Opinion

Café, étude... et la santé mentale dans tout ça ?

Dans le cadre de la journée Cause pour la cause, Patrick Lagacé a écrit au sujet de la santé mentale en milieu de travail*. Parce que cette discussion mérite d’être approfondie, ce texte aborde la santé mentale chez une autre clientèle : les jeunes adultes.

Ces jeunes qui sont entrés dans un monde où boire sept cafés par jour, étudier du matin au soir, passer des nuits blanches à la bibliothèque sont valorisés et banalisés. Un monde où la compétition est de plus en plus féroce pour accéder au marché du travail, parce qu’avoir des bonnes notes ne suffit plus.

Non, maintenant, il faut aussi que des activités extracurriculaires remplissent les deux pages de ton C.V. ; et, comme si cela n’était pas suffisant, il faut bien sûr conserver un équilibre de vie en faisant du sport et en ayant une vie sociale.

Parce qu’après tout, c’est ce que les employeurs recherchent, pas vrai ? Des gens équilibrés.

Un équilibre qui se traduit dans le déséquilibre. La pression de s’accomplir sur tous les plans de sa vie, qui peut rapidement devenir source d’angoisse et d’anxiété.

La pression est d’ailleurs loin de diminuer sur le marché du travail. Le jeune devra faire ses preuves. Parce que son boss y est arrivé à la dure, le junior ne fera pas exception à la règle. La dynamique refuse de changer. Même si les recruteurs font des pieds et des mains pour nous faire croire que le milieu de travail valorise le bien-être, le patron continue de s’attendre à ce qu'on reste aussi longtemps qu’il faudra pour terminer un mandat urgent. Cela se produit occasionnellement ? Pas de problème. Presque tous les jours ? On se dirige vers une situation qui met en péril notre précieux équilibre de vie, et fort probablement, notre santé mentale.

Les troubles mentaux chez les étudiants sont de plus en plus documentés. Pour combattre ce problème, les universités mettent en place différentes mesures de soutien. La faculté où j’étudiais prévoyais par exemple des séances de zoothérapie durant les périodes d’examen. Beaucoup de bonne volonté, peu de résultats. Pourquoi ? Parce qu’ils traitent le stress, et non la source du stress.

Maximiser l'apprentissage ou le stress ?

Ce qui est nécessaire est un changement radical, complet, des programmes. Un changement de philosophie. Je suis un bébé de la réforme. On nous a enseigné que nos compétences sont plus importantes que nos connaissances. Il est temps que cette philosophie se transpose dans les programmes universitaires, en changeant les façons de faire, les méthodes d’enseignement.

Que l’apprentissage pratique, concret, collaboratif, remplace le traditionnel cours théorique suivi de l’examen final récapitulatif. La méthode « nuit blanche + recrache tout ce que tu peux sur ta copie » est nocive pour la santé mentale des étudiants autant que pour le marché du travail qui hérite d’employés moins bien formés.

J’étudie le droit, ma plus jeune sœur, la médecine, alors que notre sœur du milieu étudie la médecine vétérinaire. Belle brochette, vous me direz. Trois programmes, trois exemples qui permettent d’illustrer le problème qui existe dans notre système universitaire.

En médecine vétérinaire, les examens finaux, au nombre de sept, sont condensés en cinq jours. Les cours se terminant le vendredi, ils n’ont que deux jours pour s’y préparer. Le reste de l’étude se fait la nuit.

Au Barreau, même phénomène. L’École impose la préparation d’une présentation évaluée le jeudi précédant les examens finaux. Les étudiants n’étaient pas assez occupés par la préparation de l’examen le plus difficile de leur vie, pas vrai ? C’est à se demander si ces instances ne mettent pas volontairement les étudiants en situation de stress extrême. Et si par malheur quelque chose ne tourne pas rond dans leur vie à ce moment, eh bien tant pis !

Un programme remodelé

Ce qui m’amène à parler du programme de médecine de ma sœur. Le programme a été remodelé pour adopter un fonctionnement par modules incorporant la formule d’apprentissage par problèmes. Chaque semaine, les étudiants discutent d’un nouveau cas pratique en petits groupes. Ils apprennent par la suite la théorie reliée à ce cas de façon autonome.

La faculté s’assure que les étudiants disposent de quelques jours sans cours pour se préparer à l’examen, qui traite uniquement de la matière présentée dans ce dernier. Aucune fin de session. Moins de stress et plus de chances qu’ils se souviennent de ce qu’ils ont appris. Ce n’est pas parfait, mais c’est une sacrée amélioration. Espérons que cette mentalité s’étende à l’externat qui continue d’être redouté par les étudiants.

Il est temps de repenser notre système d’éducation. Placer les étudiants dans des situations stressantes en leur demandant d’être toujours plus performants est nuisible pour leur santé mentale.

Durant la vingtaine, les jeunes prennent des habitudes qui les suivront pour le reste de leur vie. Ils se définissent en tant qu’individus, forgent leur personnalité. Si nous voulons éviter qu’ils s’écroulent dans le bureau du Dr Breault à 50 ans, parce qu’ils ont passé leur vie à se valoriser par leurs accomplissements professionnels et que leurs corps ne suit plus le rythme effréné que leur impose notre société de performance, c’est par là qu’il faut commencer.

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