Partira, partira pas...

Quelle est la valeur des actifs du Tricolore sur le marché des transactions ? Des recruteurs se prononcent.

Un dossier de Richard Labbé, Guillaume Lefrançois et Jean-François Tremblay

Ils pourraient s’en aller

Il y a les rumeurs et, parfois, il y a aussi les rumeurs qui finissent par devenir une réalité. Il faut placer ces noms sur la liste de ceux qui pourraient déménager.

Max Pacioretty

Ailier gauche

29 ans

Fiche en 2017-2018 

16 buts, 17 aides, 33 points en 53 matchs

Salaire annuel 

4,5 millions

Situation contractuelle 

Joueur autonome sans compensation en 2019

Le contrat de Max Pacioretty – valide pour une autre saison – offre un des meilleurs rapports qualité-prix pour un joueur qui, répétons-le, est 5e dans la LNH pour les buts marqués (157) depuis octobre 2013. « Son meilleur centre a été David Desharnais, se plaît à rappeler notre recruteur B. Ceux qui le convoitent se disent : “Si je peux le placer avec mon centre n1, il peut être encore plus étincelant.” »

Maintenant, les bémols. « En avantage numérique, il se cherche, il n’a jamais trouvé son rôle, observe le recruteur B. […] Reste à savoir si c’est le gars pour faire la différence en séries. S’il tombe dans une bonne équipe et que la pression est répartie, il sera correct. Mais si c’est lui qui doit charrier le club, il peut être décevant. » À ceux qui croient son départ inévitable, le recruteur A lance une mise en garde. « Il peut aussi aider le Canadien à attirer le centre tant convoité, en disant [à ce centre] qu’il aura Pacioretty comme ailier. Un pensez-y-bien. »

Comme valeur, ça donne quoi ? « Si tu oses échanger un gars à son apogée, tu as besoin d’un choix de premier tour et d’un prospect A », tranche notre éclaireur B. Le dépisteur C voit plus grand. « Un joueur similaire à Evander Kane, mais plus intéressant à cause de son contrat. Je pense que les Sabres demandent un espoir de premier plan, un choix au repêchage et un joueur établi en retour de Kane. Le Canadien pourrait essayer d’obtenir la même chose. »

Tomas Plekanec

Centre

35 ans

Fiche en 2017-2018 

5 buts, 15 aides, 20 points en 53 matchs

Salaire 2017-2018 

5 millions

Situation contractuelle 

Joueur autonome sans compensation en juillet 2018

De l’avis général, Tomas Plekanec ne sera plus un membre du Canadien après la date limite des transactions, le 26 février. Le joueur tchèque, souvent montré du doigt pour son salaire jugé trop élevé, demeure un élément intéressant pour un club qui aspire à la Coupe Stanley, selon nos recruteurs. « La perception, c’est qu’il ne produit plus comme avant, mais son coup de patin est encore bon, et il demeure compétitif en défense, estime le recruteur C. Comme troisième joueur de centre, il a une bonne valeur sur le marché. » Et quelle serait cette valeur, au juste ? Notre premier recruteur nous renvoie à un autre attaquant, Antoine Vermette, acquis par les Blackhawks de Chicago à la date limite de 2015, en retour d’un espoir et d’un choix de premier tour. « Dans un rôle de troisième centre, ou quatrième si tu as un bon club... Il va aussi jouer en désavantage numérique. Il a ralenti un peu, mais c’est un travaillant, il ne triche pas. Sans être aussi bon aux mises en jeu que Vermette, il est dans le même genre. Vermette est allé à Chicago pour les séries... Ce sont des gars recherchés à la date limite. Si le Canadien va chercher un choix de premier tour pour Plekanec, ça serait un gros bonus. Un choix de deuxième tour, et peut-être un espoir de second plan. »

