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Les médias numériques détrônent la télévision

Le déclin annoncé des « vieux » médias s’est confirmé : pour la première fois en 2015, les médias numériques ont détrôné la télévision comme principale source d’information des Québécois, révèle une étude de l’Université Laval. Et l'irrésistible ascension du téléphone, de la tablette électronique et de l’ordinateur est loin d'être terminée, assurent les auteurs.

Les médias numériques avaient déjà surpassé la radio et les quotidiens papier dans le cœur des Québécois en 2013. Deux ans plus tard, l’utilisation du téléphone, de la tablette électronique et de l’ordinateur pour s’informer a poursuivi son irrésistible ascension, obtenant 37 % des parts de marché, contre 30 % pour la télévision. Huit ans plus tôt, les médias numériques ne détenaient pourtant qu’un maigre 8 % des parts de marché, loin derrière la télé, la radio et les journaux papier. Résultat : les Québécois consomment de l’information pendant 101 minutes par jour, soit 17 minutes de plus qu’en 2007. Ces données proviennent de la récente étude « Les Québécois et l’information à l’ère numérique » des chercheurs Sébastien Charlton, Daniel Giroux et Michel Lemieux du Centre d’études sur les médias de l’Université Laval.

L’utilisation des médias numériques comme source d’information par les Québécois a fait un « bond prodigieux » entre 2013 et 2015, alors que leur croissance était graduelle depuis 2007, explique en entrevue Daniel Giroux, secrétaire général du Centre d’études sur les médias. « Les plus jeunes ont l’idée que l’information devrait être gratuite et facilement accessible n’importe où, n’importe quand. […] Les médias ont accompagné ce changement dans les habitudes de consultation de l’information et ont offert des contenus adaptés, plus récemment pour les tablettes et les téléphones intelligents, ce qui a fait augmenter la consommation », analyse le chercheur. L’étude bisannuelle est menée depuis 2007 auprès d’un échantillon représentatif d’environ 500 Québécois francophones. La marge d’erreur statistique est de 4,5 %, 19 fois sur 20.

Dans les dernières années, les médias québécois ont imité les grands journaux américains en lançant des applications sur téléphone intelligent et sur tablette électronique. Leur développement a contribué « grandement à transformer la manière de s’informer », notent les auteurs de l’étude. En 2015, La Presse+ était de loin l’application la plus utilisée des répondants de l’étude, en nombre de minutes, avec 43 % des parts de marché sur applications mobiles, contre 16 % pour Radio-Canada. L’application la plus téléchargée des répondants était toutefois MétéoMédia (29 %), devant La Presse+ (25 %) Radio-Canada (15 %) et RDS (9 %).

Le site web de La Presse est « de loin le plus fréquenté au Québec » et « semble consolider sa place de chef de file » des sites d’information préférés des Québécois, conclut l’étude. Plus du quart du temps consacré à s’informer en ligne était passé à LaPresse.ca. Suivent Radio-Canada (18 %), TVA (16 %) et MétéoMédia (8 %). Dans leur virage vers le monde numérique, les médias traditionnels se heurtent toutefois aux géants Google et Facebook qui dominent le marché publicitaire, explique Daniel Giroux. « L’offre est très très grande, et donc, le prix que les annonceurs payent, par exemple, pour un lecteur de La Presse numérique ou sur téléphone intelligent, est pas mal moins important que ce qu’on peut aller tirer sur les médias traditionnels. Il y a là un grand défi », soutient le chercheur, qui estime néanmoins que les « médias n’ont pas dit leur dernier mot ».

La montée en puissance des médias numériques au détriment des médias traditionnels n’est pas terminée, soutient Daniel Giroux. « La consommation des médias numériques va probablement croître encore chez les plus vieux », note-t-il. C’est d’ailleurs l’âge qui demeure la variable la plus importante dans la consommation de médias numériques, selon l’étude. Plus une personne est âgée, plus elle consomme des médias traditionnels comme la télévision ou les journaux écrits. Ainsi, les 35 ans et plus s’informent surtout à la télévision, contrairement aux plus jeunes qui raffolent du téléphone et de l’ordinateur. Exception notable : la tablette électronique, qui est davantage utilisée par les plus vieux. Pour survivre, les médias traditionnels doivent rajeunir leur lectorat, affirme M. Giroux. « Si on veut aller chercher des jeunes, c’est un peu par les sites web, mais surtout par les tablettes et les téléphones intelligents. »

Les difficultés des quotidiens papier sont loin d’être terminées, selon Daniel Giroux, chargé de cours au département d’information et de communication de l’Université Laval. Les journaux québécois vont « disparaître ou vont publier seulement quelques fois par semaine », dans un proche avenir, avance-t-il. « C’est une tendance assez importante. Je vois mal comment les médias vont pouvoir maintenir à la fois le papier et être présents dans le numérique, comme ils le sont maintenant. Le papier va devenir de plus en plus dispendieux à publier et à distribuer à de moins en moins de foyers. Les gens vont cesser de s’abonner au papier pour privilégier le numérique. Cette tendance va s’installer petit à petit dans la foulée de ce que La Presse a pu faire », analyse M. Giroux.

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