Finances personnelles

Le fric et le fisc

Surprise : vous touchez une forte somme ! Resurprise : le fisc vous attendait au tournant !

TRAITEMENT FISCAL

« La première chose à se demander : quel est le traitement fiscal de la somme-surprise ? », avise la planificatrice financière et actuaire Nathalie Bachand, du cabinet Bachand Lafleur groupe conseil.

Le montant est-il imposable ? Faut-il ponctionner et réserver la part du fisc ? Considérons diverses hypothèses.

Vous êtes l’héritier de votre chère tante Hortense. La somme qui vous est remise au terme du processus de la liquidation de succession n’est pas imposable entre vos mains.

Ce qui ne veut pas dire que le patrimoine de tante Hortense est soustrait pour autant à l’impôt. La règle fiscale veut qu’au décès, le défunt est présumé disposer de l’ensemble de ses biens et être imposé en conséquence. Il doit acquitter ses impôts sur ses revenus de l’année en cours et des années précédentes, s’ils n’ont pas encore été déclarés. Des impôts devront également être versés sur le gain en capital réalisé en date du décès sur les placements et investissements. Le gain en capital sur une résidence principale est toutefois exempt d’impôt.

Nuance : lorsque c’est le conjoint du défunt qui hérite, les biens et placements lui sont transférés directement sans impôt. L’échéance fiscale ne s’en trouve que retardée.

Une fois réglées toutes ces menues tracasseries, les dispositions testamentaires peuvent être satisfaites.

Tante Hortense vous lègue 50 000 $ et cette somme est disponible après imposition du patrimoine ? Vous n’aurez pas d’impôt à payer.

UN JOUR, C’EST VOTRE TOUR À LA LOTERIE

Les gains à la loterie sont exempts d’impôt. Même chose d’ailleurs pour les gains au casino. Bien entendu, les revenus de placements qu’ils produiront seront imposables.

Les gains à la loterie ne sont pas considérés comme des revenus pour le calcul des prestations sociales. Ils sont toutefois comptabilisés comme avoirs liquides, et peuvent de ce fait influer sur l’admissibilité aux prestations.

MAMAN VOUS FAIT UN GROS CADEAU

Merci, maman. Ici aussi, c’est la règle de disposition présumée qui s’applique. Le fisc suppose que maman dispose du bien et elle devra donc acquitter l’impôt payable s’il y a lieu sur celui-ci. Elle devrait par exemple payer l’impôt sur le gain en capital réalisé sur le chalet qu’elle vous cède. Mais s’il s’agit d’une simple somme d’argent, elle n’aura aucun impôt à verser, à moins qu’elle ne l’ait extraite de son REER. De votre côté, dans la mesure où votre maman est en règle avec le fisc, le cadeau en argent qu’elle vous offre est libre d’impôt.

Bien entendu, les revenus d’intérêts que vous tirerez de cette somme sont pour leur part imposables.

« Attention aux règles d’attribution quand on donne au conjoint ou aux enfants mineurs. »

— Nathalie Bachand, planificatrice financière et actuaire au cabinet Bachand Lafleur groupe conseil

Les revenus produits par ce don, même s’ils sont encaissés par le bénéficiaire, seront attribués au donateur et imposés sur sa déclaration de revenus. « Le gouvernement veut éviter qu’un contribuable donne de l’argent à son conjoint pour réduire l’impôt du ménage. »

ÉPLORÉ, VOUS TOUCHEZ LE CAPITAL-DÉCÈS D’UNE ASSURANCE VIE

Sauf rares exceptions, trop complexes à décrire ici, la somme versée au bénéficiaire à la suite de la mort de l’assuré – le capital-décès – est exempte d’impôt.

VOUS ÊTES POUSSÉ À LA RETRAITE AVEC L’ÉQUIVALENT DE SIX MOIS DE SALAIRE

Une allocation de retraite est un montant forfaitaire qu’on vous accorde parce que vous prenez votre retraite. Une indemnité de départ est la somme qui vous est versée au moment où vous quittez un poste ou un emploi. Dans le cas de la perte d’un emploi, on parle plutôt d’indemnisation de cessation d’emploi.

Aux yeux du fisc, tous ces événements sont similaires. « Indemnité de départ, indemnité de cessation d’emploi, allocation de retraite, fiscalement, c’est tout du revenu imposable », indique Nathalie Bachand.

Ces versements sont traités comme des paiements forfaitaires.

L’employeur retiendra à la source l’impôt sur la partie de cette allocation qui ne serait pas directement versée dans votre REER ou dans votre régime de retraite.

INDEMNITÉS ET RETENUES À LA SOURCE

Mais ces retenues à la source seront-elles suffisantes ?

Les taux de retenue sur les sommes forfaitaires sont calculés indépendamment du revenu d’emploi. « Ça peut faire en sorte que l’impôt enlevé n’est pas suffisant », souligne la planificatrice.

Du côté fédéral, les taux de retenues à la source sont étagés comme suit : 5 % pour une indemnité de 5000 $ et moins, 10 % pour un montant de plus de 5000 $ jusqu’à concurrence de 15 000 $, et 15 % pour les montants supérieurs à 15 000 $.

Au Québec, les retenues s’établissent à 16 % pour un montant de 5000 $ et moins, et à 20 % pour un montant supérieur à 5000 $.

La retenue totale pour une indemnité de 100 000 $ serait donc de 35 000 $. Mais une telle somme pourrait subir un taux marginal d’imposition atteignant 49 %, soit un impôt de 49 000 $.

À la prochaine déclaration de revenus, le contribuable aurait donc 14 000 $ de plus à verser au fisc. Espérons que cette somme n’aura pas déjà été appliquée à un cinéma maison.

Selon l’importance relative de l’indemnité et de vos revenus annuels, il sera sage de prévoir une réserve fiscale.

ALLOCATION DE RETRAITE ET REER

Les indemnités de départ ou de cessation d’emploi sont imposables, mais elles pourraient être en tout ou en partie versées directement dans votre REER, pour les soustraire – temporairement – à l’impôt.

La loi permet de transférer directement dans le REER ou le régime complémentaire de retraite de l’employé une somme de 2000 $ pour chaque année de service avant 1996. On peut y ajouter 1500 $ pour chaque année de service avant 1989 pendant laquelle l’entreprise ne contribuait pas au régime complémentaire de retraite de l’employé. Ces sommes constituent ce qu’on appelle la partie admissible pour le transfert et ne viennent pas réduire les droits de cotisations inutilisés au REER de l’individu.

Si l’employé qui touche l’indemnité de cessation d’emploi travaillait pour l’entreprise depuis 1980, il pourrait ainsi transférer dans un REER 32 000 $ (16 ans x 2000 $), plus 13 500 $ (9 ans x 1500 $ s’il n’avait pas alors de régime de retraite), soit 45 500 $.

« Ce montant est transférable dans le REER de l’individu, pas dans le REER du conjoint », précise Mme Bachand.

Pour la partie de l’allocation de retraite qui n’est pas admissible au transfert, l’employé peut utiliser les droits de cotisation au REER qu’il a accumulés normalement.

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