaise

La hausse est très timide. Mais il y en a une. En 2012, sur les 25 629 employés de la Ville, 2471 (9,64 %) déclaraient faire partie de minorités visibles et 1330 (5,19 %), de minorités ethniques. Fin 2016, il y avait 25 735 employés à Montréal. De ce nombre, 3195 (12,41 %) étaient issus de minorités visibles et 1465 (5,69 %), de minorités ethniques. Le nombre d’autochtones parmi les employés de la Ville est cependant passé de 75 à 73. Par minorités visibles, la Ville entend des « personnes autres que les autochtones, qui ne sont pas de race ou de couleur blanche ». Quant aux minorités ethniques, il s’agit « des personnes autres que les autochtones et les personnes d’une minorité visible, dont la langue maternelle n’est ni le français ni l’anglais ».

TAXES

Promesse : en chantier ou en partie réalisée

Hausse annuelle de taxes n’excédant pas l’inflation

Denis Coderre s’était engagé à maintenir les hausses de taxes sous l’inflation, mais son administration s’est plutôt fiée aux projections de l’inflation. Or, les projections ont eu tendance à surestimer l’inflation depuis plusieurs années. Ainsi, les taxes municipales ont augmenté de 7,5 % depuis quatre ans à Montréal, alors que l’indice des prix à la consommation a progressé durant cette période de 4,8 % dans la région, selon Statistique Canada.

VILLE INTELLIGENTE

Promesse : en chantier ou en partie réalisée

Réseau cellulaire accessible dans le métro et WiFi offert dans les autobus et abribus « de nouvelle génération »

Selon la STM, le réseau cellulaire est accessible dans 37 stations : la ligne jaune en entier, la ligne verte de Beaudry à Lionel-Groulx, la ligne orange de Mont-Royal à Côte-Vertu, et la ligne bleue de Snowdon à Jean-Talon. Une seule ligne d’autobus offre le WiFi, la ligne 747, qui dessert l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau, mais aucun abribus. Un projet pilote a été réalisé dans deux abribus, mais il est maintenant terminé. « Parmi les promesses les moins tenues, il y a celles en matière de ville intelligente, affirme Danielle Pilette. On peut voir la progression du déneigement, savoir en temps réel quand le bus passera. C’est bien. Mais il reste tellement à faire. Le conseil municipal est encore un conseil qui fonctionne sur papier. » Néanmoins, en 2016, Montréal a décroché une reconnaissance mondiale en étant désignée ville intelligente par excellence par l’Intelligent Community Forum.

ENVIRONNEMENT

Promesse : non réalisée

Des berges accessibles aux citoyens

Selon les organisateurs du Grand Splash, aucune plage n’est accessible aux citoyens près du centre-ville. Les plages de Verdun et de Pointe-aux-Trembles ne sont toujours pas ouvertes. Le projet de bain portuaire près de la tour de l’Horloge, qui devait être prêt pour le 375e anniversaire de Montréal, a été reporté. Le fédéral souhaitait rendre le site plus sécuritaire en cas de dérive accidentelle d’un bateau dans la zone de baignade.

Promesse : en chantier ou en partie réalisée

Création d’une promenade urbaine entre le fleuve et le mont Royal, puis dans les arrondissements pour constituer un ruban vert à la grandeur de la ville

La promenade Fleuve-Montagne, qui traverse le centre-ville, a été inaugurée en juillet 2017, avec deux mois de retard, dans le cadre des célébrations du 375e anniversaire de Montréal. Mais le résultat ainsi que la facture de 55 millions ont suscité de nombreuses critiques de la part de citoyens et d’experts. « Elle n’a pas de continuité, pas de vision claire sur le thème du fleuve et de la montagne », soulignait l’architecte paysagiste Philippe Poullaouec-Gonidec, professeur à l’Université de Montréal, peu après son dévoilement. Dans les arrondissements, il n’y a aucune trace de « ruban vert ».

