Plein air

Quand l’hypothermie est à craindre

La température est humide, désagréable. La jeune femme se hâte afin de terminer la randonnée le plus rapidement possible. Une roche mouillée, une glissade, un atterrissage raté : crac, le tibia se brise.

Il ne fait pas si froid que ça, il ne fait pas  -40 °C, mais l’hypothermie guette.

« C’est étonnant, mais ce n’est pas nécessairement à -40 °C qu’on est le plus à risque, affirme le Dr Marc Gosselin, directeur médical chez Sirius Secourisme en régions isolées. Lorsqu’il fait très froid, les gens s’habillent. C’est lorsqu’on est dans une température plus limitrophe, avec la pluie et le vent, qu’on est le plus en danger. On est mouillé, on n’a pas ce qu’il faut. »

Et lorsqu’on se blesse et qu’on est immobilisé contre son gré, les choses peuvent rapidement dégénérer.

Évidemment, il vaut mieux prévenir que guérir. La première règle pour contrer l’hypothermie, c’est de porter des vêtements adéquats. C’est le fameux système multicouche : la première couche, près du corps, sert à évacuer l’humidité.

« L’idéal, ce sont les tissus synthétiques, comme le polypropylène, indique le Dr Gosselin. Il y a aussi la laine mérinos, mais il faut qu’elle soit très mince. Sinon, elle conserve l’humidité. »

La couche suivante sert à l’isolation, comme un chandail de laine polaire. La couche extérieure devrait permettre de protéger de la pluie et du vent.

Pour prévenir l’hypothermie, il faut demeurer actif, mais il faut également veiller à ne pas trop transpirer, d’où l’intérêt d’enlever et de remettre des couches au besoin.

Il faut également bien s’hydrater et consommer de la nourriture énergétique. Et il faut éviter l’alcool. Au lieu de réchauffer, comme on le croit parfois, l’alcool accélère la perte de chaleur.

« Et ultimement, si tu en prends trop, tu deviens nono et tu es plus à risque de te mettre dans le trouble », observe le Dr Gosselin, spécialiste de la médecine sportive et de la médecine de montagne.

Il recommande d’apporter un petit bout de matelas de sol, qui peut devenir utile si on doit s’immobiliser. Et si on veut aller se promener en région plus isolée, mieux vaut prévoir un plan d’urgence (prévenir les proches de ses intentions) et un plan de communications (téléphone cellulaire, téléphone satellite ou balise GPS d’urgence).

Malgré toute cette préparation, un imprévu peut survenir : une blessure, une avalanche (si on s’aventure dans les Chic-Chocs, par exemple) ou encore une baignade forcée lorsque la glace est trop mince.

Le Dr Gosselin note d’ailleurs que dans ce dernier cas, la personne qui réussit à ne pas paniquer après le coup de froid initial dispose d’une fenêtre d’une quinzaine de minutes pour se sortir de l’eau.

« Les gens pensent qu’en cinq minutes, c’est fini quand on tombe dans l’eau, affirme-t-il. Ce n’est pas tout à fait ça. Ça va prendre un certain temps avant que le corps refroidisse. »

Il y a plusieurs stades à l’hypothermie : on parle d’abord de stress thermique lorsque la température corporelle est de 35 º C  et plus (une température normale tourne autour de 37 º C).

« On a froid, on frissonne, indique le Dr Gosselin. En général, si on n’est pas obligé de s’arrêter, en raison d’une fracture par exemple, on réussit souvent à remonter la pente. »

Entre 32 et 35 °C, on parle d’une hypothermie légère.

« À 34 °C, on commence à être un peu moins coordonné, on a des altérations du jugement, on commence à faire des erreurs. À 32 °C, on est moins bon pour reconnaître soi-même les symptômes. »

— Le Dr Marc Gosselin

L’hypothermie modérée se situe entre 28 et 32 °C.

« L’inconscience s’installe de façon progressive, la personne devient léthargique. On voit le déshabillement paradoxal : les gens vont avoir une sensation de chaleur et vont essayer de se déshabiller. »

En bas de 28 °C, on parle d’hypothermie grave.

« On se met en mode d’hibernation. »

Le thermomètre permet de reconnaître les stades d’hypothermie, mais en plein air, on n’en a pas toujours sous la main. On peut alors surveiller les symptômes neurologiques : la personne trébuche, son langage est empâté. Sur son site internet, le gouvernement du Québec suggère deux petits tests pour détecter un début d’hypothermie : il faut essayer d’attacher ses lacets ou de toucher son petit doigt avec le pouce.

En cas d’hypothermie, il faut protéger la victime du froid : la mettre à l’abri, lui mettre des vêtements secs, la couvrir de couvertures et de sacs de couchage.

S’il faut que la personne s’active lorsqu’il s’agit d’un simple stress thermique, il faut jouer de prudence lorsqu’on parle d’hypothermie plus avancée, note le Dr Gosselin. Il faut réchauffer la victime une bonne trentaine de minutes avant de la faire bouger.

« Pour protéger le centre (le core), le corps a coupé la circulation périphérique, explique-t-il. Si on se met à bouger, on envoie un paquet de sang refroidi vers le centre, ça peut causer un phénomène d’after drop (une baisse de température paradoxale). »

Évidemment, un petit cours de secourisme ne ferait pas de tort.

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En planche à neige sur le mont Royal

Nous ne sommes pas censés faire ça. Mais nous ne nous appelons pas Sébastien Toutant (Seb Toots).

le Chiffre de la semaine

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