Chronique

Quand les monopoles jouent avec notre argent

Coup sur coup, deux monopoles d’État du Québec viennent de perdre des millions de dollars avec leurs investissements à l’étranger. Dès lors, la question se pose : n’était-il pas évident que ces deux monopoles « frapperaient un nœud » en tentant de reproduire leur succès dans un marché concurrentiel ?

La semaine dernière, on a appris que Loto-Québec a fait une croix sur son investissement dans une société de casinos en France, perdant plus de 120 millions. La société avait fait l’acquisition de 35 % des actions de la société JAO Groupe, qui exploite 21 casinos. Or, les difficultés financières persistantes de JOA ont forcé Loto-Québec à céder ses actions pour une somme nulle à des repreneurs, plutôt que de renflouer l’entreprise.

Les dirigeants de Loto-Québec avaient sûrement de bonnes intentions en injectant des fonds des contribuables. Et ils ont sûrement une connaissance des jeux de hasard. Mais il manque au monopole d’État deux éléments essentiels pour réussir : l’habitude de la concurrence et la fougue de l’entrepreneur.

Un monopole comme Loto-Québec n’a pratiquement aucun concurrent dans son marché et il lui est donc facile d’engranger les profits sans se dépasser. Croire qu’il est possible de répéter ce succès dans un marché concurrentiel est illusoire.

De plus, un monopole n’a pas la fibre entrepreneuriale.

Quand un entrepreneur rompu aux méthodes implacables de la concurrence investit son propre argent dans un projet, il y met toute son expérience, mais aussi toute sa fougue. Il ne compte pas ses heures et trouve tous les moyens pour faire fructifier sa mise. C’est tout le contraire d’un monopole d’État.

Qui plus est, pour survivre, l’entrepreneur est parfois appelé à transgresser certaines règles pendant un certain temps, ce que ne peut pas faire une société d’État, dont la réputation est en jeu.

DES PERTES POUR LA SAQ

La Société des alcools du Québec (SAQ) a également perdu beaucoup d’argent en tentant de faire son nid dans le très concurrentiel marché international du vin avec la société Twist.

Depuis son lancement, en 2010, la SAQ a injecté 12 millions dans ce projet. Incapable de rentabiliser son investissement, la SAQ a conclu une transaction pour vendre l’entreprise, le 19 septembre, confirme la porte-parole de la société d’État, Linda Bouchard. Il est impossible de connaître le prix ou l’acheteur, mais tout indique que la SAQ, qui détenait 50 % de Twist, perdra l’essentiel de ses billes.

Au départ, la SAQ voulait faire de Twist un grossiste international en vin. Ce faisant, le monopole sortait de son terrain de jeu, ce qui a pu déplaire aux autres monopoles de l’alcool ou aux vendeurs de vin privés hors Québec. Twist a aussi tenté de s’implanter dans le marché du détail aux États-Unis en achetant l’entreprise de commerce de vins en ligne JJ Buckley.

Or, autant dans le commerce de gros international que dans le commerce de détail, la concurrence est féroce. La SAQ n’avait probablement pas l’agilité pour réagir rapidement à cet environnement.

HYDRO-QUÉBEC

Enfin, comme le veut l’adage, il y a l’exception qui confirme la règle et c’est le cas d’Hydro-Québec. Il y a quelques années, la société d’État a fait de juteux profits en vendant ses actifs à l’étranger, réalisant notamment un gain de près de 1 milliard de dollars avec sa participation dans une entreprise au Chili.

Dans le cas d’Hydro-Québec, faut-il dire, il s’agit d’un secteur où l’expertise technique de haut niveau joue un rôle important. Et au Chili, l’entreprise d’Hydro avait une position dominante, étant de loin le plus important réseau de transport d’électricité. L’entreprise y détenait 8000 km de lignes, notamment des lignes de haute tension, et 350 postes de transformation. L’environnement concurrentiel y était bien différent de celui auquel la SAQ s’attaquait, par exemple.

Quoi qu’il en soit, les pertes de Loto-Québec et de la SAQ nous enseignent que les monopoles d’État doivent ou s’abstenir ou être très parcimonieux dans leurs investissements à l’étranger. Certes, ils ont un savoir-faire, mais ils ne sont pas rompus aux pratiques de la concurrence.

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