Poursuite-Bâillon

Eddy Savoie devra payer 300 000 $ à la fille d'une ex-résidante

L’homme d’affaires Eddy Savoie devra verser près de 300 000 $ en dommages à la fille d’une ex-résidante de l’une de ses résidences Soleil, contre laquelle il avait déposé une poursuite-bâillon. Une décision qualifiée d’« historique » par l’avocat de la requérante. 

Dans un jugement rendu hier, le juge de la Cour supérieure Gary D.D. Morrison estime que le milliardaire a utilisé sa position « dominante » afin de faire taire la dame, qui le critiquait personnellement ainsi que sa résidence.

Le juge explique que « malgré les jugements rendus par le tribunal et par la Cour d’appel, l’intimé ne reconnaît pas ses torts », qu’Eddy Savoie « ne fait preuve d’aucun remords » et que « bien au contraire, il témoigne qu’après avoir pris connaissance du jugement déclarant son action abusive, il demeurait avec l’esprit de faire exactement la même chose qu’avant ». Le juge ajoute qu’à « l’évidence, il paraît clair que les risques que l’intimé récidive s’avèrent élevés ».

Par voie de communiqué, Pierrette Thériault-Martel se dit soulagée par la décision. 

« Les trois dernières années ont été très difficiles, mais je réalise aujourd’hui qu’il y a une justice. » 

— Pierrette Thériault-Martel

Le président de l’Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées (AQDR), Louis Plamondon, qui épaule Mme Thériault-Martel depuis le début, décrit la condamnation comme une « grande victoire ». 

« Ça envoie le message qu’il y a des coûts associés à l’abus de droit », soutient-il. Pour lui, Eddy Savoie a voulu intimider la plaignante en intentant une poursuite contre elle. Il pense que la décision servira d’avertissement. 

DÉCEPTION

Joint par téléphone au Nouveau-Brunswick, Eddy Savoie n’avait pas encore pris connaissance du jugement. Même s’il préfère attendre avant de le commenter, il se dit déçu.

« Pour moi, l’important, c’est que la justice sorte, ce n’est pas le 300 000 $ qui va me déranger, lance Eddy Savoie, surpris de la décision. Je ne m’attendais pas à perdre. » Il pense aussi que « le juge n’a pas fait ce qu’il devait faire, et ça, c’est malheureux ». Eddy Savoie n’a pas voulu dire s’il porterait la cause en appel, mais avance qu’il prendra « des décisions éclairées sur le sujet » dès lundi. 

La saga judiciaire débute en 2011, lorsque M. Savoie intente une poursuite de 400 000 $ contre Pierrette Thériault-Martel, la fille de l’une de ses résidantes. Mme Thériault-Martel fait partie d’un groupe qui dénonce la piètre qualité des soins offerts dans les résidences Soleil. La mère de Pierrette Thériault-Martel est alors mourante. 

Plutôt que de lui donner raison, la cour rejette la demande d’Eddy Savoie, la jugeant abusive. 

À son tour, Pierrette Thériault-Martel intente une poursuite en dommages contre l’homme d’affaires. En septembre 2013, le tribunal donne raison à la plaignante, qui réclamait cependant des dommages de 600 000 $.

Eddy Savoie doit maintenant lui verser 200 000 $ en dommages punitifs, 10 000 $ en dommages moraux et plus de 87 000 $ pour les honoraires. 

Dans sa décision, le juge a rappelé que les sommes octroyées à titre de dommages punitifs sont devenues plus importantes récemment. Il cite deux cas précis, dont une décision de la Cour suprême, qui a octroyé la somme de 500 000 $ en dommages punitifs à Claude Robinson dans l’affaire Cinar. 

Il note toutefois que dans le cas d’Eddy Savoie, « le fait que l’intimé soit milliardaire ne justifie pas, en soi, que les dommages punitifs s’établissent à un niveau astronomique ».

Louis Plamondon, Pierrette Thériault-Martel et son avocat, Me Jean-Pierre Ménard, commenteront plus en détail ce jugement lors d’une conférence de presse lundi.

— Avec Philippe Teisceira-Lessard, La Presse

 

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