Mon clin d’œil

Ça prendrait des infirmières pour prendre soin des infirmières.

Réplique  Réseau de l’Université du Québec 

L’éloge de… l’équité ! 

En réponse au texte d’opinion d’Alain Dubuc concernant la démission de Lise Bissonnette du C.A. de l’UQAM, publié le 1er février dernier.

Si Lise Bissonnette a péché par amalgame de deux problèmes distincts, mais reliés – celui du financement de l’UQAM et celui du financement du réseau de l’Université du Québec en général – M. Dubuc a péché par sa méconnaissance du milieu universitaire québécois, canadien et international, mais aussi par un certain réflexe intellectuel de ce que l’on pourrait appeler « darwinisme économique mythique ». 

Parlons de l’UQAM que nous vivons, respirons et rêvons. Mis à part les départements « nobles », pour reprendre les termes de M. Dubuc, l’UQAM n’a absolument rien à envier aux meilleures universités québécoises et canadiennes, autant dans les sciences pures (informatique, mathématiques, statistiques) et naturelles (biologie, chimie, sciences du climat), que dans les sciences humaines (psychologie, linguistique), sociales (communications, sociologie) ou de gestion (ESG), selon les indicateurs de performance habituels (publications, citations, subventions). 

Nos pairs au Québec, au Canada et à l’international le savent. Nous accueillons d’ailleurs 40 000 étudiants par année. Si la « marque UQAM » était si mal en point, nous n’en aurions pas autant. Cette année, notre faculté des sciences a enregistré une hausse des inscriptions à tous les cycles d’études, possiblement la seule à avoir eu de tels résultats. Cependant, il y a un problème de perception réel qui relève de mythes, lesquels sont hélas bien souvent renforcés par des journalistes qui font l’économie d’une bonne analyse et ne connaissent pas le système universitaire. 

Un argument erroné

L’argument de M. Dubuc selon lequel le financement actuel des universités est équitable et découle de leurs missions respectives est erroné, autant dans ses hypothèses – les faits – que dans son raisonnement. 

Pour les faits : la mission d’accessibilité de l’UQAM n’a jamais été géographique, contrairement aux constituantes en région, dont c’était un volet important, mais certainement pas unique. Disons que ça a plus de sens de faire de l’océanographie à Rimouski qu’à Outremont ! 

L’accessibilité de l’UQAM a toujours été articulée autour d’une offre de cours et de programmes modulaires et flexibles, qui permettent à des personnes de différentes provenances d’acquérir une formation universitaire de qualité.

Cette accessibilité a un coût réel structurel qui désavantage l’UQAM. En effet, une part importante de la subvention gouvernementale dépend du nombre d’équivalents étudiants à temps plein. Concrètement, cela veut dire qu’une université ayant un étudiant à temps plein (quatre cours par session) reçoit autant qu’une université qui a quatre étudiants à temps partiel qui suivent un cours chacun. 

L’économiste en M. Dubuc reconnaîtra qu’il y a un « coût fixe » par étudiant (admission, tenue de dossier, carte étudiant, comptes informatiques, facturation) qui ne dépend pas du nombre de cours suivis. Ainsi, une université qui se veut accessible à une population, dont une bonne partie est déjà sur le marché du travail, aura des coûts structurels plus grands. 

Facteur systémique

Un deuxième facteur systémique qui désavantage l’UQAM – et toutes les institutions universitaires n’ayant pas de départements « nobles », selon la terminologie de M. Dubuc (médecine, pharmacie, génie) – est que le financement des activités d’enseignement dépend de la matière enseignée. 

Pour prendre deux exemples extrêmes, disons qu’un cours d’anatomie humaine avec dissection coûte plus cher à organiser qu’un cours de littérature médiévale comparée.

Entre les deux, il y a beaucoup de zones grises qui font l’objet de discussions (et de lobbying ?) intenses entre les universités et le ministère de l’Éducation, dans un système de vases communicants où l’enveloppe globale est fixe. 

Troisièmement, M. Dubuc fait un malheureux amalgame entre les « community colleges » et les universités d’État américaines. Il est vrai que les « community colleges » sont des « boîtes à baccalauréat », des institutions d’enseignement qui dispensent des diplômes sans recherche ni études supérieures, et le personnel enseignant n’a pas à détenir de doctorat. La situation est totalement différente pour les universités d’État, financées conjointement par l’État et les droits de scolarité, ce qui en fait des établissements très convoités par les résidants de l’État.

Quelle est la qualité des universités d’État ? L’Université de Californie à Los Angeles (UCLA), ça vous dit quelque chose ? Et l’Université de Californie à Berkeley ? Et l’Université du Texas à Austin ? Si le Texas, qui ne prélève même pas d’impôt sur le revenu, a cru bon soutenir son réseau d’universités publiques et doter généreusement son fleuron, le campus d’Austin, pourquoi le Québec n’en ferait pas de même pour son réseau public, et l’UQAM ? 

L’économie libérale, concept bien cher à M. Dubuc, repose sur le concept d’égalité des chances. Nous ne demandons pas un traitement de faveur pour nous aider à nous développer – même si un tel traitement de « discrimination positive » ne serait pas fou. Nous demandons uniquement le même traitement que les autres, la même reconnaissance. Grâce à cela, nous ferons des miracles ! Pourquoi ? Parce qu’il y a un attachement des uqamiens envers l’UQAM que vous ne trouverez nulle part ailleurs ! 

* Aussi signataires : François Bergeron, professeur de mathématiques ; Olivier Collin, professeur de mathématiques ; Christophe Hohlweg, professeur de mathématiques et directeur du Laboratoire de combinatoire et d’informatique mathématique ; Daniel Kneeshaw, professeur de biologie ; Louise Laforest, professeure et directrice du département d’informatique ; et Denis Réale, professeur de biologie

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