Chronique

Des règles trop tatillonnes en éducation

Malgré les besoins criants en éducation, il y a des fonds qui dorment dans les coffres de l’État en attendant d’être dépensés. La principale cause serait certaines règles tatillonnes du gouvernement.

Hier, les réactions à ma chronique n’ont pas tardé. Tant les cégeps que les commissions scolaires disent devoir attendre plusieurs mois avant de pouvoir dépenser certains des fonds promis en raison des règles absurdes de fonctionnement.

Ma chronique évaluait qu’à la fin décembre, il y avait un écart annualisé de 750 millions entre les fonds promis au réseau (universités comprises) et les dépenses effectivement réalisées. Finalement, l’écart ne sera pas de cette ampleur, mais la problématique de l’argent qui dort est bien réelle.

Dans les cégeps, le gouvernement a débloqué certains fonds au budget du printemps 2016. Le hic, c’est que les règles encadrant la manière de les dépenser ne sont parvenues aux établissements qu’en décembre 2016 et même janvier 2017, au lieu de mai 2016.

Comme les cégeps ont eux-mêmes besoin de temps pour allouer les fonds une fois les règles comprises, l’argent ne sera finalement pas dépensé à temps cette année ou pas de façon optimale.

« Kafkaïen »

Ce grand retard du gouvernement dans l’envoi de ce qu’on appelle les « annexes budgétaires » aux cégeps compromet les objectifs du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur.

« Il y a tellement de contrôle au Conseil du trésor que ça devient d’une complexité absurde, kafkaïen », dit Bernard Tremblay, président-directeur général de la Fédération des cégeps.

Des exemples ? Les fonds pour les étudiants en situation de handicap, pour l’aide au français ou pour les autochtones. Les modalités entourant les dépenses sont arrivées bien après le début de l’année, si bien que l’argent ne pourra être dépensé à temps pour l’embauche de personnel qualifié ou pour des projets.

Autre exemple : les fonds qui ont dormi pendant presque deux ans à la Commission des partenaires du marché du travail (CPMT). Une vingtaine de millions de dollars destinés aux stages en milieu de travail devait attendre l’adoption de la loi 70.

« On constate un problème de fonctionnement dans la distribution des enveloppes. Et il y a un problème d’arrimage entre les cycles de gestion des cégeps (1er juillet au 30 juin) et du gouvernement (1er avril au 31 mars) », dit M. Tremblay.

Son de cloche semblable au sein des écoles primaires et secondaires. La Fédération des commissions scolaires a d’ailleurs fait état de cette problématique dans son mémoire déposé durant les récentes consultations prébudgétaires du ministère des Finances.

Entre autres, lors de la mise à jour de novembre 2015, le gouvernement a promis une injection d’environ 20 millions pour l’année 2015-2016, destinés aux élèves en difficulté, notamment. Or, une partie des fonds est arrivée seulement cinq mois plus tard et le reste… en février 2017.

Même phénomène avec la mise à jour budgétaire d’octobre 2016 : les commissions scolaires attendent toujours la répartition des 35 millions promis pour l’année en cours entre le primaire-secondaire, d’une part, et l’enseignement supérieur, d’autre part.

N’étant pas dépensés dans l’année, les fonds risquent de se retrouver dans les surplus des commissions scolaires. Or, l’utilisation des surplus est très restreinte, si bien que les fonds n’atteindront possiblement jamais leur cible.

« Le déploiement des investissements en éducation ne permet pas d’atteindre les objectifs annoncés, à savoir l’amélioration des services aux élèves dans toutes les régions du Québec », écrit la Fédération dans son mémoire.

Trop de contraintes

Les cégeps et les commissions scolaires dénoncent aussi les trop grandes contraintes entourant les fonds alloués, ce qui les empêche de réinjecter des fonds dans les services de base. Au cégep de Baie-Comeau, par exemple, il n’y plus de réceptionniste ni de cafétéria.

Dans le cas des universités, la situation paraît moins problématique, puisque les institutions semblent disposer d’une plus grande latitude budgétaire.

N’empêche, le gouvernement doit s’interroger sur un mode de fonctionnement centralisé et ultra-contrôlant hérité des années de compressions. Et songer à redonner non seulement des fonds, mais aussi une flexibilité au réseau de l’éducation.

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