MICHAEL LEIGHTON

Le roi des mineures

Battre un record significatif que détenait depuis 59 ans un gardien ayant remporté quatre Coupes Stanley et deux trophées Vézina – un gardien qui a ensuite été admis au Temple de la renommée du hockey –, ce n’est pas une mince affaire.

Que le record en question ait été établi dans la Ligue américaine ne change pas grand-chose aux yeux de Michael Leighton. Le record a du poids et maintenant c’est le sien.

Le gardien des IceHogs de Rockford a dépassé le 5 mars dernier une marque de Johnny Bower en récoltant son 46e blanchissage dans la Ligue américaine.

« On était à domicile, devant des gradins remplis un samedi soir, avec ma famille qui était sur place et qui est venue me rejoindre sur la patinoire, a raconté Leighton en entrevue avec La Presse. Ça n’aurait pas pu mieux se dérouler. J’en ai eu les larmes aux yeux. »

« Je suis un gars assez compétitif et je veux être le meilleur, peu importe la ligue dans laquelle j’évolue. D’avoir établi ce record et d’avoir fait ma place dans l’histoire en dépassant une figure comme Johnny Bower est assez incroyable. »

— Michael Leighton

L’ancien portier des Rangers de New York mais surtout des Maple Leafs de Toronto s’était établi dans la LNH à l’âge de 33 ans après une longue carrière dans la LAH. Encore aujourd’hui, Bower peut être considéré comme une inspiration pour les vétérans comme Leighton qui aspirent à faire leur place au soleil en dépit des années qui avancent.

Mais Leighton garde un regard lucide sur sa situation.

« Mon but est de retourner dans la LNH, mais je ne sais pas si ça va se produire ou non. Ça dépendra des besoins des équipes. Voudront-elles d’un gardien de 34 ans qui a l’expérience de la LNH, qui a encore beaucoup de succès dans la LAH et qui peut donner un coup de main dans le vestiaire et être un bon substitut ? Ou voudront-elles davantage un gardien de 22 ans qui est prometteur et qu’elles souhaitent développer comme gardien auxiliaire en attendant qu’il devienne un jour numéro un ? »

Chose certaine, que sa carrière se termine ou non dans la Ligue américaine, Leighton n’a ni amertume ni dédain envers ce circuit qui lui permet de gagner sa vie.

« J’ai toujours respecté la Ligue américaine, soutient Leighton. J’ai joué dans la KHL et je peux dire que la Ligue américaine continue d’être au deuxième rang ligue de hockey au monde. C’est une bonne ligue de développement pour les jeunes joueurs et on y trouve de très bons vétérans.

« J’y ai du plaisir parce que c’est plus relax que la LNH. Il y a beaucoup moins de pression et les joueurs ont tendance à se tenir davantage ensemble. C’est une atmosphère différente et beaucoup plus détendue. Mais ça ne veut pas dire que je n’aime pas la LNH. C’est l’élite, après tout, et c’est là qu’on aspire tous à jouer. »

SI PRÈS, PUIS SI LOIN

Leighton a disputé la finale de la Coupe Stanley de 2010 dans l’uniforme des Flyers de Philadelphie, qui s’étaient inclinés devant les Blackhawks de Chicago. Mais en dépit de cette vitrine, Leighton n’a joué que deux matchs dans la LNH depuis ces fameuses séries éliminatoires.

Une ribambelle de blessures, entre autres, ont fait en sorte que Leighton n’a jamais pu tabler sur ses performances de 2010 pour consolider sa place dans la ligue. Dommage parce qu’avant de s’incliner face aux Hawks, il s’était brillamment chargé du Tricolore en finale d’association en le blanchissant trois fois au cours d’une même série. Un record de la LNH qu’il a égalé.

