Intelligence artificielle

Contexte parfait pour Montréal

Non seulement l’intelligence artificielle a-t-elle la cote un peu partout à l’heure actuelle, mais encore la branche de celle-ci dans laquelle Montréal est reconnue, l’apprentissage profond, est celle qui est précisément le plus en vogue, ce qui explique l’engouement actuel pour la métropole.

« L’intelligence artificielle est un concept qui existe depuis 60 ans, mais qui a connu plusieurs “hivers” entre des phases d’excitation », explique Denis Thérien, professeur au département d’informatique de l’Université McGill et vice-président aux partenariats à l’Institut canadien de recherche avancée (ICRA).

« Cette fois, ce qui est différent des autres phases d’excitation, c’est l’apprentissage profond. On ne parle plus d’espoirs, on parle d’algorithmes qui fonctionnent présentement et qui ont permis d’améliorer de façon significative plusieurs fonctions réalisées par des ordinateurs, comme la reconnaissance d’objets dans des images ou la reconnaissance de la parole. Et là, on s’en va vers la traduction. »

Pas plus tard que la semaine dernière, Google a en effet annoncé une mise à jour de son produit Google Translate, qui s’inspire manifestement beaucoup de découvertes faites il y a deux ans à l’Université de Montréal par l’équipe du professeur Yoshua Bengio.

« Avec cette mise à jour, Google Translate s’améliore davantage en un seul bond qu’au total des 10 années précédentes », a fait valoir le responsable de Google Translate, Barak Turovsky, dans un billet publié sur le blogue de Google mardi dernier.

Mieux encore, il semble que la prochaine étape du développement de l’apprentissage profond passera par sa combinaison avec une autre technique, celle de l’apprentissage par renforcement. Et c’est là justement l’expertise de l’autre grande unité de recherche montréalaise en intelligence artificielle, celle de l’Université McGill.

En mars dernier, le logiciel AlphaGo a réussi à battre un des meilleurs joueurs mondiaux du jeu de go en combinant les deux techniques.

« Le jeu de go était devenu un peu mythique en intelligence artificielle, après les succès obtenus aux échecs », explique Joelle Pineau, codirectrice du Reasoning and Learning Lab (RLL), le laboratoire d’intelligence artificielle de McGill. « Mais on pensait que ça allait prendre encore plusieurs années avant d’en arriver là… »

La prochaine génération

Ensemble, les laboratoires de l’Université de Montréal et de McGill regroupent environ 150 chercheurs en intelligence artificielle. Une concentration inédite dans le milieu universitaire, peu importe où dans le monde.

« Si on compare les milieux industriels, c’est sûr que la Silicon Valley est loin devant Montréal. Mais pour la formation d’étudiants, la Silicon Valley peut envier Montréal. »

— Joelle Pineau, codirectrice du Reasoning and Learning Lab

Le milieu montréalais se distingue ainsi d’abord par le fait que ses principaux chercheurs, dont M. Bengio et Mme Pineau, ont résisté et continuent de résister aux « ponts d’or » que leur offrent des entreprises privées.

Il en résulte des travaux de recherche plus ouverts et, surtout, la formation d’environ 150 étudiants qui constitueront « la prochaine génération », note Mme Pineau.

Pourquoi résister ainsi au chant des sirènes ? Joelle Pineau cite une série de raisons : la qualité de vie à Montréal, la qualité de la recherche effectuée ici, des appuis financiers suffisants et la qualité des étudiants.

En attente du privé

Quant au privé, « il a besoin d’allumer un peu plus là-dessus », estime Denis Thérien, tout en constatant que des progrès ont été réalisés récemment.

L’ouverture d’une « tête de pont » de Google à Montréal marque une ouverture importante dans le créneau des géants, observe-t-il d’abord. Du côté des jeunes entreprises, M. Thérien note la création, il y a quelques semaines, d’Element AI, qui se décrit comme une « usine à start-up » en intelligence artificielle.

Il reste, selon lui, à intégrer à l’écosystème les entreprises déjà existantes œuvrant dans toutes sortes de domaines : finance, pharmaceutique, transports, etc.

« Ce sont tous des domaines où l’apprentissage automatique va jouer un rôle, dit-il. Il est important que ces entreprises prennent conscience de ce rôle-là et fassent des gestes pour se positionner. »

Si elle devait se matérialiser, l’émergence du privé pourrait entraîner une certaine compétition entre Montréal et Toronto, rivalité qui n’existe pas vraiment à l’échelle universitaire selon les experts interrogés.

« Il y a beaucoup d’investissement à venir dans l’intelligence artificielle et c’est clair que, dans la plupart des cas, ils ne se feront pas aux deux endroits », estime sommairement Mme Pineau.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.