TOURISME

Promesse : tenue

Création d’un centre de croisières (revitalisation de la jetée Alexandra)

« L’ouverture de la gare maritime D’Iberville, au printemps, c’est le centre de croisières, explique Pierre Bellerose, vice-président de Tourisme Montréal. C’est vraiment un ajout important pour Montréal. Un investissement de 78 millions de dollars. On peut recevoir maintenant trois bateaux en même temps. »

Promesse : en chantier ou en partie réalisée

Création d’un centre de foires

« Depuis 2013, l’offre d’accueil de foires s’est améliorée au Palais des congrès, mais il n’y a pas de nouvelles infrastructures, il n’y a pas de centre de foires », explique Pierre Bellerose, vice-président de Tourisme Montréal.

Promesse : non réalisée

Création d’une zone franche touristique (hors taxes) au Vieux-Port

Il n’y a pas d’avancée au sujet de la zone franche.

ITINÉRANCE

Promesse : en chantier ou en partie réalisée

Création d’une agence sociale pour coordonner l’aide aux sans-abri de tous les arrondissements

Plutôt que de créer une agence, l’administration Coderre a opté pour un Plan d’action en itinérance pour la période 2014-2017, à la suggestion des organismes qui travaillent avec les sans-abri. Ce plan adopté en septembre 2014 comportait 44 engagements dont certains ne sont pas encore réalisés, déplore Pierre Gaudreau, directeur du Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM). « Par exemple, l’administration n’a pas respecté son engagement de développer 400 chambres ou logements pour les sans-abri avec des partenaires comme la Société d’habitation et de développement de Montréal (SHDM). Par contre, 530 logements sociaux avec soutien d’organismes communautaires ont été développés, atteignant presque la cible de 600. » Montréal s’est aussi doté d’un Protecteur des personnes itinérantes. Mais il reste beaucoup à faire pour réduire le profilage social à l’endroit des sans-abri, souvent visés par des contraventions qui ne contribuent en rien à résorber le problème, souligne Pierre Gaudreau.

Promesse : tenue

Dénombrement régulier des sans-abri pour mieux cibler les besoins

La Ville a dénombré 3016 sans-abri en mars 2015. Un second recensement doit avoir lieu au printemps 2018. « C’est un polaroïd imparfait pris un seul soir, alors que l’itinérance n’est pas toujours à la vue ni dans la rue », prévient toutefois Pierre Gaudreau, du RAPSIM. « Il y a des personnes qui s’entassent à plusieurs dans un logement ou qui se prostituent pour avoir un toit. Mais elles n’ont aucune assurance d’avoir encore un endroit où rester le lendemain. Il serait dangereux de se fier à ce dénombrement pour connaître les besoins. »

Promesse : tenue

Révision du financement municipal des centres de jour et des refuges

L’administration Coderre a augmenté de 300 000 $ son financement des centres de jour, qui jouent un rôle important pour soutenir les sans-abri ou les personnes qui sont à risque de le devenir, souligne Pierre Gaudreau.

FAMILLES

Promesse : tenue

Rendre l’achat d’une maison existante, unifamiliale ou en rangée, admissible à l’aide financière pour les premiers acheteurs et augmenter le plafond du prix d’achat donnant droit à cette subvention

Les maisons unifamiliales existantes ont été ajoutées aux maisons neuves pour l’admissibilité aux subventions, pour les familles avec enfants. Pour cette nouvelle catégorie, le prix d’achat maximum admissible a été fixé à 450 000 $, tandis qu’il est de 475 000 $ pour les bâtiments de deux logements et de 490 000 $ pour les immeubles de trois logements, pour refléter les prix du marché.

Promesse : non réalisée

Rendre obligatoire la contribution à un fonds consacré au logement abordable, auparavant volontaire, pour tous les projets immobiliers de plus de 200 logements qui n’incluent pas 30 % de logements sociaux

La mesure n’est toujours pas obligatoire. Elle touche cependant les projets résidentiels de moins de 100 logements depuis 2015. Elle a aussi été modifiée pour inclure 15 % de logements sociaux et 15 % de logements abordables.

— Avec la collaboration de Pierre-André Normandin, La Presse

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