Consommation Les arguments de chaque camp
NON, les entreprises
ne créent pas de besoins
La Presse
Pour le professeur de marketing Jean-François Guertin, à l’Université de Sherbrooke, il ne fait pas de doute que tous les besoins se trouvent dans la fameuse pyramide de Maslow et qu’aucune entreprise, aussi brillante soit-elle, ne peut en rajouter. Avec leurs inventions, elles ne font que répondre à ces besoins universels qui demeurent toujours les mêmes, peu importent le pays et la décennie. Le téléphone cellulaire, par exemple, répond notamment à un besoin de sécurité, sur la route ou pour savoir où se trouve notre enfant. « On veut que les ados nous appellent, mais il n’y a plus de cabines téléphoniques ! Est-ce que c’est le marketing qui a créé le besoin des cellulaires ou c’est Bell en enlevant ses cabines ? »
« Les gens de marketing ne diront jamais qu’il créent des besoins. Mais c’est clair qu’ils insistent sur la prévalence des besoins. Ils essaient de diriger les consommateurs vers ça et de leur vendre une solution magique », résume Frank Pons, professeur de marketing à l’Université Laval. Les publicités de téléphone intelligent misent sur le besoin d’appartenance à un groupe, celles qui vantent les mérites d’une paire d’espadrilles de course ultra-performante, sur le besoin d’accomplissement, donne-t-il en guise d’exemple. « On ne crée pas le besoin d’accomplissement, mais on met le paquet pour dire que c’est important. »
Une invention de toute évidence non essentielle peut en revanche répondre à des besoins qui eux, le sont, croit Jean-François Guertin. L’achat d’un enregistreur numérique personnel, par exemple, « peut répondre à des motivations très nobles comme celle de passer plus de temps avec ses enfants les soirs de semaine ». Il donne aussi l’exemple de certaines applications pour téléphones intelligents qui permettent aux gens d’être en forme, en santé. Et le système OnStar, dans les véhicules, qui répond au besoin (fondamental) de sécurité.
« Il faut toujours remplir un besoin, sinon, ça ne fonctionnera pas. Tu ne peux pas créer des besoins artificiels. Les gens ne sont quand même pas débiles ! », dit Pierre Blanchard, qui a inventé 200 produits dans sa vie. Mécanicien de formation, il a surtout créé des modes de transport (vélo de montagne avec suspension, BBmobile) des objets motorisés (Gerontonolit) et de la machinerie pour des usines. « Répondre à un besoin, c’est la motivation d’un inventeur. C’est la base. Même que pour avoir le droit de déposer un brevet, il faut que ce que ton produit réponde à un besoin. »