Psychologie

Autisme et douance sont-ils liés ?

Plusieurs clichés sur l’autisme et la douance amènent parfois le grand public à confondre l’un avec l’autre. Dans une conférence organisée par l’organisme Haut potentiel Québec, le psychiatre Laurent Mottron, psychiatre et chercheur à l’hôpital Rivière-des-Prairies, a récemment déboulonné certains mythes.

Car, pour quiconque n’est pas spécialiste, certaines personnes autistes ressemblent à s’y méprendre à des surdoués. Intérêts particuliers, expertise dans certains domaines, anxiété, difficultés sociales… le portrait qu’on se fait généralement de l’autisme et de la douance nous ramène souvent à ces caractéristiques communes.

« Il y a 30 ans, on refusait de poser le diagnostic d’autisme si la personne était d’intelligence élevée. Aujourd’hui, on est complètement dans le contraire : les gens ont cette espèce de croyance que si une personne est autiste, elle doit forcément avoir des dons cachés. »

—Le Dr Laurent Mottron

Or, c’est là qu’on se trompe. L’autisme et la douance sont deux éléments absolument distincts, souligne le spécialiste. On retrouve donc chez les autistes des personnes dotées d’une intelligence hors du commun, et d’autres qui présentent un Q.I. tout à fait dans la norme.

Ce qui brouille les cartes, ce sont les intérêts particuliers que développent les personnes autistes, et ce, dès la petite enfance. « Par définition, un autiste est meilleur dans certaines choses que dans d’autres, résume le Dr Mottron. Ainsi, certains autistes peuvent présenter un retard important de langage, se développer de façon normale dans d’autres sphères et se montrer particulièrement talentueux dans certains domaines. »

Et dans ces intérêts particuliers, ces jeunes autistes peuvent se montrer extraordinaires… ou pas. « C’est indépendant, souligne le psychiatre. Il faut distinguer le Q.I. global et les performances dans un domaine donné. Si on définit la douance comme l’extrême de la courbe de distribution de l’intelligence, eh bien, il y a probablement autant d’autistes surdoués que de non-autistes surdoués. »

Mais y a-t-il une plus grande prévalence de douance chez les autistes ? « Non, il n’y en a pas. C’est un cliché. Il n’y a pas plus de génies chez les autistes, mais dans certains domaines particuliers, il n’y a à peu près que les autistes qui arrivent à avoir un très, très haut niveau. C’est ça qui est particulier », indique le Dr Mottron.

Le défi scolaire

Le médecin ajoute que c’est à l’école qu’il est difficile de distinguer certains jeunes autistes de leurs camarades dotés d’un haut potentiel intellectuel. L’autisme étant un spectre, plusieurs enfants autistes présentent des traits plus ou moins évidents pour les non-spécialistes. « Ça va se ressembler dans un sentiment de différence avec les autres. Le surdoué classique va trouver que les autres ne sont pas très intéressants, et va chercher désespérément des adultes pour discuter. Il va trouver l’école complètement inintéressante. L’enfant autiste de haut niveau de fonctionnement va généralement nous dire qu’il a toujours eu un petit soupçon de ne pas être comme les autres puis, par exemple, à la préadolescence, quand le groupe devient la chose la plus importante pour les jeunes de cet âge, eux, ils regardent ça presque de manière anthropologique. Ils vont dire : “Ah, les autres, ils sont comme ça…” Un enfant surdoué aura toujours eu la même distance par rapport aux autres. Il va trouver les autres bêtes, mais ce ne sera pas pour leur aspect social, mais pour leur niveau [intellectuel]. »

Ainsi, pour des parents, une recherche Google ne suffit pas et l’aide de spécialistes s’avère cruciale si ces différences avec les autres amènent une souffrance chez leur enfant. Le psychiatre Laurent Mottron estime qu’une dizaine de fois par année tout au plus, il doit faire chez de jeunes patients la distinction entre la douance et le trouble du spectre autistique, ou encore confirmer la présence des deux conditions. « Je ne veux pas être présomptueux, mais je suis content de le faire, dans le sens où j’ai l’impression de mettre toute mon expérience de vie professionnelle pour faire cette différence-là. Je me dis : “Oh, mon Dieu, on m’aurait montré ça il y a 20 ans… et j’aurais peut-être dit des bêtises”. Parce que c’est un domaine où il y a de la science, et de [l’expérience] clinique. »

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