Recherche de vie extraterrestre

« On passe de la science-fiction à la science »

En 2015 et 2016, le Belge Michaël Gillon a fait une série de découvertes qui ont frappé l’imaginaire : pas moins de sept planètes de la taille de la Terre tournant autour de la même étoile, dont au moins trois situées dans la zone dite « habitable ». Aujourd’hui, il est déterminé à savoir si ces mondes hébergent la vie. « Après des siècles de science-fiction, on passe à la science », annonce-t-il.

Imaginez un chercheur d’or qui débarque près d’une rivière. Avant de sortir son équipement, il regarde rapidement le cours d’eau devant lui pour savoir à quoi il a affaire. Un éclat attire son attention. Notre chercheur d’or découvre instantanément non pas une, mais sept pépites d’un coup.

C’est un peu ce qui est arrivé à Michaël Gillon lorsqu’il a braqué un télescope vers une minuscule étoile froide poétiquement nommée 2MASS J23062928-0502285 et située à environ 40 années-lumière de la Terre.

« À ce moment-là, on voulait juste regarder comment ces étoiles se comportaient », raconte le professeur Gillon, de l’Université de Liège, en Belgique, qui était récemment de passage à Montréal. Un soir de septembre 2015, en jetant un coup d’œil aux données récoltées par le télescope, il sursaute.

« J’étais dans mon salon avec mon ordinateur sur les genoux quand j’ai vu un signal qui ressemblait très fort au passage d’une planète. J’étais très excité. Ma fille, qui avait alors 19 ans, regardait la télé. Je lui ai dit : “Regarde ! C’est le passage d’une Terre devant son étoile !” Mais pour elle, c’était juste un graphique avec des points. »

Au fil des mois, ce n’est pas une, mais bien sept exoplanètes (soit des planètes qui tournent autour d’une étoile autre que le Soleil) qui sont finalement découvertes autour de cette étoile. Le système sera nommé TRAPPIST-1, du nom du télescope qui l’a découvert (pour TRAnsiting Planets and PlanetesImals Small Telescop, ou Petit télescope dédié aux planètes en transit et aux planétésimaux, en français). 

Au-delà de l’acronyme un peu tordu, il s’agit d’un hommage par les chercheurs belges aux pères trappistes… et aux bières qu’ils brassent.

La découverte spectaculaire a fait le tour du monde et valu à Michaël Gillon de figurer dans la liste des 100 personnes les plus influentes de la planète du magazine Time. Mais elle résulte aussi d’un pari audacieux : chercher des planètes autour de petites étoiles beaucoup moins brillantes que notre Soleil et situées près de la Terre. À l’époque, il n’était pas évident que ces étoiles comptaient des planètes. Mais Michaël Gillon a choisi de les chercher pour une raison bien simple : s’il les trouvait, il pourrait ensuite les étudier. Leur proximité et le fait que leur étoile peu brillante ne nous aveugle pas complètement font en sorte qu’on peut les faire parler.

« Le Graal, évidemment, est d’étudier des planètes qui sont potentiellement habitables et de répondre à la grande question : est-ce qu’il y a de la vie sur ces planètes ? À l’origine, je suis biologiste et je me suis tourné vers l’astrophysique avec cet objectif. C’est un questionnement que j’ai depuis que je suis tout petit », dit Michaël Gillon.

Les moyens de savoir

Pour répondre à cette question qui intrigue l’humanité depuis si longtemps, la communauté scientifique est en train de déployer tout un arsenal de moyens. Michaël Gillon est lui-même à la tête de SPECULOOS, un projet qui vise à installer des télescopes au Chili et aux îles Canaries pour détecter d’autres exoplanètes tournant autour de petites étoiles froides. En parallèle, on attend avec impatience le lancement du télescope spatial James Webb – sans cesse retardé, il est maintenant prévu pour 2021. Ce télescope se tournera vers les exoplanètes repérées depuis la Terre pour analyser leur atmosphère. C’est comme ça qu’on détectera des signes possibles de vie.

« Il faut comprendre qu’on ne va pas voir un vaisseau spatial, ni même des plantes. On va détecter certaines molécules dont les abondances relatives seront compatibles avec un phénomène lié à la vie. »

— L’astrophysicien Michaël Gillon

Si le chercheur belge était récemment à Montréal, ce n’est pas un hasard. À l’Université de Montréal, l’Institut de recherche sur les exoplanètes a conçu l’un des instruments qui seront utilisés par le télescope spatial James Webb. Le groupe est aussi derrière deux instruments, baptisés SPIRou et NIRPS, qui mesureront les masses des exoplanètes découvertes – un élément crucial pour savoir si ces astres sont rocheux ou gazeux.

« Montréal est clairement l’un des bastions forts de l’exoplanétologie mondiale », dit Michaël Gillon.

Des réponses bientôt ?

Pour Michaël Gillon, nous vivons actuellement une période « historique ».

« Il y a eu des siècles de spéculation sur l’existence de planètes autour d’autres étoiles et des millénaires de spéculation sur l’existence d’autres mondes habités. On est en train d’apporter les premiers éléments de réponse et ça ne va que s’amplifier. La réponse finale pourrait se faire attendre, mais c’est clair qu’on s’en approche », dit-il.

« On passe de l’imaginaire, de la spéculation, aux observations, dit-il. On passe de la science-fiction à la science. C’est terriblement excitant. »

Un clin d’œil

L’étude des exoplanètes comporte une certaine frustration : ces astres sont si petits, si lointains et si peu brillants qu’il est impossible d’en observer la surface avec un télescope, par exemple. Pour détecter des exoplanètes, les scientifiques attendent que les étoiles leur fassent des « clins d’œil » – de petites baisses de luminosité qui trahissent le fait qu’une planète est passée devant elles. Michaël Gillon avoue rêver de savoir de quoi les mondes de TRAPPIST-1 qu’il a découverts ont l’air.

« J’ai beau être scientifique, je comble mes attentes par l’imaginaire, confie-t-il. Il y a maintenant plusieurs bouquins et BD qui parlent de TRAPPIST-1 et ça permet de combler la brèche entre les données et le besoin d’en savoir plus. Mon bureau est tapissé d’affiches de TRAPPIST-1. Ce système reste toujours dans ma tête, j’y suis extrêmement attaché. »

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