Carey Price
écrit l’histoire

Carey Price a rejoint le légendaire Jacques Plante en inscrivant hier sa 314e victoire en saison dans l’uniforme du Canadien. Une victoire de plus et il deviendra le meneur dans l’histoire du Tricolore à ce chapitre. Pas mal pour un gardien dont le repêchage, en 2005, en avait fait douter plus d’un.

Carey Price

La personnalité pour Montréal

C’était pendant les séries 2014. Carey Price venait d’aider le Canada à gagner l’or aux Jeux de Sotchi et tentait maintenant de mener le Tricolore aux grands honneurs.

C’était après une des rares périodes où ça avait moins bien été ce printemps-là. On a tendance à l’oublier, mais il présentait une jolie fiche de huit victoires et trois défaites quand un abat de Chris Kreider a mis un terme à sa saison.

Ladite période ne s’était donc pas passée au goût de Price. Laissons Mike Condon, qui s’entraînait alors dans l’entourage de l’équipe à titre de « black ace », raconter la suite.

« C’est l’entracte. Carey entre dans la pièce où ils évaluent les joueurs qui subissent une commotion cérébrale. Il prend une chaise et la lance au bout de ses bras ! Puis, il va aux toilettes et se lance de l’eau au visage. Il revient, ramasse la chaise et la replace là où il l’avait prise. Et puis, il retourne s’asseoir dans le vestiaire, à 50 pulsations/seconde, comme toujours. »

Carey Price a égalé hier le record d’équipe de Jacques Plante en signant son 314e triomphe. Pour l’occasion, La Presse s’est entretenue avec six de ses anciens adjoints, qui l’ont côtoyé de ses années juniors à Tri-City jusqu’à aujourd’hui, dans la LNH.

Et à l’unanimité, sans même que le sujet soit suggéré dans les questions, c’est toujours ce trait de caractère que Condon illustre dans son anecdote, qu’Alex Auld décrit comme « ce drôle de mélange de passivité et d’agressivité », qui ressort comme qualité première de Price. Peter Budaj, lui, a découvert cette facette en observant Price pendant les pauses publicitaires, quand il revenait au banc.

« Chaque gardien est différent. Certains aiment parler pendant les pauses, d’autres non, rappelle Budaj, du Reign d’Ontario, dans la Ligue américaine. Je voulais donc apprendre à le connaître. Mais finalement, c’était très simple. Il arrivait toujours avec le sourire, il déconnait, on parlait des jeux qui venaient de se passer. Il était très concentré, mais calme. »

« Je ne l’ai jamais senti nerveux. Il a compris que les émotions négatives ne t’aident pas et n’aident pas l’équipe. »

— Peter Budaj, au sujet de Carey Price

« Quand l’autre équipe marque deux buts, tu veux voir ton gardien rester calme, car c’est ce qui va te permettre de t’en sortir. Sinon, tu peux galvaniser l’autre équipe en montrant des signes de nervosité. »

C’est donc ce calme olympien qui peut expliquer pourquoi Price a survécu tout ce temps dans ce marché si exigeant pour ses gardiens, marché qui a même eu raison du grand Patrick Roy.

En incubation à Tri-City et à Hamilton

Carey Price venait d’être réclamé au 5e rang au total par le Canadien quand Chet Pickard s’est joint aux Americans de Tri-City.

Pickard, futur choix de premier tour des Predators de Nashville, s’est vite lié d’amitié avec un type qu’il décrit comme très « terre-à-terre ». Les deux gardiens étaient même cochambreurs, ce qui les a rapprochés. Car il n’y a qu’un ami proche qui puisse subtilement glisser des Glosette aux raisins sous les couvertures pendant la sieste. « Évidemment, j’ai eu chaud sous les draps, donc les Glosette ont fondu ! », se remémore Pickard en riant. On vous épargne le reste de la description, mais vous pouvez vous imaginer à quoi ressemblaient les draps blancs.

