OPINION RÉSEAU ÉLECTRIQUE MÉTROPOLITAIN

Demeurons enthousiastes

Faut-il s’étonner qu’un projet d’une telle complexité soulève ce genre de discussions ? Non. Faut-il reléguer ce projet aux oubliettes ? Surtout pas !

Ainsi, pour le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), le projet de réseau électrique métropolitain promu par la Caisse de dépôt et placements (CDPQ Infra) ne mérite pas la note de passage.

Tôt hier matin, CDPQ Infra donnait la réplique et soulignait les « erreurs et omissions » contenues au rapport. Faut-il s’étonner qu’un projet d’une telle complexité soulève ce genre de discussions ? Non. Faut-il reléguer ce projet aux oubliettes ? Surtout pas !

Ce qui frappe dans la critique que certains font de la situation, c’est le rôle de juge de dernière instance que certains voudraient que le BAPE joue. Rappelons que le BAPE a le mandat d’éclairer la prise de décision du gouvernement et que c’est ce dernier qui, en dernière instance, doit décider de l’avenir d’un projet.

Dans le cas du REM, pour aller de l’avant, le gouvernement devra adopter un décret autorisant le projet, qui sera vraisemblablement assorti des conditions auxquelles CDPQ Infra devra se soumettre. Je présume que les discussions sont depuis longtemps engagées avec tous les officiers du gouvernement et que les analyses du ministère seront rendues publiques au moment de la publication du décret. À ce moment seulement pourrons-nous juger de la qualité du travail accompli.

D’ici là, d’autres voudraient voir le débat dévier sur le modèle d’affaire des promoteurs du REM. Soit, cette question est déterminante. Le gestionnaire de nos retraites, tout comme le gouvernement, ne peuvent choisir l’imprudence ou pire, l’aveuglement. Il n’est pas requis d’avoir une grande connaissance de l’administration publique pour affirmer que le Conseil du trésor, qu’il soit à Ottawa ou à Québec, a déjà certainement fixé les seuils d’investissement et que toute proposition acceptée par Québec et Ottawa devra être compatible avec la capacité de payer des usagers. Il n’y a pas, en ces matières, de vérités alternatives !

Nous avons, au gouvernement du Québec et à la Caisse, les compétences et le savoir-faire requis pour prendre ces décisions. Cette dernière n’a-t-elle d’ailleurs pas financé un semblable projet à Vancouver et participé à sa réalisation ? Elle ne navigue donc pas dans des eaux inconnues.

Pendant que ces discussions se poursuivent, en particulier avec les gouvernements du Québec et du Canada, peut-il être permis de demeurer optimiste et enthousiaste ? Je le souhaite. Jamais, depuis que je m’intéresse à la chose publique, n’ai-je connu de projet aussi structurant pour la métropole. Nous avons à portée de main l’occasion de transformer notre ville, de faciliter l’accès à son centre et de contribuer comme jamais à la modernisation de nos infrastructures en transport.

Ce qui serait inacceptable aujourd’hui serait de geler notre jugement et de tourner le dos à ce projet plutôt que d’aller de l’avant dans nos efforts pour négocier les ententes requises et répondre aux questions qui subsistent.

OPINION RÉSEAU ÉLECTRIQUE MÉTROPOLITAIN

Le BAPE respecte son mandat

Assistons-nous à la méconnaissance et à l’aveuglement de nos élites ?

La publication du rapport du BAPE sur le projet de réseau électrique métropolitain de transport collectif (REM) a démontré, une fois de plus, la profonde méconnaissance, sinon l’aveuglement volontaire, de nos « élites » politiques et économiques face au rôle de cet organisme.

Le BAPE a remis son rapport au ministre David Heurtel le 22 décembre. Avant même qu’il ne soit rendu public par le ministre, vendredi dernier à 16h, plusieurs élus et personnalités économiques ont rejeté d’un revers de la main ses conclusions et ont même évalué que l’organisme avait excédé son mandat. 

