OPINION

La clé, c’est la lecture

Il est possible d’instaurer une « culture de l’écrit » sans bouleverser complètement les programmes actuels

L’auteure réagit à l’éditorial de Pascale Breton, « L’après-réforme », publié le 10 février.

Oui, il faut éviter un autre « grand bouleversement » en éducation et oui, la lecture est la clé pour ouvrir à des changements bénéfiques en éducation.

Aujourd’hui, on situe la lecture dans le cadre de la littératie pour indiquer un « état lettré » qui inclut des connaissances sur la langue et sur le monde, des « compétences » résultant de la pratique de l’écrit, mais aussi une participation à la « culture de l’écrit ». C’est cette littératie qui est mesurée par les grandes enquêtes internationales et qui est considérée comme un indice de développement des sociétés. On ne se trompe donc pas en misant sur cet objectif.

Chose intéressante concernant la lecture, depuis la parution, en 2000, du rapport du National Reading Panel, on peut affirmer qu’il y a consensus sur son enseignement, consensus découlant de milliers de recherches menées sur plus de 40 ans et qui établissent cinq dimensions d’un enseignement efficace.

D’un côté, il faut assurer les bases. La conscience des phonèmes (les « sons ») et la connaissance des lettres de l’alphabet (1) ; la compréhension du principe alphabétique, c’est-à-dire la combinaison de lettres qui permettent de transcrire ces phonèmes dans les mots écrits (2) ; la fluidité qui résulte d’une pratique abondante de la lecture de base pour automatiser les processus (3). Ces trois aspects doivent être travaillés en priorité au début de la scolarité pour assurer des bases solides.

Les deux dimensions suivantes s’enseignent aussi dès le départ, mais se poursuivent tout au long de la scolarité. Il s’agit de l’enseignement du vocabulaire qui se développe par les lectures dans la classe de français, mais également dans toutes les matières enseignées à l’école (4) ; et de « stratégies » de compréhension qui permettent de lire des textes plus complexes que l’on retrouve dans l’enseignement de toutes les disciplines (5).

Il ne serait pas nécessaire de bouleverser complètement les programmes actuels pour introduire ces éléments. Peut-être qu’il y aurait plus à insister au début du primaire, mais autrement, il suffirait de relier davantage les connaissances déjà présentes dans toutes les disciplines et de les mettre en relation avec la « compétence » à lire, de sorte qu’enseigner toutes les disciplines contribuerait à développer la littératie chez les élèves.

Ceci nous permettrait également de sortir de ce débat sans fond qui oppose compétences à connaissances.

Pour ce qui est de la formation des enseignants, c’est un sujet qu’il ne faudrait pas aborder « au passage », mais en profondeur. Les difficultés en français des jeunes enseignants ne peuvent être imputées à la présente réforme ; elles indiquent au contraire que cette dernière n’est que le prolongement d’une approche instaurée dans les années 80, approche où on accorde plus d’importance à la communication qu’à la justesse de la langue.

C’est dans ce contexte qu’on a trop mis l’accent sur les aspects pédagogiques comme la « gestion de classe », en minimisant l’apprentissage de la langue et des différentes disciplines enseignées. Des efforts sont faits depuis quelques années dans les universités pour améliorer la situation et un virage vers la littératie soutiendrait ce mouvement puisque la littératie, c’est à la fois la maîtrise de la langue écrite et l’acquisition des connaissances nécessaires pour s’inscrire dans une culture de l’écrit.

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