Pickard, qui joue aujourd’hui à Mannheim, en première division allemande, se souvient particulièrement des jours d’entraînement au Toyota Center de Kennewick, là où les Americans élisaient domicile.

« Souvent, il se couchait sur la patinoire et il me regardait arrêter des tirs, tout simplement. J’ai fini par comprendre qu’il regardait les angles, les zones que je ne couvrais pas, pour comprendre quels étaient les angles plus durs à couvrir. »

« Quand tu le regardes jouer, tu n’as pas l’impression qu’il bouge. En fait, c’est parce qu’il est très efficace dans ses mouvements. Parfois, moins, c’est plus [less is more]. »

— Chet Pickard, ancien coéquipier au niveau junior

Les étapes se bousculent pour Price. Il se dresse devant les Américains en demi-finale du Championnat du monde junior en janvier 2007, en route vers la conquête du titre mondial. Sa saison avec les Americans prend vite fin, dès le premier tour, ce qui permet au portier de 19 ans de se joindre aux Bulldogs de Hamilton, club-école du CH, pour la fin de la saison. Price y retrouve Yann Danis, qu’il avait connu à son tout premier camp avec le Canadien, en septembre 2005. « Jouer devant 21 000 personnes, ça n’avait pas l’air de le rendre nerveux », raconte Danis, qui travaille aujourd’hui dans le secteur immobilier.

Price ne vient finalement pas seulement épauler Danis ; il le supplante carrément à titre de numéro 1 !

« À la veille du premier match des séries, on m’a dit que l’organisation voulait que ce soit lui qui joue. C’était un coup dur. Mais j’ai vite compris que je ne pouvais rien dire. Il nous a amenés en finale. Et c’est lui qui a gagné la finale ! »

« C’est un exploit, sortir du junior et monter dans la Ligue américaine. Il y a une coche [entre les deux niveaux], et ça ne l’a pas affecté. »

— Yan Danis, ancien coéquipier avec les Bulldogs de Hamilton

Danis découvre à sa façon le calme légendaire de Price, dans son cheminement en séries, mais aussi dans un aspect très technique du jeu.

« Le contrôle de la rondelle, c’était déjà naturel, c’était déjà une force dans son jeu. Moi, je ne l’ai jamais vraiment eu. J’ai aussi joué avec Martin Brodeur. Rien ne stresse ces gardiens-là. Ils vont sortir de leur filet, lever la tête, faire leur lecture, passer la rondelle et retourner devant le but. Moi, j’arrêtais la rondelle, je la donnais, c’était tout. On aurait dit qu’ils avaient cinq secondes de plus que moi pour faire le jeu ! »

Les débuts

La Coupe Calder en juin 2007, les débuts en LNH quatre mois plus tard. On le disait ; les étapes se bousculent. Et ne l’affectent pas, foi de Cristobal Huet.

« Je me souviens de son premier départ, à Pittsburgh. Avant le match, il jouait avec la caméra ! La caméra arrive sur lui, il la regarde et dit : “hi mom !” Quand on dit qu’il est laid back, c’est exactement ça. »

— Cristobal Huet

La progression de Price est fulgurante au point où le Français, aujourd’hui entraîneur des gardiens avec le Lausanne HC, est échangé en février 2008. Le filet est confié à deux recrues : Price et Jaroslav Halak. Ce dernier ravit toutefois le poste de numéro 1 à Price et mène le CH en finale de l’Est au printemps 2010. Pierre Gauthier doit alors trancher entre Price et Halak, et va à l’encontre du sentiment populaire.

« Je me joins au Canadien, l’équipe vient d’aller en finale de l’Est, elle échange Halak et soudainement, ça devient l’équipe de Price. Peu de joueurs auraient pu gérer ça », rappelle Alex Auld.

