GARDERIES EN MILIEU SCOLAIRE

La hausse de tarif repoussée à l’automne

La nouvelle venait tout juste d’atterrir sur le bureau de la directrice du service de garde quand je suis passée à l’école de ma fille mercredi pour l’inscrire à une sortie durant une journée pédagogique.

Après moult tergiversations, la hausse du tarif des services de garde en milieu scolaire ne s’appliquera pas avant la rentrée. Ouf ! Un soulagement pour la directrice qui aurait dû modifier son système de facturation en plein cœur de l’année. Un beau casse-tête !

Déjà que la hausse du tarif a suscité beaucoup de confusion. Les commissions scolaires ont d’abord été avisées de se préparer à appliquer le nouveau tarif de 8 $ par jour à partir du 1er avril, comme le prévoyait le projet de loi 28. Les parents avaient même été avertis des changements au mois de mars.

Puis, coup de théâtre. Quelques jours avant l’entrée en vigueur, les commissions scolaires ont reçu une nouvelle directive du Ministère leur demandant d’attendre, ce qui a mis certaines commissions scolaires dans le pétrin, elles qui s’étaient fendues en quatre pour adapter leur système informatique.

Finalement, le projet de loi a été adopté dans la nuit du 20 avril, sous le bâillon. Mais Québec qui était si pressé d’implanter les changements prévus – chaque jour de retard entraînant une perte de 1 million pour les coffres de l’État – n’a pas cru bon de forcer les commissions scolaires à appliquer la hausse sur-le-champ, comme il l’a fait pour les centres de la petite enfance (CPE) et les garderies subventionnées où le tarif peut maintenant atteindre jusqu’à 20 $ par jour, selon le revenu des parents.

À première vue, on peut s’étonner que les commissions scolaires qui ne savent plus où couper pour boucler leur budget n’aient pas sauté sur l’occasion d’aller chercher quelques dollars supplémentaires en faisant grimper le tarif des services de garde de 7,30 $ à 8 $.

Mais ça ne marche pas comme cela. « Si on avait haussé le tarif, Québec aurait réduit d’autant le budget qu’il nous accorde », explique le porte-parole de la Commission scolaire de Montréal, Alain Perron. Comme la hausse ne lui aurait rien rapporté, la CSDM a donc décidé d’attendre à la rentrée, pour éviter que les parents paient la note.

Toutes les commissions scolaires ont pris la même décision. Ce ne sont pas les parents qui se plaindront de ce répit.

Quelques rares commissions qui avaient déjà haussé leur tarif vont même faire marche arrière. « Nous allons créditer les parents », assure Gilles Routhier, directeur général adjoint de la commission scolaire des Rives-du-Saguenay.

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué !

NON-SENS FISCAL

Je l’ai déjà écrit et je le répète, la hausse du tarif à 8 $ est une aberration pour les parents, surtout les moins fortunés. En fait, les garderies subventionnées en milieu scolaire sont un non-sens sur le plan fiscal.

Comme le plein tarif s’élève à 12,73 $, les parents vont assumer près des deux tiers de la facture totale. Québec subventionnera le reste.

Or, cette subvention n’est pas un cadeau, car elle prive les parents du crédit d’impôt provincial applicable aux frais de garde (garderies non subventionnées, gardienne à la maison, etc.), mais pas aux frais payés pour une place à contribution réduite.

Pour les familles qui gagnent moins de 147 000 $ environ, la subvention de Québec est moins généreuse que ce fameux crédit qui permet d’obtenir une économie d’impôt variant entre 26 et 75 %, selon le revenu familial.

Pour une famille de la classe moyenne qui gagne 80 000 $, par exemple, le taux de crédit se situe à 60 %. Si les parents payaient la facture totale de 12,73 $, la place en milieu scolaire leur coûterait seulement 5 $. Pas mal mieux que 8 $ !

L’écart est encore plus frappant pour les familles à faibles revenus. La place leur reviendrait à seulement 3 $ en payant la facture au complet pour ensuite réclamer le crédit qui atteint 75 % lorsque les revenus sont inférieurs à 34 000 $.

Mais ce n’est pas tout. En subventionnant les services de garde en milieu scolaire, Québec fait fondre la déduction d’impôt fédérale pour les frais de garde. Du coup, Québec prive les familles de millions de dollars d’Ottawa.

C’est sans compter que cette déduction réduit les revenus imposables, ce qui permet aux parents de bonifier une série de prestations qui sont établies en fonction de leurs revenus, comme la prestation fiscale canadienne pour enfants.

Tout bien compté, le coût réel d’une place en milieu scolaire ne serait pas loin de zéro pour un bon nombre de familles, en particulier celles qui gagnent le moins.

Alors au lieu d’augmenter le tarif à 8 $, pourquoi ne pas laisser les parents payer la facture au complet de leurs poches ? Bien sûr, il faudrait mettre en place un système de versements anticipés leur permettant d’obtenir les avantages fiscaux au fur et à mesure.

La Commission d’examen sur la fiscalité québécoise vient justement de faire une recommandation en ce sens, dans son rapport final.

Il n’est jamais trop tard pour bien faire.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.