Chapitre 3

La réadaptation

Deux semaines après l’attaque, Smadar Brandes se présente à son premier rendez-vous d’ergothérapie à l’Hôpital général de Montréal à la fois motivée et inquiète.

Sa main gauche la fait terriblement souffrir. Elle éprouve des sensations de brûlure si vives qu’elle se sent incapable de s’en servir pour faire quoi que ce soit.

La jeune femme garde son bras gauche le long de son corps, inerte. Elle n’arrive même pas à tenir une cuillère.

« Personne ne pouvait me toucher », se souvient Mme Brandes.

Lorsque l’ergothérapeute Ann Arsenault Taylor lui prend tout doucement la main gauche ce jour-là, la jeune femme se dit : « Elle est folle. »

Forte de ses 30 ans d’expérience, l’ergothérapeute spécialisée dans la réadaptation des mains sait ce qu’elle fait. Elle lui fait comprendre qu’en cessant d’utiliser sa main, elle fait en sorte que ses muscles s’atrophient et risque la paralysie.

« Les nerfs doivent être stimulés. Si on les surprotège, ils deviennent plus sensibles et la douleur augmente », explique Mme Taylor.

L’important, c’est justement d’être patient et de stimuler les nerfs graduellement. « Si on va trop vite, la thérapie peut empirer la situation », ajoute l’ergothérapeute qui a récemment pris sa retraite.

Au bout de quatre mois de thérapie, lorsque la douleur a suffisamment diminué, Mme Taylor encourage sa patiente à reprendre la pratique du violoncelle.

La jeune femme se montre d’abord réfractaire. Elle ne voulait pas affronter la possibilité qu’elle ne puisse plus jouer au même niveau qu’avant, croit Mme Taylor.

Mais l’ergothérapeute insiste : « Je me suis toujours donné comme objectif de permettre aux patients de recommencer à faire ce qu’ils aiment le plus dans la vie. »

Une idée de génie

Mme Brandes n’a pas la force de tenir son violoncelle. Un jour, la jeune femme a une idée de génie : jouer avec un demi-violoncelle, de la taille de celui qu’elle possédait lorsqu’elle avait 9 ans.

L’ergothérapeute lui demande de venir à l’hôpital avec son instrument. Elle la regarde jouer pour comprendre la force et les mouvements nécessaires.

« Quand elle s’est mise à jouer, tous les autres patients et les thérapeutes ont arrêté ce qu’ils étaient en train de faire pour l’écouter, se souvient Mme Taylor. Tout le monde était impressionné. Je crois que ça lui a donné confiance. »

L’ergothérapeute lui fabrique ensuite une orthèse afin de lui permettre d’écarter suffisamment les doigts pour atteindre les cordes.

Au fil des mois, les deux femmes développent une relation thérapeutique très spéciale.

« Smadar a travaillé tellement fort qu’elle a regagné le maximum des fonctions qu’elle pouvait regagner. »

— Ann Arsenault Taylor

« C’est vraiment grâce à Mme Taylor si je joue du violoncelle à nouveau », répond la jeune femme, reconnaissante.

Peu de temps après l’attaque, le beau-père de Mme Brandes lui avait lancé : « Quand tu vas recommencer à jouer, on va faire un concert pour remercier ceux qui t’ont sauvé la vie. »

« Pourquoi pas ? », lui avait répondu la jeune femme, sans grande conviction.

Après quelques mois et de nombreuses séances de réadaptation avec Mme Taylor, la violoncelliste se met à y croire.

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