Aux yeux de bien des partisans, Gauthier a fait le mauvais choix. Ils sont réconfortés dans leur opinion quand ils voient Price accorder quatre buts sur 10 tirs en 30 minutes lors de son premier match préparatoire du camp 2010. C’est là que Price sort son fameux « chill out » en mêlée de presse, après avoir été hué plus copieusement qu’un lutteur qui triche à l’insu de l’arbitre.

« Ça prenait des couilles ! », rappelle Auld, qui agit désormais comme analyste à la radio à Vancouver.

« Sur le coup, je n’ai pas trouvé son commentaire très intelligent ! C’était comme s’il demandait de la pression. Mais ça en disait long sur sa personnalité. Il voulait cette pression. »

— Alex Auld

« Le printemps précédent, le succès de Halak l’a probablement fouetté. Je veux être ce gars-là. Sa déclaration, c’était sa façon de dire : c’est la première étape, mais ça va aller. Il savait ce dont il parlait. Avec le recul, je trouve que c’était une preuve de leadership. »

Le Vézina

Price passe de la parole aux actes. Cette saison-là, il présente une moyenne de 2,35 et une efficacité de ,923, amorçant 70 des 82 matchs du Canadien. « Il a un peu trop joué, en partie parce qu’ils ne croyaient pas qu’ils pouvaient me donner beaucoup de matchs ! », avoue Auld, en toute humilité.

C’est le début d’une époque dominante, qui aboutit sur la conquête des trophées Hart et Vézina en 2015.

À l’automne 2015, Mike Condon débarque dans le portrait et commence à développer une relation finalement éphémère, puisque la saison de Price prend fin le 25 novembre. Aussi fort mentalement soit-il, Price a souvent été victime de genoux fragiles, qui ont embêté le Canadien à quelques reprises.

Condon assiste donc à seulement 12 matchs de Price, mais se souvient de tout : la mise en échec sur Chris Kreider derrière le filet, les arrêts, l’aura d’invincibilité. Doit-on rappeler qu’au moment de hisser le drapeau blanc, Price présente une fiche de 10-2-0, une moyenne de 2,06 et une efficacité de ,934. Qui sait si un deuxième Vézina ne l’attendait pas ?

Condon se souvient certes des aspects techniques, mais lui aussi retient bien plus le calme de Price.

« Tu le regardes patiner et rien n’est précipité. Tout est fluide. Il prend son temps. On a un proverbe entre gardiens : slow is smooth and smooth is fast. Quand tu le regardes, ça a du sens. »

— Mike Condon

« Il est relax, naturel. Quand tu le regardes de près, tu remarques à quel point il exécute bien ses mouvements, avec un effort minimal », analyse Condon.

« J’aimais bien observer son comportement dans certains types de matchs. En début de saison, on jouait contre les Blues et Steve Ott, un bon agitateur. Après un arrêt de jeu, Ott enlève son gant pour mettre ses doigts dans la grille de Price. À la pause publicitaire, Price arrive au banc. “Dude, pourquoi tu n’as pas répliqué ?” Il a ri et a pris une gorgée d’eau. Il était déjà passé à autre chose. D’autres gars auraient répliqué. Pas lui. Et il avait connu tout un match. Ça m’avait marqué. »

Ce soir-là, Price avait effectivement bloqué les 38 tirs des Blues, en route vers un triomphe de 3-0. Une de ses 314 victoires, des victoires remportées par celui à qui on aurait donné le moins de chances de survivre dans la fournaise montréalaise, quand on compare le bouillonnant marché à son village natal d’Anahim Lake.

« Il a la personnalité pour Montréal, croit Cristobal Huet. Avoir confiance en soi et se foutre de ce que les gens disent, c’est une qualité. L’important, c’est ce que les entraîneurs et coéquipiers pensent. Bien sûr que les fans sont importants. Mais si on écoute tout le monde, on ne s’en sort pas, surtout à Montréal.