Alex Galchenyuk

Ailier

23 ans

Fiche en 2017-2018 

12 buts, 19 aides, 31 points en 53 matchs

Salaire 2017-2018 

4,9 millions

Situation contractuelle 

A un contrat jusqu’en 2019-2020

De toute évidence, le jeune attaquant n’a pas fini de confondre les plus fins des observateurs. « Honnêtement, je ne sais pas s’il y a quelqu’un dans cette ligue qui connaît la valeur de ce gars-là, commence par dire notre troisième recruteur. Il a un talent assuré, ça, on le sait. Mais ensuite ? Il y a tellement de questions avec lui, et c’est probablement pour ça que le Canadien n’a pas encore été capable de l’échanger. » Il y a aussi le fait que, justifiée ou pas, la mauvaise réputation de Galchenyuk est bien connue partout dans la ligue. « Sa réputation hors glace, ça joue encore contre lui, et ça diminue sa valeur, estime notre deuxième recruteur. Il est resté discret cette saison à l’extérieur de la patinoire, mais une réputation comme la sienne, ça colle à un joueur. » Pour toutes ces raisons, le Canadien ne sera pas assailli de prétendants si jamais la direction choisit de « magasiner » les services de Galchenyuk. « Ce n’est pas comme s’il connaissait une saison horrible, ajoute notre troisième recruteur. Je dois dire que je le trouvais confus à la fin de la dernière saison, il avait de la misère à aller sur la glace. Je suis sûr qu’il a une valeur sur le marché, mais quoi ? »

N’appelez pas les déménageurs

Certains autres joueurs du Canadien sont moins susceptibles de changer d’adresse pour plusieurs raisons : la lourdeur du contrat, le jeu en deçà des attentes ou l’incertitude quant à leur véritable potentiel. En voici quelques exemples.

Shea Weber

Défenseur droitier

32 ans

Fiche en 2017-2018 

6 buts, 10 aides, 16 points en 26 matchs

Salaire annuel 

7,857 millions

Situation contractuelle 

Joueur autonome sans compensation en 2026

Le collègue Elliotte Friedman en a fait sursauter plusieurs quand il a rapporté que Bergevin aurait identifié Carey Price et Victor Mete comme ses seuls intouchables. Une remarque qui a rendu le recruteur B incrédule. « Mete n’est pas dans la même classe que Charlie McAvoy et Thomas Chabot ! », souligne-t-il.

Ils sont plusieurs à douter que Weber soit échangé. Le recruteur A est l’un d’eux. « Tu as donné P.K. Subban pour aller le chercher. Tu ne peux pas l’échanger si tu obtiens moins que ça. Quand ils l’ont obtenu, c’était pour le leadership, pour Price aussi. Et tu n’as rien en défense. L’échanger serait du suicide. Je ne vois pas une équipe qui le prendrait contre un défenseur plus jeune. Son contrat est lourd, il vieillit, il est blessé. Donc je ne pense pas qu’ils pourront aller chercher ce qu’il vaut réellement, à cause des circonstances. » Le recruteur B doute lui aussi qu’il soit échangé, reconnaissant qu’il a ralenti. « À Nashville, il a beaucoup plus profité de Roman Josi que l’inverse », rappelle-t-il.

Le recruteur C apprécie davantage le numéro 6. « Il est patient avec ses mises en échec, il n’est pas comme [Alexei] Emelin qui court partout pour pincer quelqu’un. Weber est un défenseur d’impact. Ses pieds ont ralenti, mais il fait bien circuler la rondelle, elle ne reste jamais longtemps sur sa palette. Je pense qu’il a encore environ cinq autres bonnes années devant lui. »

Jeff Petry

Défenseur droitier

30 ans

Fiche en 2017-2018 

8 buts, 17 aides, 25 points en 53 matchs

Salaire annuel 

5,5 millions

Situation contractuelle 

Joueur autonome sans compensation en 2021

Si le Canadien opte pour une reconstruction complète, Petry fait certainement partie des joueurs susceptibles de partir. Mais c’est un gros « si » ! « Il doit te rester des joueurs !, rappelle le dépisteur A. C’est dur de trouver des défenseurs, surtout des droitiers. »

Si ce recruteur A avoue bien aimer Petry, le recruteur B est ambivalent. « Des fois, il a l’air d’un joueur de 6 millions. Super bon coup de patin. Mais il y a une raison pour laquelle Edmonton l’a laissé aller », rappelle le recruteur B, qui le voit comme un défenseur « numéro 4 ou 5 ». « Mais à ce salaire-là, tu dois être capable de jouer contre MacKinnon de temps en temps », ajoute-t-il, estimant que le Canadien pourrait obtenir au mieux un choix de deuxième tour. La mobilité de Petry a été soulignée par nos trois hommes. « Il y a toujours un marché pour les défenseurs comme lui », rappelle le recruteur C.

