Ski de fond

Therese Johaug dans de beaux draps

Bombe dans le milieu du ski de fond : la Norvégienne Therese Johaug, septuple championne mondiale, a subi un contrôle positif à un stéroïde. L’athlète vedette accepte sa responsabilité, mais nie sa culpabilité, clamant que le produit incriminant se trouvait dans une crème à lèvres fournie par le médecin de l’équipe. La Norvège a mal à son sport.

Désespoir

La fédération norvégienne de ski de fond a annoncé le test positif de sa grande vedette dans un communiqué hier matin. Therese Johaug a ensuite participé à une conférence de presse en compagnie de dirigeants de la fédération et du médecin de l’équipe. La jeune femme de 28 ans a pleuré sa vie en racontant les circonstances ayant mené à cette terrible nouvelle. « Je suis complètement atterrée et au désespoir de me retrouver dans cette situation très difficile et irréelle. Je considère cela comme injuste et totalement immérité, même si je suis évidemment consciente de ma responsabilité, en tant qu’athlète, des médicaments que je consomme », a déclaré la triple championne olympique dans le communiqué relayé par la Fédération internationale de ski.

Crème maudite

Johaug attribue son contrôle positif à l’usage d’une crème à lèvres contenant du clostébol. Elle a utilisé ce produit (Trofodermin) après avoir subi une grave brûlure à la lèvre inférieure lors d’un stage d’entraînement en altitude le mois dernier, en Italie. La blessure est apparente sur cette photo récente publiée sur son compte Instagram. 

Le médecin de l’équipe, Fredrik Bendiksen, s’est procuré la crème en vente libre dans une pharmacie de Livigno. Johaug dit lui avoir demandé à deux reprises si elle pouvait contenir un produit interdit. Bendiksen lui a assuré que non, même si la boîte semblait clairement indiquer le contraire. Le 3 octobre, Johaug s’est soumise à un examen urinaire inopiné mené par l’agence antidopage norvégienne, lequel s’est avéré positif. Le médecin, pourtant très expérimenté, a pris toute la responsabilité et démissionné sur-le-champ. « Elle ne dit que la vérité, a-t-il affirmé en conférence de presse. À mes yeux, elle est innocente. »

Closté-quoi ?

Le clostébol est un stéroïde anabolisant androgène interdit par l’Agence mondiale antidopage (AMA). Ses effets peuvent s’apparenter à ceux de la testostérone, dont il est un dérivé. Cette substance synthétique est aujourd’hui couramment utilisée dans des crèmes pour traiter des infections de la peau. « Ce sont des crèmes cicatrisantes, comme du Polysporin », indique Christiane Ayotte, directrice du laboratoire antidopage de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS). Mais le clostébol peut aussi servir à améliorer les performances de façon artificielle. Les cas sont plutôt rares, provenant en général de pays d’Amérique centrale ou du Sud, où ce type de crème est en vente libre. Freddy Galvis, joueur des Phillies de Philadelphie, Dee Gordon, des Marlins de Miami, et le lanceur de poids britannique Mark Edwards ont subi des contrôles positifs au clostébol dans les dernières années.

La suite ?

Pour l’heure, Therese Johaug n’est pas suspendue. Avec la nature du produit et les nouvelles règles en vigueur, elle s’expose en théorie à une suspension de quatre ans. La fédération norvégienne de ski de fond semble se ranger derrière elle, mais la balle est maintenant dans le camp de l’agence antidopage nationale. En 2005, une jeune nageuse italienne qui avait eu un test positif au clostébol avait réussi à faire réduire sa suspension de deux à un an. Le Tribunal arbitral du sport avait alors considéré son inexpérience de la compétition internationale, la faible quantité détectée et le fait que l’application de la crème incriminante n’avait pas eu d’effet positif sur sa performance. « Elle va certainement plaider des circonstances atténuantes, mais c’est sûr qu’elle a commis une infraction, ce qu’elle reconnaît d’ailleurs, a souligné Dre Ayotte. Il va falloir qu’elle travaille fort pour s’en tirer en bas de quatre ans. L’ampleur de ce qui l’attend par rapport à la négligence qu’elle a commise, c’est sûr que ça fait beaucoup. »

Image écorchée

Gagnante du classement général de la Coupe du monde au cours des deux dernières années, Therese Johaug est la grande vedette de l’équipe norvégienne, surtout depuis le congé de maternité de la sextuple championne olympique Marit Bjoergen, qui doit reprendre la compétition cette saison. Élevée dans une ferme laitière d’un petit village qui la soutient, Johaug est l’incarnation même de la Norvégienne sportive et en santé. Elle est aussi reconnue pour son côté granola. La nouvelle tombe très mal pour la fédération norvégienne, déjà mise à mal l’été dernier après le test positif au salbutamol du leader de l’équipe masculine Martin Johnsrud Sundby, qui vient de terminer une suspension de deux mois. Si la Norvège semble appuyer Johaug, ses rivales européennes n’ont pas tardé à faire des gorges chaudes de son contrôle positif.

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