Distinguer le vrai du faux

C’est un paradoxe. Demandez aux élèves quelles stratégies ils utilisent pour s’assurer de la véracité d’une information, et vous obtiendrez d’excellentes réponses. Vérifier la source est la réponse la plus populaire, suivie de comparer le traitement de la nouvelle sur plusieurs sites.

Le hic : nos répondants ne semblent pas avoir mis en pratique leurs propres trucs. Face à six nouvelles pour lesquelles ils devaient établir la véracité, à peine 26 % des élèves du secondaire et 38 % des étudiants universitaires ont obtenu un score parfait. Nous leur avons aussi présenté l’image d’un énorme requin qui bondit hors de l’eau et qui s’avère être un montage, en leur demandant s’ils allaient la rediffuser et pourquoi. Une minorité de répondants ont mis en doute sa crédibilité.

Normand Landry croit que la motivation et l’effort ont ici joué un rôle.

« Il est fondamental de développer les aptitudes critiques, mais il faut aussi développer le réflexe de vouloir les utiliser concrètement dans des contextes spécifiques », dit-il.

« Souvent, ils se fient au bon sens plutôt que de faire des recherches », confirme Mathieu Laurin, enseignant à l’école secondaire Monseigneur-Richard, qui a participé à notre exercice.

Thierry Plante croit que ce manque de motivation soulève des questions éthiques.

« Est-ce qu’ils se soucient du fait qu’ils peuvent propager de fausses informations, peut-être sans le vouloir, quand ils ne font pas assez d’efforts pour authentifier certains renseignements ? », se demande l’expert.

« Ce que j’essaie de pousser en classe, c’est que les élèves repèrent la source de la nouvelle, dit Luc Grenier, qui donne un cours sur les médias au Cégep régional de Lanaudière à L’Assomption. Quand je vois les résultats sur les fausses nouvelles, ça montre que j’ai encore du travail à faire ! »

Pourcentage des élèves qui ont bien évalué la véracité de six nouvelles

Secondaire : 26 %

Cégep : 30 %

Université : 38 %

Pourcentage des élèves qui ont fait trois erreurs ou plus 

Secondaire : 38 %

Cégep : 16 %

Université : 0 %

Pourcentage des élèves qui ont soulevé un doute sur la validité de l’image du requin

Secondaire : 39 %

Cégep : 30 %

Université : 50 %

Manipulation

En septembre 2015, la photo du petit Aylan, mort échoué sur une plage turque, a fait le tour du monde et braqué les projecteurs sur la tragédie des migrants fuyant la Syrie. Nous avons présenté aux répondants une théorie voulant que les photographes aient déplacé le corps du jeune garçon afin de créer une image plus poignante, puis leur avons demandé s’ils croyaient à une telle manipulation.

« Médiatiquement, une telle mise en scène serait un acte très grave. On parle d’une violation totale et profonde de toute règle éthique et déontologique », rappelle Normand Landry.

Devant le nombre élevé de répondants qui ont dit croire à une mise en scène, il s’avoue perplexe.

« Est-ce que c’est un manque de confiance dans les médias ? Est-ce que c’est une méconnaissance de leurs règles éthiques et déontologiques de base ? Est-ce dû à d’autres facteurs ? », se demande-t-il.

Pourcentage des répondants qui ont dit croire que la photo du petit Aylan est une manipulation

Au secondaire : 61 %

Au cégep : 47 %

À l’université : 37 %

Nous avions aussi posé une colle aux élèves en leur présentant un message partagé sur Twitter par la députée européenne Nadine Morano au moment du démantèlement de la « jungle de Calais » à l’époque le plus grand camp de migrants de France. « L’un des éléments de ce message induit en erreur ceux qui le regardent. Identifiez-le », leur avions-nous demandé.

Parmi les 209 étudiants interrogés, seuls deux universitaires ont découvert le pot aux roses : la photo accompagnant le message a été détournée de son contexte. Fait intéressant, les deux étudiants ont appliqué des stratégies complètement différentes pour y parvenir. Le premier a fait des recherches pour découvrir que la photo avait été prise en Slovénie en 2015 plutôt qu’à Calais en 2016. L’autre a lui-même comparé la photo avec d’autres montrant le camp de migrants pour découvrir qu’elle était différente. 

Sachez qu’il est possible d’obtenir des informations sur une photo en la plaçant dans Google Image (en utilisant l’icône en forme de caméra) ou en utilisant des outils spécialisés comme TinEye.  

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