Andrew Shaw

Ailier

26 ans

Fiche en 2017-2018 

10 buts, 9 aides, 19 points en 43 matchs

Salaire 2017-2018 

5 millions

Situation contractuelle 

Joueur autonome sans compensation en 2022

Les recruteurs à qui nous avons parlé ont tous relevé le même problème en ce qui concerne le fougueux attaquant : son état de santé ne va pas en s’améliorant. « Avant que le Canadien l’obtienne, j’avais eu vent qu’il avait les épaules finies, sans parler des commotions cérébrales, révèle notre premier recruteur. Tout le monde aime sa façon de jouer, mais on sait qu’il est magané. Et son contrat fait peur. Je pensais qu’il avait 28-29 ans ! À moins de manger un peu d’argent, Bergevin aura de la misère à le passer. Tout le monde dans la ligue en a deux, trois, des gars comme ça. Ils ont payé deux choix de 2e tour pour l’obtenir, ils ne pourront pas ravoir ça, à cause du contrat, des blessures. » Notre troisième recruteur voit un peu les choses du même œil. « Une saison de hockey d’Andrew Shaw, ça équivaut à deux saisons pour la plupart des gars », dit-il.

Karl Alzner

Défenseur

29 ans

Fiche en 2017-2018 

1 but, 7 aides, 8 points en 53 matchs

Salaire annuel 

4,625 millions

Situation contractuelle 

Joueur autonome sans compensation en 2022

Karl Alzner ne connaît pas une saison de rêve. « Il avait ralenti déjà l’an passé. Il est sur la pente descendante », reconnaît le recruteur B. De plus, il reste quatre ans à son contrat, au salaire annuel de 4,625 millions. Sur papier, tout joue contre lui, mais creusons un peu plus loin. Pour le recruteur A, sa saison est simplement à l’image de celle du Canadien. Pour le recruteur C, c’est l’absence de Shea Weber qui le fait mal paraître, car il doit désormais faire circuler la rondelle. Il lui trouve quand même plusieurs qualités : « Il calcule bien son espace sur la glace, il se sert bien du bâton, il garde ça simple. » Au final, le recruteur A juge que « tous les défenseurs sont en demande et Alzner a encore une certaine valeur. » Encore faut-il qu’une équipe absorbe son contrat, un sujet qui génère un éventail d’opinions. Le recruteur C n’y voit pas un frein : « C’est le marché pour un joueur comme lui. » Le recruteur B est plus catégorique : « Je crains qu’ils soient pris avec lui. Mais toutes les équipes ont des joueurs comme ça, avec lesquels elles sont prises. » D’ailleurs, en regardant les dernières saisons, les défenseurs avec de lourds contrats échangés à la date limite des transactions le sont souvent... en retour de défenseurs avec de lourds contrats. Christian Ehrhoff à Chicago contre Rob Scuderi à Los Angeles en 2016 est le parfait exemple. À la différence que ces deux joueurs étaient vraiment rendus au bout du rouleau, contrairement à Alzner.