« Il faut savoir être apprécié de ses boss et de ses coéquipiers et ensuite, on sera apprécié du public. »

Chiffres, dates et citations marquantes

287

On parle beaucoup de ses victoires, mais Price détient également le record pour le nombre de défaites avec le Canadien (220 en temps règlementaire, 67 en bris d’égalité). Ça vient évidemment avec le fait d’être le gardien le plus occupé de l’histoire de l’équipe.

13

Malgré ses habiletés en possession de rondelle, Price vient seulement au 4e rang de l’histoire du Canadien pour les passes chez les gardiens, avec 13. Devant lui : Patrick Roy (28), Ken Dryden (19) et Bunny Larocque (15), qui jouaient toutefois à des époques plus offensives. Et puis, les passes de Larocque et de Dryden étaient destinées à Guy Lafleur, Steve Shutt et Larry Robinson. Ça ne devait pas nuire.

35 540

Minutes passées sur la patinoire. Depuis l’arrivée de Price dans la LNH, seulement 4 gardiens ont vu plus d’action que lui, avec Henrik Lundqvist seul au 1er rang, à 42 277 minutes.

4

Au cours des 25 dernières années, seulement 4 gardiens originaires du Canada ont remporté le trophée Vézina. Price est devenu l’un d’eux en 2014-2015. Les autres ? Martin Brodeur (quatre fois), José Théodore et Braden Holtby, une fois chacun.

26

Le nombre de victoires de Carey Price contre les Bruins de Boston. C’est l’équipe qu’il a le plus souvent battue (25 victoires contre les Sénateurs). C’est aussi l’équipe qu’il a affrontée le plus souvent.

3,66

La moyenne de Carey Price contre les Oilers d’Edmonton. C’est sa pire dans la LNH. Sa meilleure : 1,85 en 20 matchs contre les Panthers de la Floride.

163-125-46

Fiche de tous les autres gardiens du Canadien depuis le premier match de Carey Price dans la LNH. Jaroslav Halak a le plus de victoires, avec 46, et la meilleure efficacité, à ,921. Suivent Peter Budaj, à 23 victoires, puis Mike Condon, à 21.

,578

Depuis l’arrivée de Carey Price dans la LNH, le Canadien joue pour ,578 quand il est devant le filet. L’équipe joue pour ,557 quand c’est un autre gardien.

Quelques dates importantes

30 juillet 2005

Le Canadien crée la surprise en réclamant Carey Price au 5e rang du repêchage, tenu exceptionnellement dans un hôtel d’Ottawa.

7 juin 2007

Price bloque 29 tirs et les Bulldogs de Hamilton l’emportent 2-1 sur les Bears de Hershey, pour enlever la finale de la Coupe Calder en cinq matchs. Cinq mois après avoir mené Équipe Canada à la conquête de l’or au Championnat du monde junior, Price s’adjuge donc le titre de la Ligue américaine.

10 octobre 2007

Premier match, première victoire. Price bloque 26 tirs et signe son premier gain dans la LNH, une victoire de 3-2 sur les Penguins à l’ancien Mellon Arena de Pittsburgh.

26 février 2008

Bob Gainey donne le coup d’envoi à l’ère Carey Price en échangeant le vétéran Cristobal Huet aux Capitals de Washington. Price, qui n’a que 20 ans, sera donc épaulé par la recrue Jaroslav Halak pour le reste de la saison et les séries.

22 avril 2009

Les Bruins l’emportent 4-1 sur le Canadien pour balayer la série de premier tour en quatre matchs. Ce soir-là, Price lève les bras au ciel – comme l’avait fait Patrick Roy 14 ans plus tôt – après que la foule du Centre Bell l’eut applaudi sarcastiquement pour un arrêt de routine.

17 juin 2010

Le Canadien échange Jaroslav Halak aux Blues de St. Louis, contre Lars Eller et Ian Schultz. Pierre Gauthier confirme de nouveau que Price est le gardien de l’avenir du Canadien, même si Halak venait de transporter l’équipe en finale de l’Est.

