On jette ? Non, on répare !
En Europe, les fabricants d’électroménagers seront bientôt tenus, par une nouvelle loi, de produire des appareils plus durables, parce que plus facilement réparables. Plusieurs États américains sont actuellement engagés dans une démarche semblable. À quand le Québec ?
Votre téléviseur ne fonctionne plus. Bizarre : il n’était pourtant pas si vieux. Mais comme par hasard, votre garantie vient tout juste d’expirer.
Vous essayez de le réparer. En vain. Tous les morceaux sont collés, il vous faudrait tout casser pour aller plus loin. Vous appelez le réparateur du coin. Ce dernier vous avoue qu’il ne possède ni les pièces ni les plans pour le réparer, parce qu’il ne travaille pas pour le fabricant.
Vous vous résignez et le mettez au chemin, à côté de votre sac vert. Demain, vous irez en acheter un tout neuf…
Ce genre de scénario, bien connu, sera bientôt de plus en plus rare en Europe. En mars prochain, le Parlement européen doit en effet voter une loi qui obligera les fabricants d’électroménagers et de téléviseurs à produire des appareils plus facilement démontables… et donc plus facilement réparables. À compter de 2021, tout fabricant de téléviseurs, lave-vaisselles, laveuses, sécheuses souhaitant vendre ses produits dans les pays de l’Union européenne devra s’y soumettre.
S’il faut y voir une grande victoire pour l’environnement et contre le gaspillage, cette avancée n’est toutefois qu’une victoire en demi-teinte. Car la proposition de loi initiale, beaucoup plus ambitieuse, suggérait que les fabricants rendent aussi les plans et les pièces de rechange plus accessibles, de telle sorte que les appareils puissent être réparés par n’importe qui, y compris vous-même ou le réparateur du coin.
Le lobby des entreprises a cependant poussé pour le rejet de cette proposition, arguant qu’elle posait un risque pour la sécurité et des questions sur la propriété intellectuelle, notamment sur le plan des logiciels. Les machines seront plus facilement réparables, mais les fabricants garderont ainsi le contrôle sur leur réparation.
Mauro Anastasio, porte-parole du Bureau européen de l’environnement, déplore que la loi n’aille pas plus loin, mais préfère insister sur les nouveaux acquis : « Cela crée quand même un précédent en Europe parce que cela n’a jamais été discuté avant. C’est un pas dans la bonne direction. Mais nous allons assurément pousser pour plus dans l’avenir. »
Pour la petite histoire, cette nouvelle loi est le fruit d’une campagne intensive menée depuis plusieurs mois par le Bureau européen de l’environnement, elle-même inspirée de la coalition Fix It aux États-Unis. Si l’Europe semble prendre les devants dans ce dossier, il faut savoir qu’une vingtaine d’États américains – dont le Massachusetts, New York, le New Jersey, l’Oregon – sont engagés dans une démarche juridique analogue. Et qu’une quinzaine d’autres, dont la Californie, ont commencé à étudier la question.