Mikhaïl Ahooja dans
The Twentieth Century

La passion du jeu

Bien connu des téléphages, Mikhaïl Ahooja fait aussi valoir son talent au cinéma ces jours-ci. Après Fabuleuses, l’acteur peut maintenant être vu dans The Twentieth Century, une allégorie fantaisiste, de Matthew Rankin, qui lui a valu d’être l’une des « étoiles montantes » du festival de Toronto.

Mikhaïl Ahooja ne s’en cache pas. Après la lecture du scénario de The Twentieth Century, qu’on lui a fait parvenir avant de l’inviter en audition, il n’était guère plus avancé. La forme et le ton – très particuliers – de ce premier long métrage de Matthew Rankin, cinéaste de Winnipeg qui a longtemps résidé à Montréal, ne pouvaient se révéler sous une forme manuscrite. Les décors minimalistes étant le produit d’effets visuels, il était aussi difficile d’imaginer à quoi pourrait bien ressembler ce film.

« Honnêtement, je n’ai rien compris ! confie l’acteur en riant. Quand je me suis présenté à l’audition, j’ai évidemment pu jaser avec Matthew. J’ai alors pu saisir un peu ce qu’il allait faire, mais pas tout à fait encore. Habituellement, je n’hésite pas à faire des suggestions et à donner mon opinion, mais là, je me suis entièrement laissé guider. Et ça a fonctionné ! »

Une fantaisie délirante

Campé à Toronto en 1899, The Twentieth Century s’attarde à décrire, en empruntant une forme tout à fait éclatée, la jeunesse de Mackenzie King (Dan Beirne), à une époque où celui qui allait devenir premier ministre du Canada était un jeune politicien rêveur et ambitieux. Dans ce film où jouent aussi Sarianne Cormier et Catherine St-Laurent, Mikhaïl Ahooja incarne Henry Albert Harper, un personnage ayant aussi existé réellement, considéré comme le seul ami de jeunesse du protagoniste. Cela dit, le cinéaste s’est inspiré de certains faits historiques pour mieux entraîner ensuite ses personnages dans une fantaisie délirante. Certains traits de caractère plus particuliers de celui qui aura occupé la fonction de premier ministre le plus longtemps au Canada sont mis en exergue, notamment dans son rapport à la sexualité et dans sa relation trouble avec sa mère.

« Pendant le tournage, il fallait vraiment se laisser porter et entrer dans la tête de Matthew, explique Mikhaïl Ahooja. Je remercie le ciel d’avoir pu travailler sur un projet aussi singulier. » 

« Voilà un petit film que nous avons tourné dans un studio à Lachine, qui nous a emmenés au TIFF, et qui est choisi dans plein de festivals. Pour moi, c’est vraiment une énorme et belle surprise. »

— Mikhaïl Ahooja

Fils d’immigrant

Même si certaines parties se déroulent dans la langue de Molière, The Twentieth Century (Le vingtième siècle sera le titre en français) est un film essentiellement tourné en anglais, une langue qui était déjà familière à l’acteur. Né d’un père indien et d’une mère québécoise francophone, Mikhaïl Ahooja a toujours entendu son père s’exprimer dans la langue de Shakespeare à la maison.

« J’ai trouvé ça un peu spécial quand j’étais jeune, mais aujourd’hui, je me rends bien compte à quel point c’est une richesse. Mon père étant arrivé au Québec il y a longtemps, je n’ai pas beaucoup de liens avec ses racines indiennes. Je suis quand même allé en Inde deux fois, notamment après sa mort, comme pour repartir un peu sur ses traces. Évidemment, on ne me considère pas du tout comme un Indien là-bas, d’autant que je ne parle pas la langue. Et puis, c’est un tout autre monde, avec d’autres codes. C’est là que je me suis rendu compte à quel point je suis foncièrement québécois et nord-américain.

« J’ai grandi dans un milieu un peu différent, poursuit-il, mais ça reflète bien ce qu’est le Québec d’aujourd’hui. Heureusement, quand je suis allé dans le pays d’origine de mon père, des membres de la famille ont pu m’initier un peu à leur culture, mais sans eux, j’aurais été complètement perdu. »

Ce père, cinéphile et grand amateur de jazz, a d’ailleurs rapidement initié son fils à la culture nord-américaine, notamment en l’exposant à des films de Martin Scorsese, même si, à l’époque, le jeune Mikhaïl avait davantage envie de jouer au hockey.

« Il avait hâte de me faire découvrir le bon cinéma ! rappelle l’acteur.

« Mon goût pour le jeu s’est d’abord développé grâce à l’impro, mais le vrai déclic s’est fait au Conservatoire, même si j’ai trouvé ça vraiment dur au début. »

— Mikhaïl Ahooja

« Le langage “théâtreux” que j’y entendais ne parlait pas du tout au sportif que j’étais. J’ai quand même réussi à retrouver dans mon jeu le plaisir que j’avais à incarner des personnages en impro et c’est alors devenu une passion. Tout un monde s’est ouvert. C’est comme si j’avais transféré toute ma ferveur du sport dans le jeu et j’en ai fait ma méthode. C’est juste une game. Si on en perd une, c’est pas grave, y en a une autre qui s’en vient ! »

Un nom distinctif

Et ce nom, un peu distinctif, a-t-il un impact sur les rôles qu’on lui offre ?

« À la sortie du Conservatoire, mon nom constituait assurément un avantage, parce qu’on m’a beaucoup appelé pour des rôles d’immigrants, explique l’acteur. Avec la face que j’ai, on ne l’aurait sans doute pas fait si je m’appelais Michel Auger. À la télé, j’ai joué des personnages arabes, des latinos… Aujourd’hui, je ne sais pas. Avec la notion d’appropriation culturelle, on tient à faire appel à des comédiens vraiment issus de la communauté du personnage et c’est très bien comme ça. Quant à mon prénom russe, il s’agit davantage d’une fantaisie de ma mère, parce que je n’ai aucun lien avec la Russie, mais rien du tout ! »

The Twentieth Century est présenté le 13 octobre à 19 h à l’Impérial et le 17 octobre à 21 h 30 au Quartier latin.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.