OPINION IMMIGRATION

Le bon plan de la ministre Weil

En juin dernier, la ministre québécoise Kathleen Weil a soumis à la consultation publique son plan d’immigration pour les années 2017 à 2019. Elle propose un choix stratégique fondamental : améliorer d’abord les processus de sélection et d’intégration des immigrants avant d’en augmenter le nombre de façon importante.

Son choix est le bon. À cet égard, l’indicateur économique le plus « parlant » est le taux de chômage. En 2015, à Montréal, environ 7 % des natifs étaient en chômage alors que c’était le cas de 18 % des immigrants récents. Il est donc clair que le Québec éprouve une grande difficulté à intégrer ses immigrants et que la ministre a raison de vouloir améliorer la sélection et l’intégration des immigrants avant d’en augmenter le nombre.

Au Canada anglais, on critique souvent le Québec parce qu’il ne serait pas assez ouvert à l’immigration. Cette critique est mal fondée. Le Québec admet annuellement 6 immigrants par tranche de 1000 habitants, soit seulement 1 de moins que l’Ontario.

Il n’y a rien d’intolérant à ne pas vouloir augmenter le nombre d’immigrants de façon substantielle quand la difficulté à les intégrer est grande.

Mme Weil propose une légère augmentation du nombre d’immigrants, mais surtout, elle vise une meilleure adéquation des compétences aux besoins des employeurs, une admission plus facile pour les étudiants étrangers et les travailleurs temporaires, une campagne antidiscrimination, un investissement accru en francisation, une recherche active de jeunes candidats, une ouverture accrue des régions à l’immigration, un soutien à l’entrepreneuriat immigrant, et un encouragement des femmes immigrantes à l’emploi.

LA DÉCLARATION D’INTÉRÊT

La ministre préconise une nouvelle approche, celle dite de la « déclaration d’intérêt ». Il nous paraît souhaitable que les milieux d’entreprise attendent de voir si ce système fonctionne bien avant de réclamer des niveaux d’immigration accrus. En réalité, nos entreprises pourraient s’en trouver fort avantagées si, comme il est probable, une note élevée est accordée au départ à tout candidat qui aura une offre d’emploi.

Aussi, comme le profil des futurs immigrants pourrait être fortement influencé par les employeurs, une certaine prudence sera de mise dans l’application des nouvelles règles afin que les choix des employeurs restent conformes aux normes acceptées par la collectivité.

TENIR LES DEUX BOUTS DE LA CORDE

Sur le plan linguistique, assurer la pérennité du français, dans un monde dominé par la communication en anglais, nous semble plus important que jamais. Mais nous serions bêtes de négliger l’observation quotidienne qui démontre que la connaissance de l’anglais est un important facteur d’accès à l’emploi pour un grand nombre de Québécois, qu’ils soient nés ici ou ailleurs.

C’est pourquoi il nous paraît essentiel de « tenir les deux bouts de la corde », c’est-à-dire de continuer à accorder la priorité aux immigrants qui connaissent déjà le français à leur arrivée, tout en favorisant la sélection de ceux qui, parmi eux, connaissent l’anglais. Si leur compétence en français est déjà bonne, leur bilinguisme français-anglais ne nuira pas à leur intégration. Par contre, si on fait venir sans discernement des gens qui n’ont pas de lien culturel avec la langue française, il y a de fortes chances qu’eux et leurs enfants s’assimilent à l’anglais, ou quittent le Québec, même si on dépense beaucoup pour leur apprendre le français.

On nous pardonnera de conclure en mettant notre chapeau d’économistes terre-à-terre.

Le plan Weil est ambitieux. Il est difficile de croire qu’il pourra être réalisé avec un budget ministériel qui dispose présentement de moins de ressources réelles qu’il y a 10 ans.

Rechercher des candidats qui répondent aux besoins sera exigeant dans un contexte international où la concurrence pour attirer les immigrants économiques est vive. Si le Québec est sérieux en matière d’immigration, il faudra que la bourse corresponde aux ambitions.

— Brahim Boudarbat, Université de Montréal ; Pierre Fortin, Université du Québec à Montréal ; et Gilles Grenier, Université d’Ottawa. Les auteurs sont professeurs de sciences économiques aux trois universités indiquées.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.