Haïti, dans l’honneur et le respect
Ayiti La ! Un tremblement de cœur : voilà le nom donné à la commémoration qui s’est déroulée sur deux jours, samedi et dimanche, en l’honneur d’un pays qui tente de se remettre d’une catastrophe aux conséquences encore difficiles à comprendre.
Le point culminant de la commémoration a eu lieu dimanche soir, à la TOHU, à Montréal. Sur la scène en forme de cercle ont défilé chanteurs, musiciens, poètes, danseurs de la communauté haïtienne, qui ont chaque fois plongé le public dans un bassin d’émotions fortes.
L’événement s’est déroulé en présence de nombreux politiciens de tous partis et de tous ordres de gouvernement, y compris la ministre Nadine Girault, Dominique Anglade et Frantz Benjamin, qui partagent des origines haïtiennes.
Mme Girault, ministre des Relations internationales du Québec, a pris la parole pour annoncer le versement de 50 000 $ pour soutenir les activités jeunesse de la diaspora haïtienne, ainsi qu’un don de 12 000 $ à la Maison d’Haïti de sa part et de la part du ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, aussi d’origine haïtienne.
« Même si la douleur persiste, a déclaré au public Mme Girault, il faut plus que jamais démontrer notre solidarité sans failles au peuple haïtien. »
La chorale d’enfants de la Maison d’Haïti a interprété La Dessalinienne, l’hymne national haïtien. Marjorie Villefranche, directrice de la Maison d’Haïti, a guidé le public à travers la soirée haute en émotions.
Le clou de la commémoration a eu lieu à 16 h 53. Quelques minutes auparavant, les figures politiques ont été appelées sur scène et se sont placées en demi-lune, et la salle a été plongée dans le silence. La « minute de vacarme » venue, des images du tremblement de terre sont apparues derrière la scène, des images fortes, accompagnées par le battement cacophonique de tambours.
Martine Fidèle est une poétesse arrivée ici en 2016. En 2010, alors qu’elle était dans son pays natal, elle a vu l’horreur. Dimanche, le public a pu assister à la métamorphose de cette horreur en poème d’une rare force, prononcé avec passion, qui lui a valu une longue ovation debout.
« La première image que je retiens de l’événement, c’est le jeune homme qui est sorti de son école avec le crâne ouvert et ses yeux qui lui tombaient de la tête », a-t-elle raconté à La Presse.
De ces images qui la hantent depuis des années, Martine Fidèle n’a jamais su quoi en faire, avant la semaine dernière. C’est la première fois, dit-elle, qu’elle a accepté de prendre la plume pour se pencher sur cet épisode.
« C’était lourd, a-t-elle dit à propos du processus d’écrire. Pas du tout facile. Je ne considère pas ça comme un texte. C’est une part d’intimité qui n’a jamais été dévoilée. »
La Presse lui a demandé à quel moment elle a laissé Haïti, et Mme Fidèle de répondre qu’on « ne peut pas laisser Haïti. C’est notre terre noire, c’est collé à notre peau. »
« Je n’ai jamais voulu écrire sur le séisme, parce que raconter ce drame, cette tragédie, c’est carrément le revivre. Il y a toujours ces failles qui nous habitent, mais moi, je considère que ces failles sont là pour accueillir la lumière. »
La jeune artiste, figure appréciée de la communauté haïtienne, espère que les gens de son pays saisiront l’occasion de la commémoration pour se rassembler.
« Pour une fois, essayons de trouver une manière collective de faire face à cette catastrophe. Essayons de trouver cette voix collective. Essayons de se solidariser, de marcher ensemble, de se prendre dans la main. Dix ans plus tard, l’important pour moi est de bâtir une conscience collective, parce que c’est ça qu’il faut en Haïti. »
Un autre homme a surpris par la lecture d’un texte poignant : Frantz Benjamin, député du Parti libéral provincial, auparavant conseiller municipal. Qui plus est, M. Benjamin a lu un extrait d’un de ses propres recueils de poésie, 24 heures dans la vie d’une nuit, dont la moitié est dédiée à la mémoire du tremblement de terre.
Le député d’origine haïtienne a été élu pour la première fois à la fin de 2009, trois mois avant le séisme. Le 12 janvier 2010, M. Benjamin reçoit un appel faisant état d’une situation « très grave » en Haïti. « Rapidement, mon bureau est devenu le quartier général. Et c’est de mon bureau que nous allions rédiger la première convocation de presse, qui se tiendra le lendemain matin. »
L’appel à l’aide lancé à l’époque a connu une réponse « forte » du Canada et du Québec, dit-il. Depuis ce jour, Frantz Benjamin s’est aperçu de la portée que pouvait avoir sa plume.