Les Guignols de l’info

La France crie à la censure

Depuis 1988, Les Guignols de l’info écorchent les politiciens français et étrangers. Cette revue satirique de l’actualité, présentée par des marionnettes, dont celle du célèbre journaliste de TF1 Patrick Poivre d’Arvor maintenant à la retraite, est diffusée sur la chaîne Canal+. L’émission attire près de 2 millions de téléspectateurs.

Télévision

Qui veut la peau des Guignols ?

PARIS — L’ex-président Nicolas Sarkozy est-il derrière la possible disparition de l’émission de télévision satirique Les Guignols de l’info à Canal+ ?

C’est la question que bien des amateurs d’humour se posent actuellement en France, alors que les rumeurs de disparition de la célèbre émission fusent de toutes parts, entremêlées de mille théories voulant que ce soit l’ami du principal propriétaire de la chaîne, Sarkozy lui-même, qui ait convaincu Vincent Bolloré, patron de Vivendi, la maison mère de Canal+, de mettre fin au programme.

Bref, le Québec n’est pas le seul à être au milieu d’une saga télépolitique.

Officiellement, la décision n’a pas encore été prise de déprogrammer ou non les Guignols, une émission quotidienne d’humour et de fausses actualités présentée par des marionnettes – pensez Gérard D. Laflaque tous les jours – qui rit abondamment des personnalités politiques depuis maintenant 27 ans.

Mais les rumeurs de son éventuelle disparition à la rentrée de septembre sont solides et ont déjà provoqué un mouvement à sa défense sur l’internet. Sur Twitter, 24 heures après la publication des premiers échos de possible annulation de l’émission, quelque 30 000 « tweets » d’appui avaient déjà été enregistrés. On rappelle Charlie Hebdo, on parle de l’importance de l’humour en politique, de la satire cruciale à la survie de la démocratie. Bref, une vague « Je suis Guignol » et #touchepasauxGuignols déferle sur les réseaux sociaux.

« Il y a 27 ans mon double de Canal+ ne m’a pas demandé de voir le jour mais je lui ai toujours laissé vivre sa vie. Aujourd’hui encore plus ! »

— Patrick Poivre d’Arvor, sur Twitter, en appui aux Guignols

Même Alain Juppé, maire de Bordeaux, personnalité politique de droite qui se positionne pour être candidat à la prochaine présidentielle – et en ce sens adversaire politique de Sarkozy – a pris la défense de l’émission. « J’aime me voir dans @lesGuignols », a-t-il « twitté » hier matin. « Nous avons besoin d’eux. #LesGuignols ».

En outre, le président du Festival de Cannes, Pierre Lescure, aussi un des fondateurs de Canal+, a démissionné du conseil d’administration de Havas, société publicitaire propriété de M. Bolloré, pour montrer son désaccord avec la possible annulation de l’émission. « J’ai démissionné d’Havas en apprenant la nouvelle qu’il y avait une menace de suppression de l’émission », a-t-il expliqué dans un entretien sur le site des Echos.

Plusieurs médias, comme le magazine L’Obs, affirment que c’est le président de l’actionnaire majoritaire de Canal+, la société Vivendi, qui est derrière cette décision, pour des raisons politiques et personnelles. (M. Bolloré est un ami proche de M. Sarkozy, il lui avait notamment prêté son yacht au lendemain de son élection à la présidence, geste vivement critiqué en France.)

« Les Guignols sont sur la sellette et la direction de Canal+ n’y est pour rien », peut-on lire dans l’hebdomadaire. « C’est Vincent Bolloré, propriétaire de la chaîne, qui veut faire la peau aux marionnettes… qui déplaisent tant à son bon ami Nicolas Sarkozy. »

Mais du côté de Nicolas Sarkozy et de tous ceux qui l’appuient, on dément toute ingérence et les équipes travaillant avec l’ex-président et mari de la chanteuse Carla Bruni ont rapidement et vivement réagi hier aux allégations. « Nicolas Sarkozy a toujours défendu le droit à la caricature, le sort des Guignols ne le concerne en rien, a déclaré à l’AFP l’entourage du président du parti Les Républicains. Ces accusations sont grotesques et sans fondement. »

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