17 mai 2014

Dans le premier match de la finale de l’Est, Chris Kreider entre en collision avec Price, qui est blessé à un genou. Il sera incapable de revenir au jeu et les Rangers battent le Tricolore en six matchs.

24 juin 2015

Price fait une razzia à Las Vegas : il repart avec les trophées Hart (joueur le plus utile), Ted-Lindsay (joueur par excellence selon les autres joueurs), Vézina (meilleur gardien) et Jennings (l’équipe qui accorde le moins de buts).

29 octobre 2015

Price survole la LNH avec une fiche de 7-1-0 et une moyenne de 1,75. Mais lors d’un match à Edmonton, il se blesse à un genou. Après une absence de trois semaines, il revient disputer trois matchs. Celui du 25 novembre sera son dernier de la saison.

2 juillet 2017

Price signe une prolongation de contrat de 8 ans et 84 millions de dollars. Il s’agit de l’entente la plus lucrative de l’histoire du Canadien.

En mots

« Il va falloir que je m’y habitue. J’ai 21 000 personnes comme patrons. »

— Le 23 avril 2009, lors du bilan de fin de saison, après que la foule du Centre Bell l’eut applaudi sarcastiquement pour un arrêt de routine

« Je ne fais presque plus rien. Je me sens comme un hobbit dans son trou. »

— Le 11 mai 2013, lors du bilan de fin de saison, au sujet de l’anonymat, dont il s’ennuie

« J’aimerais vraiment encourager les jeunes des Premières Nations à être des meneurs dans leur communauté. Soyez fiers de votre héritage et ne vous laissez pas décourager par l’improbable. »

— Le 24 juin 2015, lors de la cérémonie de remise des trophées de la LNH

Le Canadien Carey Price dépasse Jacques Plante

Hal Gill se souvient des huées

Retournons en arrière, au 31 mars 2010. Carey Price vient de perdre 2-1 contre les Hurricanes de la Caroline, malgré ses 25 arrêts. À l’annonce qu’il reçoit la troisième étoile, quelques partisans huent spontanément.

Il faut dire qu’en cette saison 2009-2010, Price ne s’est pas fait beaucoup d’admirateurs. Il perd souvent, et de l’autre côté, Jaroslav Halak est devenu plus populaire que les Beatles. C’est d’ailleurs Halak qui termine la saison, puis transporte le Canadien jusqu’en finale de l’Association de l’Est.

La fébrilité est à son comble. Le public montréalais a adopté un nouveau héros. Tous les rêves sont désormais permis. Pas besoin de vous rappeler ce qui vient ensuite : c’est la stupéfaction le 17 juin quand Halak passe aux Blues de St. Louis. Le Canadien a tranché : Price est le gardien d’avenir de l’organisation.

L’été passe, puis lors du premier match préparatoire, Price connaît une défaillance. Il cède quatre fois sur neuf tirs face aux Bruins de Boston. Les spectateurs au Centre Bell n’en demandaient pas tant. Ils déversent leur frustration sur le jeune gardien de 23 ans à l’époque. C’est le lendemain que Price servira son célèbre « Chill out ».

Le défenseur Hal Gill est l’un des premiers à se porter à la défense de Price. Il l’avait fait avec passion la saison précédente après la défaite face aux Hurricanes. Ce soir-là, il sort carrément de ses gonds : « Il est à peu près temps que les gens comprennent qu’ils ne l’aident pas. Ils n’aident pas l’équipe. »

Gill est aujourd’hui analyste pour les Predators de Nashville. On lui a reparlé de ce moment marquant de son passage avec le Canadien. 

