Catastrophes naturelles au Québec

La gestion des inondations devrait relever d'une seule agence 

Comme c’est souvent le cas après des catastrophes naturelles majeures, une réflexion importante a eu lieu au Québec depuis les inondations du printemps 2017 afin que les municipalités touchées soient mieux préparées à l’avenir, avec un forum sur les inondations en octobre 2017, une journée de bilan et perspectives en décembre 2017 et un congrès provincial sur la gestion des inondations en février 2018.

Le fait que plusieurs ministères (environnement, sécurité publique, affaires municipales), organismes de bassins versants (OBV) et communautés métropolitaines soient impliqués dans cette réflexion indique une réelle volonté de collaborer pour mieux gérer cet aléa naturel, de loin le plus important au Québec. Toutefois, la multiplicité des acteurs révèle aussi un problème structurel de gouvernance qui limite la possibilité de bien coordonner la gestion des inondations au Québec.

En effet, dans les autres provinces ou États, la gestion des inondations relève en général d’un seul ministère ou d’une seule agence.

Au Royaume-Uni, par exemple, il s’agit de l’agence environnementale (Environment Agency), un organisme public non ministériel. Les objectifs de cette agence incluent un environnement plus propre et plus sain qui profite aux gens et à l’économie, et une nation mieux protégée contre les menaces et les risques naturels. Des objectifs aussi ambitieux requièrent évidemment une expertise et un financement adéquat. L’agence compte 11 000 employés, soit l’équivalent de 1375 employés au prorata de la population du Québec (1/8 de celle du Royaume-Uni), avec un budget annuel de 1,3 milliard de livres (2,3 milliards de dollars), donc 291 millions de dollars au prorata de la population.

Compétence municipale

Depuis 2002, le Québec s’est doté d’une politique nationale de l’eau destinée entre autres à mettre en place la gestion intégrée par bassin versant. Pourtant, la gestion des inondations demeure encore à ce jour une compétence municipale, comme en fait foi l’annonce récente du gouvernement d'un investissement de 20,5 millions de dollars pour actualiser la cartographie des zones inondables dans certaines régions, dont 1,5 million pour la MRC de Maskinongé.

Or les limites des MRC ne correspondent pas à celles des bassins versants, ce qui empêche de bien mettre en œuvre une gestion intégrée de l’eau. Dans la seule MRC de Maskinongé, on dénombre quatre OBV : Du Loup/Yamachiche (67 % du territoire de la MRC), Saint-Maurice (24 %), Maskinongé (8 %) et Bayonne (1 %) (voir les cartes).

Depuis quelques mois, un groupe d’experts indépendants dont je fais partie mène une réflexion sur la structure de gouvernance environnementale au Québec, sous la bannière « Le climat, l’État et nous » (iet.polymtl.ca/climat-etat-nous).

Notre proposition prévoit une agence du développement durable qui aurait un vaste mandat, dont celui de la gestion des inondations, en partie inspiré de structures ayant fait leurs preuves à l’étranger comme celle de l’agence environnementale au Royaume-Uni.

Ce mandat inclurait la planification de l’adaptation aux changements climatiques, la gestion de l’eau, l’appui aux communautés locales en développement durable, la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la transition énergétique, ainsi que le dialogue entre les parties prenantes et les citoyens.

Le mandat d’une telle agence comporterait aussi un volet scientifique majeur afin de s’assurer d’inclure entre autres les plus récentes avancées technologiques. Par exemple, il est maintenant possible de simuler non seulement l’étendue des inondations, mais aussi la profondeur et la vitesse de l’eau dans les zones inondables.

Cela permet une quantification du niveau de risque plus précise que ce que les données actuelles fournissent, facilitant la mise en place des plans d’urgence au niveau municipal. De nombreux défis subsistent toutefois, en particulier pour bien prévoir les zones à risque d’inondation par embâcle de glace qui ne sont toujours pas considérées dans la cartographie au Québec.

Toutes ces initiatives nécessitent un investissement gouvernemental accru. Les fonds de plusieurs millions de dollars alloués récemment par le gouvernement du Québec pour mieux gérer les inondations sont un pas dans la bonne direction. Il faut toutefois se rappeler que chaque dollar investi en prévention des inondations permet d’en économiser de trois à six fois plus en dommages et en impacts sur la santé des populations.

Il demeure donc essentiel de poursuivre la réflexion afin de bien coordonner nos efforts, idéalement avec une vision à long terme de la gestion intégrée de l’eau, dans un contexte où il est très probable que nous aurons à faire face à plus d’événements extrêmes à l’avenir.

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