Jordie Benn

Défenseur

30 ans

Fiche en 2017-2018 

4 buts, 6 aides, 10 points en 51 matchs

Salaire annuel 

1,1 million

Situation contractuelle 

Joueur autonome sans compensation en 2019

Si Jordie Benn devait être échangé, le recruteur B ne donnerait pas son vote. « Des Jordie Benn, il y en a plein dans la ligue. Il est lent. Il a joué pas si mal en arrivant à Montréal, mais tu ne peux pas t’attendre à ce qu’il te donne deux ou trois saisons solides comme l’an passé. » Une saison qui a pourtant convaincu le directeur général de le protéger en vue du repêchage d’expansion des Golden Knights de Vegas. Cette année, Benn fait preuve de courage pour bloquer des tirs, mais il a des lacunes défensives et sa relance est pénible. Le recruteur C voit en lui un défenseur de troisième duo. « Le Canadien pourrait avoir un choix au repêchage pour lui. » Par sa situation contractuelle, Benn rappelle un peu Éric Gélinas, échangé par les Devils contre un choix de 3e tour au Colorado en 2016. Mais Gélinas, par son gabarit et son tir, suscitait encore un peu d’enthousiasme à l’époque. Le meilleur jalon pour mesurer la valeur de Jordie Benn... est probablement Jordie Benn : le Canadien avait offert un défenseur en disgrâce, Greg Pateryn, et un choix sans envergure de 4e tour pour l’acquérir.

Charlie Lindgren

Gardien

24 ans

Fiche en 2017-2018 

3-4-1, moyenne de 2,43, efficacité de ,924

Salaire annuel 

700 000 $

Situation contractuelle 

Joueur autonome avec compensation à la fin de la saison

Les gardiens d’avenir sont difficiles à évaluer, en voici la preuve. Si on regarde les dernières années, quelle a été la valeur d’un gardien prometteur qui a peu ou pas touché à la LNH ? Pour Reto Berra en 2014, l’Avalanche a payé cher : un choix de 2e tour. Mais l’entraîneur des gardiens au Colorado, François Allaire, connaissait bien Berra et on savait que la fin approchait pour Jean-Sébastien Giguère. D’un autre côté, en 2016, les Oilers ont laissé partir Anders Nilsson à St. Louis pour un obscur gardien, Niklas Lundstrom, et un choix de 5e tour. C’est tout ou rien, comme pour les recruteurs consultés. Recruteur A : « Je ne suis pas un grand partisan. Il sera un numéro 2, mais le Canadien en a chaque année, des numéros 2. Pas de valeur d’après moi. » Recruteur B : « Je ne conseillerais pas à mon DG de donner un choix de 2e tour. J’attendrais de le voir sur une plus longue période. Comme le Canadien s’est engagé avec Price pour huit ans, dès que Lindgren va montrer quelque chose de bon sur une longue période, ils vont l’échanger. » Recruteur C : « À cette position, il n’y a rien de certain avant 26, 27 ans. C’est un bon espoir. J’attendrais avant de l’échanger. »

Les autres

Carey Price, gardien

La direction du Canadien est amoureuse de son gardien ; il ne s’en va nulle part.

Antti Niemi, gardien

Un gardien réserviste en fin de carrière. Il n’y a pas de marché pour ça.

David Schlemko, défenseur

Il sera chanceux s’il est encore dans la LNH dans deux ans.

Jakub Jerabek, défenseur

Un défenseur comme il y en a plus d’un dans cette ligue.

Joe Morrow, défenseur

Il n’y a aucun directeur général dans cette ligue qui se lève en se demandant combien vaut Joe Morrow.

Jonathan Drouin, attaquant

Le Canadien a donné son meilleur espoir pour l’obtenir. Le club va être très patient afin de justifier cette transaction.

Brendan Gallagher, attaquant

Il n’y a pas d’intouchables, mais Gallagher n’est pas loin de l’être.

Paul Byron, attaquant

Il est plus utile au Canadien qu’ailleurs.

Artturi Lehkonen, attaquant

Une deuxième saison difficile, mais l’équipe ne va pas jeter l’éponge. Pas maintenant.

Phillip Danault, attaquant

Un peu comme Byron, il vaut plus ici qu’ailleurs.

Jabob De La Rose, attaquant

C’était mignon, l’été dernier, quand des experts affirmaient que le club de Vegas voulait le repêcher.

Nikita Scherbak, attaquant

Le CH compte sur bien peu d’espoirs offensifs ; en voici un.

Charles Hudon, attaquant

On peine encore à croire que Vegas ne l’a pas choisi à son repêchage d’expansion.

Nicolas Deslauriers, attaquant

Un joueur de quatrième trio qui a relancé sa carrière chez le CH.

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