Opinion  Éducation

Pour en finir avec l’aide aux devoirs

De nouvelles compressions budgétaires en éducation ont ramené à l’avant-plan, pour de bien mauvaises raisons, le programme d’aide aux devoirs. Les compressions qu’on lui a fait subir ont été dénoncées et certains chroniqueurs ont accusé les commissions scolaires d’avoir agi ainsi dans l’unique but d’ameuter l’opinion publique. Mais qu’en est-il vraiment  ?

Le programme d’aide aux devoirs a été mis en place par le gouvernement de Jean Charest en 2004, non sans avoir créé de la grogne dans le réseau scolaire. En effet, en finançant de façon aussi spécifique une mesure d’aide particulière, le gouvernement se servait de son pouvoir de dépenser pour intervenir dans un champ de juridiction qui relevait jusque là des écoles et des commissions scolaires.

Le programme s’est financé par le recyclage, quasiment dollar pour dollar, d’une mesure précédemment mise en place sous le règne de François Legault à l’éducation. Le «  Plan Legault  » servait d’abord à financer des actions variées, décidées par les équipes-écoles dans le cadre de leurs plans de réussite. Du jour au lendemain, le gouvernement disait aux écoles de se trouver une autre façon de soutenir leurs actions locales de promotion de la réussite, et imposa son programme, sans possibilité de retrait pour les écoles qui, par exemple, auraient déjà cessé de donner des devoirs.

Au-delà des enjeux de centralisation, de déni des marges de manœuvre locales et de la tendance qu’a l’État à se prendre pour un pédagogue lorsque c’est électoralement rentable, s’est-on seulement demandé si le fait de donner des devoirs était en soi une mesure efficace pour améliorer la réussite des élèves du primaire  ? Visiblement, non. L’état de la recherche sur cette question est pourtant clair  :  l’impact des devoirs sur la réussite au primaire est négligeable. Leur influence ne commence à se faire sentir qu’au secondaire.

En finançant un programme d’aide mur-à-mur au primaire, on n’a pas tenu compte de ce que disait la recherche sur le sujet. 

En fait, disons-le, il est plutôt rare qu’on s’intéresse vraiment à la recherche scientifique et à ses applications en éducation lorsque vient le temps de développer des politiques ou de lancer des programmes à grande échelle.

Un tel comportement en médecine ou en santé publique serait considéré comme de la négligence grave. Mais pour paraphraser un ministre du gouvernement actuel  :  en éducation, on ne meurt pas de ça.

Les gouvernements ont investi près de 200 millions dans ce programme, alors qu’aucune recherche digne de ce nom ne permet de penser que cela a un impact sur la réussite. Récemment, des écoles ont renoncé à donner des devoirs et ont observé de façon empirique que non seulement leurs élèves ne réussissaient pas moins, mais qu’ils réussissaient même mieux.

Voilà donc où nous en sommes rendus  :  condamner les commissions scolaires parce qu’elles coupent les vivres à un programme jugé inefficace et sans effet tangible sur la réussite.

Pour mettre fin à un processus souvent imprévisible de prise de décision en éducation, il est grand temps que le Québec se dote d’un Institut scientifique national d’éducation publique, indépendant, afin que nos décideurs puissent asseoir leurs décisions sur des données probantes plutôt que sur des croyances ou des sondages.

L’économiste John Maynard Keynes a déjà dit «  qu’il n’y avait rien que les gouvernements détestaient davantage que d’être bien informés parce que cela dérange et complique leurs façons habituelles de prendre des décisions  ». Cela doit changer.

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