Québec — Le glissement de terrain spectaculaire de Saint-Roch-de-Richelieu, il y a deux semaines, n’est que la pointe de l’iceberg. Les événements semblables sont presque trois fois plus nombreux qu’à l’habitude au Québec cette année. L’activité humaine est en cause et les changements climatiques risquent d’amplifier le phénomène.
En date de vendredi dernier, le gouvernement avait recensé 342 glissements de terrain au Québec depuis le début de 2017. Du jamais-vu depuis le déluge du Saguenay de 1996, qui avait provoqué 1000 mouvements de sol en deux jours.
« C’est une année tout à fait exceptionnelle », dit Denis Demers, le principal expert du gouvernement québécois en la matière.
Cet ingénieur est chef d’équipe de la section des Mouvements de terrain au ministère des Transports. C’est cette unité que les autorités appellent lorsque le sol cède en bordure d’une route ou près d’une habitation.
En entrevue, Denis Demers explique le problème par les pluies abondantes du printemps dernier. Les précipitations, combinées à la fonte des neiges, ont provoqué une cascade d’inondations dans le sud du Québec.
« Quand il y a des crues comme on en a eu ce printemps, avec des fortes quantités de pluie qui sont tombées, les rivières montent, elles viennent éroder le pied des pentes. Ça donne des pentes plus abruptes, plus susceptibles de glisser. »
— Denis Demers, expert du ministère des Transports
Sans surprise, les régions le plus touchées par les mouvements de terrain – Mauricie, Outaouais, Montérégie – sont celles où le niveau des rivières a le plus monté au printemps.
Les crues du printemps ne sont pas la seule cause des glissements de terrain. Environ 40 % des mouvements de sol sont causés par des activités humaines, selon M. Demers.
Dans plusieurs cas, des gestes en apparence anodins provoquent à long terme des résultats catastrophiques. Certains propriétaires dirigent l’eau de ruissellement de leur terrain vers des pentes, ce qui les gorge d’eau et diminue leur résistance. D’autres héritent de remblais aménagés il y a des décennies.
« Ce sont des choses qui sont parfois là depuis plusieurs années, relate Denis Demers. Les gens qui peuvent acheter une maison où le remblai peut être là depuis 50 ou 60 ans. Ce ne sont pas nécessairement eux qui l’ont installé. »
Les propriétaires ne sont pas toujours fautifs. Souvent, ils ont simplement hérité de pratiques qui avaient cours avant la création de règles plus strictes, au début des années 2000.
« Le problème avec les activités humaines, c’est qu’on est souvent installé proche des rivières, souvent trop proche, résume Pascale Biron, professeure de géographie à l’Université Concordia. On intervient pour sauver son terrain et là, on commence une espèce de boucle sans fin de stabilisation des berges. »
Changements climatiques
D’ailleurs, même si l’année 2017 est exceptionnelle, les autorités ne sont pas au bout de leurs peines.
Mme Biron, une spécialiste de l’érosion des berges, s’attend à ce que ce processus naturel s’accélère dans les cours d’eau québécois dans les années à venir.
« Avec des événements plus extrêmes attendus vient plus d’érosion de berges. On peut s’attendre à ce que le taux d’érosion des berges soit plus élevé dans le futur que dans le passé. »
— Pascale Biron, professeure de géographie à l’Université Concordia
À court terme, toutefois, Denis Demers s’attend à un petit répit. Après des années exceptionnelles comme celle-ci, on observe généralement moins de glissements de terrain l’année suivante.
« Toutes les pentes qui étaient sur le point de céder, qui auraient peut-être glissé dans deux ou trois ans, les pluies abondantes ont accéléré le processus », résume-t-il.
« C’est un peu comme un pommier, ajoute-t-il. Si on laisse les pommes tomber toutes seules, elles vont tomber une après l’autre. Mais si on secoue le pommier, il y en a qui seraient tombé le lendemain ou une semaine plus tard qui vont tomber tout de suite. »
Pas assurable
Si votre maison est endommagée par un glissement de terrain, ne comptez pas sur votre assureur pour vous sortir du pétrin. Les mouvements de sol sont l’un des seuls phénomènes naturels qui ne sont couverts par aucune police d’assurance. « On va pouvoir couvrir un tremblement de terre, on va pouvoir couvrir maintenant même les inondations dans une certaine mesure, explique Caroline Phemius, porte-parole du Bureau d’assurance du Canada. Mais le glissement de terrain, ça fait partie du risque qui n’est pas couvert du tout, du tout. » Ce phénomène est trop difficile à quantifier, et donc à évaluer, pour être couvert par les polices d’assurance, explique-t-elle. Le gouvernement du Québec offre un programme d’aide financière pour les victimes de phénomènes naturels.