Chronique

Le coton ouaté cool de Céline

C’est un coton ouaté extra ample à l’effigie du film Titanic, porté sur des jeans Saint Laurent et des escarpins Gucci, qui a valu à Céline Dion un qualificatif que la presse spécialisée ne lui attribue pas souvent : cool.

Sur ce chandail du collectif parisien Vetements, qui vaut plus de 1000 $, les visages juvéniles des acteurs Leonardo DiCaprio et Kate Winslet, alias Jack et Rose dans la superproduction de 1997. Avec ses lunettes aviateur à monture dorée, le look de la star québécoise était impeccable.

Au-delà de l’aspect esthétique, ce qui a le plus surpris dans cette tenue sport-chic de luxe, c’est le message que la chanteuse de 48 ans a envoyé à ses fans : « Oui, j’ai un deuxième degré. » Découvrir cette facette méconnue de l’interprète de My Heart Will Go On avait quelque chose de joliment rafraîchissant.

Car, sans sombrer dans la méchanceté gratuite, mettons que l’ironie et l’humour décalé n’ont jamais été inscrits dans les partitions de la cadette du clan Dion en entrevue ou en spectacle.

Lors de son récent passage à Paris, la diva avait l’air de s’amuser follement en multipliant les apparitions stylées, paradant dans des toilettes signées par des créateurs d’avant-garde et des maisons de couture réputées. Robe Balenciaga fluo, cuissardes Balmain, manteau de cuir de la marque branchée Off-White et sac Fendi : Céline s’est mise, en l’espace de deux semaines, à clignoter sur tous les écrans radars des grands magazines de mode internationaux.

Comme le Vogue français, qui a salué la nouvelle crédibilité de l’artiste. « Céline Dion est maintenant cool », a ajouté la publication, se demandant même si elle sera la nouvelle icône mode de l’été.

« Céline Dion est à la pointe des tendances de l’année 2016 », s’est enthousiasmé le Marie-Claire. « Bienvenue à la Céline 2.0 », a lancé l’édition française de Vanity Fair.

Ce « relooking magistral », cette « garde-robe fraîchement renouvelée », la diva de Las Vegas les doit à son nouveau styliste Law Roach, qui collabore habituellement avec des popstars beaucoup plus jeunes comme Zendaya ou Ariana Grande.

Rendons cependant à César ce qui appartient à César : la métamorphose de Céline en « célébrité cool » a débuté sous la houlette de la styliste montréalaise Annie Horth, qui lui a – enfin – fait enfiler des morceaux épurés, classiques, intemporels.

La relation professionnelle entre Céline et Annie a toutefois été rompue après les Billboard Music Awards, fin mai. « J’ai dû [partir], visions différentes », a glissé Annie Horth hier.

Avec Law Roach, qui a transformé sa cliente en nouvelle chouchou de toutes les rédactrices mode de la planète, Céline Dion ose davantage et tolère moins qu’on lui dicte quoi mettre ou ne pas mettre. Elle s’éclate et rayonne à chacune de ses sorties publiques.

On l’a vue faire deux pouces en l’air et même pleurer pendant les défilés de Dior et Giambattista Valli lors de la semaine de la mode parisienne. Dans cet univers hypocrite où l’air bête se porte en permanence (allô, Anna Wintour), les émotions non dissimulées de la chanteuse détonnaient. Et c’était parfait comme ça.

C’est une nouvelle Céline qui a amorcé sa tournée européenne en Belgique, fin juin. Une Céline plus libre, affranchie, véritable phénix de la mode. Depuis qu’Aldo Giampaolo s’occupe de sa carrière, l’image publique de Céline s’est nettement améliorée, notamment sur les réseaux sociaux, que René Angélil n’affectionnait pas du tout.

Son compte Instagram est alimenté de façon régulière avec des infos plus personnelles, moins génériques. Sur sa page Facebook, Céline diffuse également des vidéos en direct.

Ces outils, quand ils sont manipulés adéquatement, permettent aux vedettes de tisser des liens solides avec leurs admirateurs. Au Québec, Julie Snyder et Véronique Cloutier l’ont bien compris. Céline a encore du rattrapage à faire de ce côté-là, mais ça s’en vient. Par exemple, elle devrait signer elle-même plus régulièrement des messages sur Twitter plutôt que de les confier à « Team Céline ».

Ces discussions sur l’apparence et l’image de marque nous ramènent, bien sûr, à l’une des pièces qui collent le mieux à l’interprète, soit On ne change pas, que Xavier Dolan a ressuscitée dans son film Mommy.

« On ne change pas, on met juste les costumes d’autres, et voilà. On ne change pas, on ne cache qu’un instant de soi », chante Céline d’une voix douce, non forcée.

Près de 20 ans après leur composition, ces paroles de Jean-Jacques Goldman sonnent plus vrai que jamais. Derrière ses beaux atours, il restera toujours une Céline authentique, sans artifice, beaucoup plus à l’aise dans les rues de Charlemagne que sur une passerelle à Paris.

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