Chronique

Moins de jeunes vulnérables au Québec qu’ailleurs

Quelle proportion de jeunes est jugée économiquement vulnérable au Québec ? Ce groupe de décrocheurs est-il en croissance depuis quelques années et, surtout, est-il plus important qu’ailleurs ?

Ces questions sont fort importantes, car elles orientent les mesures que devront prendre les autorités au cours des prochaines années – voire décennies – pour assurer une vie décente à des milliers de personnes. Les réponses à ces questions nous permettent aussi de voir si nos politiques publiques vont dans la bonne ou la mauvaise direction.

Les jeunes décrocheurs du secondaire, c’est bien connu, ont des conditions d’emploi plus précaires et une rémunération bien moindre. Leur vie adulte s’annonce ardue et ponctuée de demandes d’aide aux organismes publics ou communautaires.

À ce sujet, l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) a récemment publié une étude complète, qui fait état non seulement de la situation au Québec, mais également dans les principaux pays industrialisés. Bilan global du Québec : ni bon ni mauvais (ou « pas pire », en bon québécois).

Voyons voir. D’abord, il faut savoir que les jeunes décrits comme vulnérables sont les personnes de 15 à 29 ans qui n’ont pas de diplôme d’études secondaires et qui, en plus, sont sans emploi. « Ces jeunes sont dans une situation de vulnérabilité qui est double », écrit l’ISQ.

Sans diplôme : 9 %

Pour cerner le problème, l’ISQ commence par faire le point sur la proportion de jeunes qui sont sans diplôme, quel que soit leur statut d’emploi. Au Québec, 9 % des 1,5 million de jeunes âgés de 15 à 29 ans n’ont pas de diplôme d’études secondaires aujourd’hui, selon l’ISQ. Cette proportion est encore élevée, mais elle nous renseigne sur deux choses plutôt positives.

D’une part, au terme du parcours scolaire, la proportion des sans diplôme est bien moindre que les taux de 15 à 26 % de décrocheurs qu’on entend souvent. Bien des jeunes ont raccroché avant l’âge de 30 ans et ont fini par obtenir un diplôme, d’où ce taux de 9 %. Le parcours a été long, mais réussi.

D’autre part, la proportion des sans diplôme est en recul constant depuis 20 ans. Au début des années 90, 15 % des jeunes étaient sans diplôme d’études secondaires, proportion qui a reculé à 12,2 % au début des années 2000 et qui est maintenant de 9 %, selon l’ISQ.

En somme, la lutte contre le décrochage a connu un succès clair. Certains critiqueront la qualité du diplôme obtenu, mais c’est oublier qu’au Québec, comme ailleurs, il y aura toujours une proportion de jeunes qui ne réussiront pas le cours de mathématiques de 4e secondaire, obligatoire pour obtenir le diplôme d’études secondaires classique.

Pire qu’au Canada anglais…

Le reste du Canada a aussi accompli de grands progrès à ce chapitre. La proportion des jeunes sans diplôme d’études secondaires est passée de 12,3 % il y a 20 ans à 6 % aujourd’hui. Autrement dit, le reste du Canada a progressé tout autant que le Québec, selon l’ISQ, mais comme il partait de plus bas, il y a encore aujourd’hui bien moins de sans diplôme ailleurs au Canada (6 %) qu’au Québec (9 %).

Cela dit, comment se débrouillent les jeunes sans diplôme sur le marché du travail ? Pas très bien. Près de 22 % d’entre eux sont en chômage, comparativement à 8 % pour les jeunes qui ont terminé le cégep ou l’université et 13 % pour ceux qui ont uniquement leur diplôme du secondaire.

Quant au salaire moyen des sans diplôme qui travaillent, il est évidemment moindre (14,97 $ l’heure) que le salaire de ceux qui ont un diplôme d’études postsecondaires (20,78 $) ou seulement un diplôme du secondaire (15,73 $).

… mais mieux qu’à l’international

Maintenant, comment se portent le Québec et le Canada par rapport aux autres pays industrialisés ? Très bien. Pour établir la comparaison, l’ISQ a ciblé les jeunes qui ont une double vulnérabilité, à savoir ceux qui sont à la fois sans diplôme et sans emploi.

Rapidement, on constate une chose : le Canada est dans une classe à part. Il figure parmi les 5 régions sur 35 dont la proportion de jeunes sans diplôme et sans emploi est de moins de 3 %. La Corée du Sud et le Japon sont à 1,2 % et 1,4 %, tandis que la Suisse et la Slovénie sont à 2,7 %. Le Canada (sans le Québec) est à 2,8 %.

Ce taux de jeunes économiquement vulnérables atteint 4 % au Québec, ce qui touche environ 60 000 personnes de 15 à 29 ans. Cette proportion est supérieure à celles du reste du Canada (2,8 %) et des États-Unis (3,3 %), mais inférieure à celles de l’Allemagne (4,5 %), du Royaume-Uni (4,7 %), de la France (5,8 %) et de l’Italie (9,9 %). La moyenne des pays de l’OCDE est de 5,3 %.

Autrement dit, la situation des jeunes s’améliore au Québec, elle est plus reluisante que la moyenne des pays industrialisés, mais elle demeure passablement moins enviable que dans le reste du Canada. Voilà un constat lucide qui, me semble-t-il, devrait permettre d’éviter les excès de langage à ce chapitre.

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