Chronique

Deux reines, deux trônes à défendre

Il y a deux reines à la télé québécoise. L’une se prépare à ranger son diadème doré, bien malgré elle, dans un placard à TVA. L’autre tente de conserver son trône de fer à Radio-Canada, malgré les turbulences enregistrées récemment aux audimètres.

Ces deux têtes couronnées traversent, chacune dans leur royaume médiatique respectif, des périodes mouvementées. Commençons par la souveraine-démone, Julie Snyder.

Son jeu Le banquier cartonne toujours dans les cotes d’écoute. Dimanche soir, l’édition des animaux, divertissante et émouvante, a planté 1 532 000 curieux devant leur poste.

Julie pilote donc l’émission la plus regardée du réseau qui l’emploie. Pourtant, elle passera à la trappe d’ici quelques semaines. C’est à n’y rien comprendre. TVA n’a clairement pas les moyens de se priver de chiffres aussi juteux.

Peu importe. Ce ne sera pas la première décision douteuse prise par TVA. On se souviendra que le « diffuseur d’émotions » a passé son tour sur Unité 9 et District 31, deux séries produites par Fabienne Larouche qui ont explosé en atterrissant à Radio-Canada.

Julie Snyder n’a pas toujours été à l’aise avec les candidats du Banquier. Dans les premières éditions, elle a été maladroite avec eux, autant en paroles qu’en gestes, et son empathie semblait souvent feinte ou forcée.

Dimanche soir, Julie naviguait dans le mini-zoo avec une aisance remarquable. Après 12 saisons plantée sur sa pastille, elle est beaucoup plus calme, plus ancrée, et ne transforme plus chaque petit événement en cirque. Par exemple, quand Zoé la lapine a fienté sur son chemisier blanc, Julie Snyder a poursuivi l’ouverture des valises et attendu la pause pour se changer. Moment rigolo, qui n’a pas été amplifié à outrance.

Puis, elle a bouffé un biscuit à chien sans devenir hystérique et elle a braqué davantage les projecteurs sur la concurrente, sosie de Danielle Ouimet, que sur elle-même.

C’est d’autant plus dommage d’assister à son retrait des ondes au moment où Julie gagne ainsi en maturité et en sagesse.

L’impératrice Véro, maintenant. Difficile de dire du mal d’elle. Dans notre merveilleux monde du showbiz, plusieurs artistes montrent un visage affable devant les caméras, mais deviennent insupportables une fois la lumière rouge éteinte. Pas Véro. La Véro que vous voyez dans votre télé est pratiquement la même Véro qui magasine chez Costco, une couche de fond de teint en moins.

Personne ne lui souhaite de perdre son sang bleu et son statut aristocratique. Reste que la pression demeure intense sur Véronique Cloutier pour que ses projets caracolent en tête des sondages. Et pour l’instant, Véro ne livre pas les résultats escomptés.

Avec l’écoute en différé, qui s’ajoute avec les enregistrements, la première diffusion de Votre beau programme a intéressé 940 000 personnes. Le hic ? La SRC croyait que sa populaire vedette générerait davantage de trafic et avait promis à ses annonceurs que sa nouvelle émission rallierait 1 279 000 fidèles.

« La deuxième semaine fut pire avec un auditoire de 703 000 téléspectateurs, en chute de 45 % sur ses projections. Les annonceurs qui ont investi de larges sommes pour s’y associer sont certainement aux aguets et en quête de solutions avec le diffuseur », constate Francine Marcotte, vice-présidente et directrice de Cossette Média.

Selon David Béland, vice-président, recherche consommateur, chez Deepblue, une filiale de l’agence de publicité Dentsu, l’estimation de départ, fixée à 1 279 000 téléspectateurs, « était très optimiste ».

« On a posé l’hypothèse que Votre beau programme serait autant regardé que Tout le monde en parle. »

— David Béland, vice-président chez Deepblue

« L’estimé d’auditoire a été basé sur l’auditoire des Enfants de la télé, au pic de sa popularité, juste avant que Véronique Cloutier et Antoine Bertrand ne quittent », explique David Béland, de chez Deepblue.

Radio-Canada a d’ailleurs commencé à rediffuser Votre beau programme les dimanches à 17 h, question de dédommager les annonceurs qui ont payé leurs publicités trop cher. Dans le troisième épisode, la fête express à Antoine Bertrand a probablement été le meilleur segment depuis le début de l’émission. Ça demeure encore inégal.

Contre Votre beau programme, L’heure bleue de TVA s’en sort mieux. Le téléroman a été suivi, lors de sa première semaine, par 1 165 000 fans, ce qui est légèrement supérieur aux 1 140 000 curieux que TVA prévoyait retenir.

La reine Julie a fait un déplacement chez V, où elle produira Occupation double à l’automne. La reine Véro bouge vers l’Extra de Tou.tv, où elle exploitera sa propre chaîne à partir du 14 février. Ni une ni l’autre n’est prête à abdiquer. L’échec à la reine ? Non merci.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.