« Ç’avait été toute une expérience que de se rendre en finale… même si la conclusion n’avait pas été celle qu’on recherchait, s’est rappelé Leighton. Mais contre Montréal, on avait joué notre meilleur hockey. On avait vraiment fermé la porte devant eux. »

Et comme quoi Leighton et blanchissages vont décidément de pair, il était devenu en 2002 le seul gardien dans l’histoire de la LNH à signer un match de 0-0 à son premier départ dans la ligue.

14 ÉQUIPES, UNE FAMILLE

À l’hiver 2007, Leighton a brièvement porté les couleurs du Canadien. Il n’a jamais pris part à un seul match – il a été l’auxiliaire de Jaroslav Halak à deux reprises –, mais Montréal aura quand même constitué l’un de ses 14 arrêts professionnels en carrière.

« À ce jour, dit-il, le Centre Bell demeure mon amphithéâtre préféré dans tout le hockey. »

Durant son séjour avec le CH, il était un nouveau papa heureux et tout était plus simple. Aujourd’hui, ses deux plus vieux vont à l’école et le troisième y entrera la saison prochaine. Dans ce contexte, les perspectives d’emploi pour un gardien de 34 ans sont plus compliquées.

Il aimerait revenir dans la LNH, mais la quête de stabilité entre aussi en ligne de compte.

« Le hockey est encore mon boulot et ma façon de gagner de l’argent, mais ça devient de plus en plus difficile de déménager en raison de ma famille. Continuer de jouer pendant cinq ans encore, à coups de contrats d’un an dans la Ligue américaine, me forcerait à me demander à un moment donné si l’argent vaut la peine que je me donne tout ce trouble-là. En étant trimballée d’une ville à l’autre, ma famille finit par rater beaucoup de choses. »

« Mais bon, l’argent est là, je signe encore de bons contrats et je me sens voulu. Le jour où ce ne sera plus le cas, où mes performances vont diminuer ou que le jeu n’en vaudra plus la chandelle pour ma famille, j’aurai des décisions à prendre. »

— Michael Leighton

Leighton a beaucoup voyagé, il a eu « sa résidence secondaire dans tous les Hilton de la Terre » comme le dit la chanson, mais n’a jamais eu le réflexe de se procurer une carte de fidélité d’une chaîne hôtelière.

« J’ai déjà eu une carte Air Miles que j’ai égarée et dont j’ai perdu les points, affirme-t-il. Mais si j’avais su que je passerais autant de temps dans les hôtels, j’aurais agi autrement, c’est sûr ! »

C’est peut-être un acte manqué : Leighton veut être à la maison, et non à l’hôtel encore plus souvent !

GAGNER, C’EST TOUT

Au début de la saison, Leighton s’était fixé trois objectifs : participer au match des Étoiles de la Ligue américaine, aller chercher les cinq blanchissages qui lui manquaient pour battre le record de Bower, et gagner un championnat.

Il ne reste donc plus qu’à aider les IceHogs de Rockford, la filiale des Blackhawks, à remporter la Coupe Calder.

Tout compte fait, Leighton n’est pas dans la pire des situations, car il est le troisième gardien d’une équipe prétendante à la Coupe Stanley. Une situation analogue à celle de Peter Budaj au sein de l’organisation des Kings de Los Angeles.

« C’était plus difficile l’an dernier avec l’arrivée de Scott Darling qui avait pris le poste de numéro trois et qui a très bien fait lorsqu’on lui a donné le filet dans la LNH, souligne Leighton. J’étais davantage quatrième gardien. Cette année [à la suite du départ d’Antti Raanta], je suis retourné à Rockford après qu’on m’a dit que je serais le troisième gardien des Blackhawks et que c’est moi qu’on rappellerait s’il y avait quoi que ce soit.

« Chicago a tellement une bonne équipe, c’est sûr que ça a joué dans ma décision. Si je suis rappelé à titre de black ace et que je gagne la Coupe Stanley, ça voudrait dire beaucoup parce que j’ai 34 ans et je n’ai jamais remporté de championnat chez les pros. Gagner, peu importe à quel niveau, est la priorité en ce moment.

« Je suis certain que Peter Budaj pense la même chose. »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.