« Je pensais ne jamais m’en sortir »
La douleur et l’immense peine que je ressentais lors de la mort de mon mari me paraissaient vraiment insurmontables. Il était très difficile de penser qu’un jour je me sentirais mieux. Une des raisons pour lesquelles j’ai écrit ce livre, c’est que j’étais tellement mal que je pensais ne jamais m’en sortir. Même si Adam Grant (le psychologue à succès avec qui elle a coécrit le livre) n’arrêtait pas de me dire : « Tu vas voir, ça ira mieux », je le ne croyais pas. Un nombre incalculable de gens me le disaient aussi. Je ne les croyais pas non plus. Écrire ce livre constituait à mes yeux une grande motivation parce que je voulais croire que j’irais mieux. Je souhaitais aussi apprendre ce qu’il était possible de faire pour passer à travers ce vide, qui n’est pas éternel, et trouver des solutions pour apaiser la douleur, trouver du sens. Tout n’est pas parfait, mais je dois avouer que oui, en effet, on finit par aller mieux.
Oui, tous ces sujets font en sorte qu’il y a un éléphant dans la pièce. Vous voulez un moment de silence ? Parlez de cancer. Vous avez une fille qui est en prison ? Le silence sera total. On se dit finalement que nos amis et nous-mêmes ne sommes pas suffisamment présents quand ils ont vraiment besoin de nous et qu’on a besoin d’eux. Et c’est pour ça qu’on parle de ces sujets délicats, Adam Grant et moi, parce qu’on espère que ça changera. Il ne faut pas avoir peur d’avoir des conversations intimes.
Les gens vous proposent toujours de vous aider, mais ne savent pas réellement comment. On entend souvent la phrase : « Est-ce que je peux t’aider ? » Je le proposais moi aussi, mais cette question met finalement la pression sur la personne qui demande de l’aide et qui ne sait pas trop comment s’organiser. Un conseil : imposez-vous. Je crois que c’est la meilleure façon d’aider. N’attendez pas le moment parfait pour arriver chez votre ami qui a de la peine. […] Il ne faut pas éviter les sujets difficiles, au contraire, car ça isole encore plus les gens avec leur peine. Et ça ne leur rend pas service.
Oui, mes enfants sont résilients. Je suis si fière d’eux. Ils ont tellement appris de choses, des choses que je n’aurais jamais voulu qu’ils sachent ou qu’ils apprennent si tôt dans leur vie. Il y a quelques mois, l’équipe de basketball de mon fils a perdu en séries éliminatoires, les garçons de son équipe pleuraient, et j’ai demandé à mon fils comment il allait après la défaite. Il m’a regardé avec un air ahuri et m’a dit sur un ton que les autres enfants de son âge ne connaissent pas : « Maman ! C’est du basketball de 6e année ! Oui, je vais bien… »
On nous a enseigné à être professionnel en tout temps, ce qui signifie sans émotion. Je ne suggère pas de pleurer tout le temps au bureau, mais déjà dans Lean In, j’écrivais l’importance d’arriver avec votre être entier au travail [bring your whole self to work], j’ai moi-même déjà pleuré au bureau. Nous sommes tous des êtres qui vivent différentes émotions et je pense qu’il est préférable de les montrer, surtout que de les cacher prend plus de temps et d’énergie que de les montrer.
Et je pense que ça nous rend encore meilleurs au travail de parler des difficultés qu’on traverse dans la vie. Bien meilleurs. Et maintenant que je l’ai vécu moi-même, je peux aussi en témoigner.
Une chose ne change pas : on a besoin de plus de femmes leaders dans le monde, il n’y en a pas assez. Les changements ne sont pas assez rapides, mais en quatre ans, évidemment, ça ne laisse pas assez de temps.
Mais oui, je me suis trompée sur certains points et je me suis excusée publiquement. J’ai écrit qu’il fallait faire de son conjoint un véritable partenaire pour pouvoir avancer dans sa carrière et sa réussite professionnelle. J’avais sous-estimé les difficultés d’être un parent seul. Et maintenant que je le suis, je comprends à quel point c’est douloureux et difficile, même si je suis privilégiée. Oui, je réécrirais ce chapitre aujourd’hui.
À ce jour, nous comptons 33 000 cercles de femmes « Lean In » (le réseau d’entraide féminin créé après la parution du livre), et chaque semaine, 100 nouveaux cercles sont créés dans plus de 150 pays. Il y a du progrès : il y a plus de promotions de femmes à des postes de pouvoir, il y a aussi plus de femmes qui obtiennent des augmentations de salaire, je suis très optimiste et nous devons l’être. Il y a encore cependant trop de stéréotypes au sujet des femmes leaders, qu’on qualifie trop souvent et automatiquement de femmes autoritaires.
J’espère qu’il va y avoir une femme présidente des États-Unis. Et plus de femmes leaders dans le monde. Vous savez, un ami m’a raconté cette anecdote qui m’a beaucoup amusée : son fils de 5 ans, qui vit à Berlin, lui a dit qu’il ne pourrait pas être chancelier en Allemagne, car il n’était pas une fille ! (Angela Merkel est chancelière depuis 2005.) C’est drôle parce que seulement 11 pays sont dirigés par des femmes.
Oh mon Dieu ! Vous savez, je croyais que Lean In serait mon seul et unique livre ! Non, il n’y en aura pas d’autres. Franchement, c’est terminé. Et s’il devait y avoir un troisième livre, j’espère seulement que ce sera un livre sur un sujet heureux, rien de tragique.
Quand vous êtes amoureux et marié et que votre mari ou votre femme meurt, vous vous dites que la vie ne se passe pas comme prévu. J’aurais voulu être avec mon mari toute ma vie et ne plus devoir sortir avec des hommes, mais je n’ai pas le choix. On doit vraiment soutenir les personnes qui ont envie de trouver l’amour à nouveau. Et d’ailleurs, à ce sujet, on est plus compréhensif envers les hommes qu’envers les femmes. Aider les gens à retrouver le sens de l’humour. On a besoin de rire. On se sent tellement coupable de rire après une tragédie, après la mort de son mari. Tout le monde a le doit d’être heureux. Il faut trouver la force d’aimer à nouveau et nous devons aider tous ces gens à retrouver la joie de vivre.
Oui. Je suis différente ; très différente. Je sais qu’il est désormais possible d’évoluer, de grandir et de se remettre. J’ai beaucoup appris. Mais je renoncerais à cette évolution pour retrouver ma vie avec mon mari Dave.
Quand vous posez la question : qui a entendu parler du stress post-traumatique ?, la réponse est : tout le monde. Qui a entendu parler de la croissance post-traumatique ? Personne. Mais plus de gens vivent des croissances post-traumatiques et en sortent grandis. Ça ne veut pas dire qu’ils sont plus heureux, mais ils sont plus reconnaissants envers la vie, ils apprécient davantage ce qu’ils tenaient pour acquis auparavant. Ils éprouvent un grand sentiment de gratitude envers le fait que leurs enfants soient encore en vie et entretiennent des relations plus profondes. Là aussi, je peux en témoigner. Ce n’est pas nécessairement ce que vous auriez voulu vivre, mais elle est là votre évolution, c’est le plus important.
Option B
Surmonter l’adversité, être résilient, retrouver l’aptitude au bonheur
Sheryl Sandberg
Adam Grant
Éditions Michel Lafon
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