ÉDUCATION

Parent zen, mode d’emploi

Non, il n’est pas utile de donner des ordres, encore moins des punitions. Hausser le ton, c’est contre-productif, tout comme une foule d’autres petits gestes que nous posons tous quand même quotidiennement avec nos enfants.

Votre fille fait une crise ? Proposez-lui un verre d’eau, suggère aussi la psychothérapeute française Isabelle Filliozat, qui s’appuie ici sur les dernières recherches entourant le développement du cerveau des enfants pour proposer des outils très concrets aux parents d’aujourd’hui. Invitée la semaine dernière au festival Metropolis bleu, nous l’avons rencontrée pour discuter de ces fameux outils. 

RIEN NE SERT DE LEVER LE TON

« Notre objectif, en levant le ton, c’est d’obtenir que notre enfant nous écoute, explique la psychothérapeute d’une voix évidemment douce. Or en levant le ton, nous activons au contraire leur niveau de stress. Du coup ils subissent une attaque, et leur cerveau leur dicte de fuir, ou de s’immobiliser. L’enfant va soit se rebeller, soit fuir ou s’immobiliser. En tout cas, il ne va pas nous écouter ! »

Quoi faire, alors ? 

« Travailler en amont », répond Isabelle Filliozat. Au lieu de crier à son enfant qui risque de traverser la rue seul : « Donne-moi la main ! », il s’agit de le préparer, dans un souci de tous les instants, à l’importance de cette règle.

« Je sais que je veux que mon enfant traverse la rue en me donnant la main, poursuit-elle. Donc je vais préparer mon enfant, répéter les règles ; si je joue avec ses peluches, répéter aux peluches qu’il faut traverser en tenant la main. »

LES ORDRES SONT CONTRE-PRODUCTIFS

« Pour tous les humains, à part en situation d’extrême danger (“Tout le monde par terre !”), l’ordre est contre-productif, tranche la psychothérapeute. Pourquoi ? Parce que l’ordre est entendu par notre cerveau verbal, mais le passage au cerveau préfrontal ne se fait pas. Or le cerveau préfrontal est celui qui nous donne la capacité de décider de nos comportements, d’avoir un libre arbitre. Si on exige un comportement sans considérer le libre arbitre, on déclenche un stress, donc une rébellion. »

Quoi faire, alors ?

« On l’observe très clairement dans les classes. Si vous exigez des enfants qu’ils ouvrent leur cahier à la page 15, ils ne vont pas le faire, ou le faire à reculons. Si vous leur demandez à quelle page nous sommes rendus, la réaction est complètement différente. » Idem avec un enfant à qui l’on ordonne d’aller au bain ou de s’habiller. Essayez de lui proposer une course, à la place. Ou de lui demander s’il préfère son canard jaune ou son bateau bleu, une robe ou une jupe. « En mobilisant le cerveau préfrontal, il est disponible pour apprendre. »

LES PUNITIONS NE MARCHENT PAS

« Et tous les parents le savent ! », dit-elle. Pourquoi, alors, continuons-nous à donner des punitions ? « Parce que ça soulage le parent. Ça donne l’impression de faire quelque chose. Ça marche pour contraindre un enfant, mais ça ne règle rien. Avant 13 ans, l’enfant n’a pas de réelle compréhension des relations de cause à effet. Le cerveau a du mal à apprendre de ses erreurs. En plus, la punition déclenche une méfiance, on rompt la relation, et l’enfant est habité par un sentiment d’injustice. »

Selon elle, la punition se trompe surtout de cible. « La punition s’adresse au comportement, or le comportement n’est qu’un symptôme de quelque chose. Seules les pédagogies qui vont s’adresser aux causes du comportement vont avoir un effet durable. »

Quoi faire, alors ?

« Responsabiliser l’enfant », répond la psychothérapeute. Votre enfant a volé le jouet d’un ami ? « Il faut l’aider à prendre conscience de l’importance de son comportement sur l’autre, le faire écouter l’autre, et l’éduquer à la résolution de problèmes. Il va arriver lui-même à la conclusion : je le lui rends. Et chercher à faire quelque chose pour réparer la situation. » Parce que, souligne-t-elle, « aucun enfant ne désire réellement faire du mal à un autre ».

FACE À UN ENFANT EN CRISE, OFFREZ UN VERRE D’EAU 

Un verre d’eau ? Oui, insiste Isabelle Filliozat, puisque bien des crises sont en fait des réactions à une situation de stress. « Le contact du verre dans la main distrait le cerveau et l’oblige à sentir quelque chose, ce qui ralentit le rythme cardiaque. Le fait de boire de l’eau va en plus hydrater les cellules et donner plus de possibilités au cerveau de faire face au stress. » En prime, ajoute-t-elle, en tendant la main à l’enfant, le parent lui « fournit de l’attention », « et cela fournit de l’ocytocine, l’hormone de l’attachement. Cela va diminuer l’excitation de l’amygdale, donc le stress va diminuer à son tour. »

Ah bon ?

Faut-il le rappeler ? « Aucun enfant n’aime faire de crise, dit-elle. Il a au contraire besoin d’outils pour les gérer. »

LA QUESTION DU TEMPS

Si, comme nous, à la lecture de toutes ces suggestions, vous vous dites que dans le feu de l’action, on n’a pas toujours le temps de travailler en amont, d’éduquer à la résolution de problèmes, ou de laisser l’enfant trouver lui-même une réparation, Isabelle Filliozat vous répondra que tout cela finira au contraire par vous faire gagner du temps. Gagner du temps ? Parfaitement, insiste-t-elle. « Parce qu’en réalité, on perd énormément de temps à répéter, à répéter encore, et à punir. En plus, on perd dans la qualité de la relation », dit-elle. Selon elle, dix minutes de jeu avec un enfant par jour améliorent déjà grandement la relation. « C’est impressionnant !, dit-elle. L’enfant est plus à l’écoute, et désire davantage coopérer. » Et un enfant qui coopère naturellement, finalement, « ça fait gagner du temps » !

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