Selon Les Affaires, « irrités par le document, le premier ministre québécois et la Chambre de commerce du Montréal métropolitain ont estimé que le bureau s’était engagé dans une analyse illégitime. La Chambre considère que l’élargissement de l’analyse crée un précédent inquiétant et jette une ombre sur la légitimité de l’organisation. »

Selon La Presse, « déjà, lors des audiences publiques, les représentants de la Caisse s’étaient clairement montrés agacés par l’intérêt des commissaires sur des questions comme l’achalandage et la rentabilité du réseau à venir. Ce mécontentement a été communiqué à tout le gouvernement lors des débreffages réguliers sur le cheminement des audiences publiques ». Le Devoir indiquait que, selon le premier ministre, « les analyses économiques, ce type d’étude-là, je ne suis pas certain que c’est dans leur mandat précis de faire ça ».

Or, ce type d’analyse est dans le mandat du BAPE depuis près de 30 ans, soit depuis que l’évaluation des impacts des projets doit tenir compte des aspects environnementaux, sociaux et économiques du développement durable.

Voici quelques rappels historiques pouvant être utiles à M. Couillard et à ceux qui pensent comme lui.

En 1988, le gouvernement Bourassa assure l’édition française du rapport de la commission Brundtland qui fait connaître mondialement la notion de « développement durable ». En 1990, le ministre responsable de l¹environnement de l’époque, Pierre Paradis, mandate pour la première fois le BAPE d’examiner un projet « dans une perspective de développement durable ».

En 1992, la Déclaration de Rio officialise cette notion devenue aujourd’hui incontournable. Cette même année, la Cour suprême rend le jugement Friends of the Oldman River Society où elle indique que le concept de « qualité de l’environnement » ne se limite pas à l’environnement biophysique. Depuis 2001, la note explicative sur la mission du BAPE qui ouvre tous les rapports, dont celui sur le REM, fait explicitement référence au développement durable. Elle indique : 

« Le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) a pour mission d’éclairer la prise de décision gouvernementale dans une perspective de développement durable, lequel englobe les aspects écologique, social et économique. Organisme assujetti à la Loi sur le développement durable (RLRQ, chapitre D-8.1.1), le BAPE prend en compte les 16 principes de la Loi dans ses travaux. »

En 2006, c’est sous le gouvernement Charest qu’est adoptée la Loi sur le développement durable. Parmi les principes juridiques qui y sont reconnus, celui « d’efficacité économique », tout comme ceux « d’équité et de solidarité sociale » et de « protection de l’environnement ». Le BAPE est un organisme assujetti à cette loi et dépose un rapport annuel sur cette question à l’Assemblée nationale.

Il est donc déplorable de voir un premier ministre ainsi que son ministre des Transports méconnaître les obligations et la portée des travaux du BAPE et faire si peu de cas d’un processus de consultation publique où 108 mémoires ont été déposés par des personnes, des groupes, des organismes et des municipalités intéressés par ce projet.

On s’étonnera ensuite de la montée du cynisme et des idées populistes face au pouvoir politique !

En 2006, nous avions assisté au même genre de discours en réaction au rapport du BAPE mettant en doute les données économiques et énergétiques avancées par Hydro-Québec et TransCanada quant à la nécessité de construire la centrale au gaz thermique de Bécancour, faute de quoi le Québec se trouverait en pénurie électrique à partir de 2015.

Si on avait alors tenu compte du rapport du BAPE et de la consultation publique, nous aurions économisé plus de 1 milliard de fonds publics versés depuis à TransCanada pour garder sa centrale fermée parce qu’Hydro Québec nage dans les surplus ! Face à un projet de transport de près de 6 milliards de fonds publics gérés par la Caisse de dépôt, les mises en garde du BAPE et les opinions exprimées lors des audiences devraient être analysées plutôt que rejetées d’un revers de la main.

*Auteur du livre Le BAPE devant les citoyens

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