Économie des biens d'occasion

30 milliards dans l’économie canadienne

Le marché des produits d’occasion, vendus, échangés ou donnés, est bénéfique pour l’économie du pays autant que pour l’environnement, puisqu’il permet de garder chez nous des dollars qui serviraient autrement, en partie, à l’achat de biens venant de l’étranger. C’est ce que soutiennent des chercheurs de l’UQAM dans une nouvelle étude, commanditée par le site de petites annonces kijiji, qui serait la première à se pencher sur l’impact de l’économie de seconde main.

200 MILLIARDS

Dépenses consacrées aux biens neufs au Canada en 2013

30 MILLIARDS

Dépenses consacrées aux biens d’occasion au Canada, soit 15 % de la valeur des biens neufs.

« Les pratiques des consommateurs changent. Il y a un intérêt grandissant pour les objets de seconde main », souligne Fabien Durif, professeur de marketing à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM et directeur de l’Observatoire de la consommation responsable (OCR), l’un des auteurs de l’étude. « Auparavant, ce type d’achat était associé aux gens démunis, mais c’est maintenant devenu une mode. »

Selon le chercheur, c’est la première fois qu’une étude se penche sur l’importance économique des achats de bien usagés. « Les dirigeants de kijiji, qui est un acteur important de l’économie de seconde main, voulaient comprendre le phénomène. »

1648 MILLIARDS

PIB du Canada

34 MILLIARDS

Valeur du PIB qui serait attribuable au marché des biens d’occasion

300 000

Nombre d’emplois qui seraient créés au pays grâce à l’économie de seconde main, parce qu’elle permet d’éviter la « fuite » de l’argent dans le marché de l’importation.

« La grande majorité des nouveaux biens durables et semi-durables achetés par les consommateurs canadiens aujourd’hui sont des biens d’importation. L’achat d’un bien neuf fait donc en sorte que l’argent sort du Canada, expliquent les auteurs de l’étude. En prolongeant la durée de vie utile des biens, la consommation de biens d’occasion réduit l’ampleur de ces sorties de fonds ; elle a donc un impact économique positif. »

Pour chaque dollar dépensé, les économistes estiment que le PIB augmente de 1,20 $. La contribution du marché des biens d’occasion au PIB serait donc de 34 milliards. En se fondant sur le ratio entre les emplois et les dollars, les chercheurs estiment qu’environ 300 000 emplois au Canada existent grâce à l’économie de seconde main.

22 000 $

Somme qu’une famille moyenne de quatre personnes dépense chaque année pour l’achat de biens

1150 $

Économies réalisées grâce à l’achat de biens d’occasion

« Chaque année, les Canadiens achètent pour 125 milliards de dollars de nouveaux biens durables, qui s’ajoutent aux biens qu’ils possèdent déjà. […] Toutefois, le taux de dépréciation des biens durables, selon les estimations de Statistique Canada, équivaut à près de 100 milliards de dollars par année. Donc, les nouveaux biens achetés chaque année ne font que remplacer les biens durables qui se sont dépréciés ou qui ont fini par être jetés », note l’étude.

Les chercheurs soulignent que certains biens neufs ont une courte durée de vie, parce qu’ils ne sont pas de bonne qualité ou sont jetés prématurément. « Si les Canadiens utilisaient de façon plus avisée le marché de seconde main, ils pourraient réduire ce taux de dépréciation et réaliser des économies considérables. »

MOINS DE TAXES, PLUS D’IMPÔTS

Le marché des biens d’occasion ne fait pas partie de l’« économie souterraine », mais plutôt de l’« économie informelle », selon l’étude, qui rappelle que les commerçants dont les ventes sont inférieures à 30 000 $ n’ont pas à percevoir de taxe de vente sur leurs transactions – sauf pour la vente de voitures usagées –, ce qui permet aux acheteurs d’économiser.

Les gouvernements ne perdent-ils pas des revenus fiscaux quand les consommateurs achètent des biens d’occasion ? « Au contraire, répondent les chercheurs. Sur des dépenses de 1 milliard de dollars de biens de consommation neufs, le gouvernement aurait perçu en TVH 130 millions de dollars (selon le taux de l’Ontario). Mais comme la plus grande partie de ces biens seraient importés, le gouvernement ne percevrait qu’une part relativement mince d’impôt sur le revenu généré par ces dépenses. C’est parce que le revenu ainsi créé serait gagné en majeure partie à l’étranger, non pas au Canada. » Selon Statistique Canada, chaque tranche de 1 milliard de dollars de dépenses représente pour le gouvernement des recettes supplémentaires de 340 millions de dollars environ. 

MOINS POPULAIRE AU QUÉBEC

Intensité de l’utilisation du marché de seconde main

L’indice d’« intensité des pratiques de seconde main » développé par les chercheurs a permis de constater que les Québécois prisent moins les biens d’occasion que leurs compatriotes du reste du Canada. « Il faudrait faire une nouvelle étude pour comprendre quelles sont les barrières qui expliquent cet intérêt plus faible au Québec, et faire de la sensibilisation sur les bénéfices de l’économie de seconde main », dit Fabien Durif.

VÊTEMENTS ET CHAUSSURES

Les trois catégories de biens les plus souvent échangés : 

Vêtements, chaussures et articles de mode

Produits de divertissement

Vêtements et accessoires de bébé

POUR DES BIENS PLUS DURABLES

Pourquoi les consommateurs achètent-ils des produits d’occasion ?

Pour épargner

Pour protéger l’environnement

Pour dénicher des objets uniques et de valeur

Pour les réparer

Pourquoi certains sont-ils réticents ?

Crainte que l’objet n’ait pas été nettoyé

Crainte que l’objet soit difficile d’accès

Risque de blessure avec le bien acheté

« Les consommateurs, et en particulier les Nord-Américains, ont pris l’habitude de jeter leurs biens prématurément. Cela donne naissance à un cercle vicieux, puisque les fabricants n’ont plus aucun incitatif à construire les choses de façon qu’elles durent, avance l’étude. En conséquence, les consommateurs ont de plus en plus tendance à jeter leurs biens lorsqu’ils prennent de l’âge. L’importance de la réutilisation des produits est de plus en plus largement reconnue. Jusqu’ici, quand on parle de protection de l’environnement, l’accent a surtout été mis sur le recyclage. Mais […] il est beaucoup plus efficace, lorsque cela est possible, de réutiliser plutôt que de recycler. »

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