Course

Le défi d’une vie

Nous rencontrons Patrick Charlebois à son bureau, à la Financière Banque Nationale de Trois-Rivières, par un matin glacial de janvier. Vêtu d’un complet, le conseiller en placement n’est pas là pour nous entretenir de finances, mais bien de course à pied. On est à quelques jours de son départ pour Punta Arenas, dans le sud du Chili, d’où il entreprendra, avec 30 autres coureurs, le plus grand défi de course à pied de sa vie.

« Évidemment, mon entraînement a beaucoup diminué, dit l’homme de 46 ans en parlant des derniers jours. J’ai juste fait deux demi-marathons en fin de semaine. Il me semble que je n’ai rien fait ! Depuis six mois, je courais du 120, 130, jusqu’à 211 km par semaine. »

Petit détail important, ici : Patrick Charlebois a couru son demi-marathon du samedi dans les plaines d’Abraham, à - 25 °C, et celui du dimanche sur un tapis roulant, dans son sous-sol chauffé à 25 °C.

Non, Patrick Charlebois n’est pas tombé sur la tête : il se prépare pour participer à la troisième édition du World Marathon Challenge, qui consiste à courir sept marathons en sept jours sur sept continents.

« J’ai fait les six marathons majeurs dans le monde. Quand j’ai vu que ça existait, j’ai embarqué dans le projet. Je voulais le faire. Je suis rendu là. »

— Patrick Charlebois, participant au World Marathon Challenge

Les coureurs ont donc rendez-vous aujourd’hui même à Punta Arenas. Après-demain, ils prendront un vol vers Union Glacier, en Antarctique, où aura lieu, lundi, le premier marathon.

Puis, les autres courses se succéderont un jour après l’autre : Punta Arenas le 24 janvier, Miami le 25, Madrid le 26, Marrakech le 27, Dubaï le 28 et Sydney le 29. Les marathons, qui débutent dans les deux heures suivant l’arrivée des participants à destination, sont organisés spécifiquement pour le World Marathon Challenge.

« Évidemment, ils ne ferment pas la ville pour nous, dit Patrick Charlebois. Donc, on prend des endroits comme South Beach, à Miami, et on fait des boucles de 10 km, quatre fois. » À chaque destination, des experts locaux en course à pied vont s’assurer que le parcours fait bien 42,2 km.

Les coureurs dormiront (autant que possible) dans l’avion, entre les destinations.

« Le gros, gros défi dans le contexte des sept marathons, c’est sont les trois M : Miami, Madrid et Marrakech, explique Patrick Charlebois. Ces trois marathons-là vont se courir en 36 heures. On ne peut pas imaginer faire une bonne nuit de sommeil de 8 heures, c’est impossible dans ce bloc-là… » Il s’attend d’ailleurs à ne pas du tout dormir entre Madrid et Marrakech – le vol dure à peine 1 h 40 min.

Toujours manger !

Père de quatre adolescents de 13 à 17 ans, Patrick Charlebois court depuis 30 ans. Il est le premier Québécois à avoir terminé les six marathons majeurs – New York, Boston, Berlin, Londres, Chicago et Tokyo – avec une moyenne sous les trois heures. En 30 ans, le Trifluvien n’avait jamais sollicité l’aide d’un entraîneur et d’une nutritionniste, ce qu’il a fait, l’an dernier, après s’être inscrit au World Marathon Challenge. « J’aurais dû le faire avant ! », dit-il.

Le jour de notre rencontre, Patrick Charlebois avait justement rendez-vous avec sa nutritionniste, Josiane Tanguay, pour déterminer le protocole alimentaire qu’il devra suivre avant, pendant et après chaque marathon.

Josiane Tanguay nous accueille en souriant : « Tu as maigri ! lance-t-elle à Patrick Charlebois en lui tâtant le bras. Au moins 10 lb… » C’était prévu : Patrick Charlebois pesait 185 lb l’an dernier et il visait 172, 173 lb, un poids qu’il a atteint en coupant les desserts et en misant sur les protéines.

Pendant son défi, toutefois, pas question de lésiner sur le sucre. Ni sur rien d’autre, d’ailleurs. « Ce que j’avais calculé pour toi, c’est 5000, 6000 calories par jour, lui rappelle Josiane Tanguay. Si tu prends 3000 calories, tu vas fondre. » Patrick Charlebois devra donc faire le plein de nourriture locale entre les épreuves (en espérant ne pas tomber malade). Du gras, des glucides, des protéines.

« Mon entraîneur, Joël Bourgeois, me dit que ce que je m’apprête à faire, c’est un concours de mangeur : celui qui mangera le plus va gagner ! »

— Patrick Charlebois

Patrick Charlebois devra aussi surveiller de près son alimentation juste avant, pendant et juste après les épreuves. Josiane Tanguay lui conseille de prendre un jus ou une barre Beet it (à base de betteraves) deux heures avant la course pour faire le plein de nitrates. Pendant les marathons, Patrick Charlebois devra prendre une barre Fruit 2 (à base de fruits) toutes les 45 minutes. Et, juste après les courses, il devra prendre une barre énergétique et une boisson de récupération (Ultragen).

« Il y a un 20, 30 minutes après la course qui est payant pour la récupération, explique- t-il. Quand tu cours un seul marathon, ce n’est pas grave ce que tu fais tout de suite après. Mais moi, la fin d’une course, c’est le début de l’autre… »

Avant de le laisser, nous demandons à Patrick Charlebois comment il se sent, à quelques jours du départ. « Stressé, convient-il d’emblée. Il y a beaucoup de choses que je ne contrôle pas, les blessures… »

Les attentes envers lui sont élevées, et il le sait. Lorsque Patrick Charlebois a annoncé publiquement sa participation au World Marathon Challenge, en mars, il a confié au journal Le Nouvelliste qu’il participait pour gagner. Il a réévalué ses ambitions l’été dernier en apprenant que des marathoniens élite se joindraient à l’aventure, dont les Américains Ryan Hall et Michael Wardian.

« Quand je l’ai su, j’ai ressenti un mélange d’émotions. C’est sûr que c’est impossible de gagner avec ces gens-là dans les rangs, mais c’est vraiment un privilège de pouvoir côtoyer des élites de renommée internationale. C’est comme ça que j’approche ce défi : avec humilité et modestie », conclut celui qui vise une moyenne de quatre heures par marathon.

54 000 $CAN

C’est le coût d’inscription au World Marathon Challenge. Cela exclut les billets d’avion pour se rendre à Punta Arenas et pour revenir de Sydney. Dans le cadre de son défi, Patrick Charlebois s’est associé à la Fondation RSTR pour amasser des fonds pour l’achat d’équipements pour l’unité de néonatalogie. 

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.