Opéra Chants du capricorne

Des airs de résistance

Vingt après sa création à Montréal, Pauline Vaillancourt remet en scène Chants du capricorne avec une nouvelle chanteuse, Marie-Annick Béliveau, mais le même concepteur de l’installation et du costume, Massimo Guerrera.

C’est une histoire de résistance et de liberté. Celle de la recherche, de l’exploration, de l’expérimentation. Celle de l’art de création de plus en plus poussé vers les marges, de moins en moins appuyé par les institutions et les médias.

Pauline Vaillancourt et Massimo Guerrera sont aux premières loges de ce combat de tous les jours. Ils se sont rencontrés il y a 20 ans pour créer Chants du capricorne en opéra performance. Leur vision et, surtout, leur intuition sont toujours pertinentes.

« C’est important qu’on le fasse et, aussi, de tenir le coup, lance Pauline Vaillancourt, pour conserver cet espace de liberté et d’authenticité. C’est le rôle de nos petites compagnies d’indiquer la voie du futur. »

« La présentation il y a 20 ans a semé des graines, pense Massimo Guerrera. Les gens se sont rendu compte qu’il se passait quelque chose de particulier avec Chants libres. Il y avait beaucoup de collaboration à l’époque entre danse, performance, musique et art visuel. » 

La musique de Giacinto Scelsi représente un autre acte de résistance. Il a composé 150 pièces, dont beaucoup n’ont été découvertes qu’après sa mort, en 1988.

« C’est une musique libre. Massimo avait cette liberté dans son travail. Il déconstruit beaucoup comme le fait Scelsi en musique. J’adore travailler avec les artistes visuels parce qu’ils nous déstabilisent. »

— La metteure en scène, Pauline Vaillancourt

La musique de Scelsi peut déstabiliser. Chants du capricorne est un cycle de 17 pièces pour voix seule où les sons primitifs ont remplacé les mots. C’est un rôle physique, mais la performance vocale est aussi exigeante : 55 minutes de chant pour Marie-Annick Béliveau.

Massimo Guerrera a dû quelque peu retoucher l’écrin scénographique dans lequel elle évolue. Le décor est fait de cavités et le costume au sexe magnifié est lourd, mais fonctionnel. Il agit comme le cocon du capricorne.

« Cela s’est fait dans un certain élan intuitif, raconte l’artiste visuel. Cela a donné quelque chose d’organique, près du corps. La figure du capricorne a été le point de départ. J’ai fait des esquisses sur le costume avec des cornes et des entonnoirs servant à la fois de porte-voix et de cornet acoustique. Il y a une belle ambiguïté entre ce qui entre et sort. »

SPECTACLE ET SPECTACULAIRE

Une œuvre symbolique, évocatrice, donc, et libre, dans un monde où le spectaculaire a pris toute la place, cependant.

« Tout va vers le plus populaire, note Mme Vaillancourt. On a de la difficulté à maintenir une certaine rigueur en art, même si les gens qui viennent sont surpris et aiment ça. Sauf qu’il faut aller les chercher dans leur lit. »

Guy Debord avait prédit dans les années 60 ce triomphe de la société du spectacle, rappelle Massimo Guerrera.

« On est dans les effets. Le travail plus fin est là, mais toujours avec de petits moyens. Les lieux de recherche sont importants. On doit se rendre compte que la création nourrit beaucoup de gens. »

Même si elle constate que de plus en plus de chanteurs s’intéressent à l’opéra contemporain, Pauline Vaillancourt se demande parfois si Chants libres pourra continuer longtemps sa recherche d’authenticité. 

« Il faut avoir le courage de le faire, répond Massimo Guerrera. Il ne faut pas se laisser prendre complètement par le système. C’est un truc à long terme. Tu as 40-50 ans et tu gagnes toujours 15 000 $ par année. C’est difficile, mais on survit. »

À l’Usine C ce soir, demain et samedi à 20 h.

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