« Quand Carey Price est arrivé à Montréal, il était très jeune. Je suis déjà sorti avec lui. Que ce soit lui ou P.K. Subban, tout le monde leur payait des verres, tout le monde prenait soin d’eux dans la ville. Tout le monde le connaissait. Puis le lendemain, après lui avoir offert des verres toute la soirée, ils le critiquaient pour avoir bu de l’alcool. Je trouvais ça injuste. C’était un jeune homme qui devait grandir à travers tout ça. »

— Hall Gill

« Carey a passé l’été à s’entraîner plus fort que jamais. Il a arrêté de boire complètement. Il s’est imposé beaucoup de choses pour devenir meilleur. Puis il a accordé quelques buts, et la foule a commencé à le huer. J’ai perdu contrôle. J’étais furieux envers les partisans. »

« Ce jeune avait travaillé si fort pour devenir meilleur, tout le monde le savait dans le vestiaire. Dès que j’ai parlé contre les partisans, j’ai cru que je me ferais huer et que je serais échangé. Finalement, ça s’est bien passé. Je crois que plusieurs respectaient que je défende un coéquipier. »

Selon Gill, les deux joueurs ont développé ensuite un lien plus étroit. Ils sont sortis ensemble après ce fameux match préparatoire. Price a admis qu’il trouvait la situation très frustrante. L’ancien défenseur croit d’ailleurs que cette épreuve a changé Price.

« À travers ça, il a appris qu’il devait être lui-même. Maintenant plus que jamais, c’est ce qu’il fait. Peu importe les commentaires négatifs ou positifs, il ne peut pas changer qui il est. Il doit faire ses propres affaires. J’ai beaucoup appris sur moi-même durant cet épisode, lui aussi, je crois. C’est une bonne personne, il fait les choses à sa manière, et l’équipe respecte ça. J’espère que tous les gens à Montréal le respectent aussi pour ça. »

Une première rencontre

Gill a porté les couleurs du Canadien de juillet 2009, quand il s’est joint à l’équipe à titre de joueur autonome, jusqu’à ce qu’il soit échangé aux Predators le 17 février 2012. Durant son passage, il a marqué l’imaginaire par sa technique de la pieuvre qui le rendait si redoutable en désavantage numérique. Il était toujours prêt à se sacrifier pour un gardien qu’il respectait beaucoup.

Gill se souvient d’ailleurs que la première fois qu’il a vu Price, il a d’abord été frappé par son imposante stature. Ensuite, par son attitude très décontractée.

« Je trouvais fascinant qu’il soit un compétiteur si féroce tout en étant quelqu’un de si détendu. Être son défenseur était un privilège. Il était très calme, il ne perdait jamais le contrôle. Il te disait quelque chose, tu savais qu’il était sérieux, mais il n’avait pas besoin de crier. Il pétait les plombs une fois de temps en temps et brisait un bâton, mais ce n’était jamais envers ses coéquipiers. »

—Hall Gill

Avec les saisons, Gill a appris à connaître un homme capable d’être à la fois un coéquipier exemplaire, mais qui avait aussi besoin de solitude. L’ancien défenseur raconte que Price possédait un faux veau et qu’il lui arrivait de s’isoler simplement pour l’attraper au lasso et l’attacher. C’est ce qu’on appelle le calf roping en rodéo, un monde avec lequel Price est très familier.

Enfin, Gill a su tout ce qu’il avait à savoir sur Price au moment où Halak s’est imposé comme numéro un en séries éliminatoires. Leur conversation de fin de saison est bien connue : Gill avait demandé à Price s’il avait hâte de partir. Price lui avait répondu qu’il voulait rester, qu’il voulait réussir à Montréal.

« Il a traversé un dur moment quand Halak a pris la place de numéro un en séries. Tu ne peux pas être un meilleur coéquipier qu’il l’a été. Il a accepté son sort. Il a été excellent. Ç’a été un gros test pour lui. J’ai adoré le voir se relever de cette épreuve et j’ai énormément de respect pour lui. »

Voici aujourd’hui Price avec sa 315e victoire dans l’uniforme du Canadien, plus que quiconque dans l’histoire. Huit ans plus tard, impossible d’en douter, Price a tenu parole.

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