Traversée du Canada en canot

Mission accomplie

Les Chemins de l’or bleu peuvent enfin crier victoire. Après avoir pagayé sur 7000 km pendant 175 jours, après avoir passé six mois à repousser sans relâche leurs limites physiques et mentales, ils ont réussi leur mission et terminé leur traversée du Canada avec succès.

Enfin, presque. Les six canoteurs ont dû s’arrêter vendredi dernier à Tsiigehtchic, petit village situé à une centaine de kilomètres de leur objectif initial d’Inuvik, dans les Territoires du Nord-Ouest. Les eaux glacées du fleuve Mackenzie les auraient empêchés de se rendre à destination. Les autorités locales leur ont d’ailleurs fortement déconseillé de s’aventurer dans le secteur. Ils se rendront malgré tout à Inuvik, aujourd’hui, mais ce ne sera pas en canot.

Déçus ? Pas le moins du monde. Ce n’était peut-être pas l’arrivée triomphale qu’ils avaient imaginée, avec les cigares, le scotch et les grands discours. Mais le sentiment et la satisfaction du devoir accompli, eux, étaient bien présents.

« Ce sont des émotions qui s’entrechoquent. Il y a la réalisation d’un défi physique extraordinaire, la fin d’un rêve ainsi que toute la fatigue accumulée », décrit Martin Trahan en entrevue avec La Presse, hier.

La fatigue, justement, est évidente dans la voix de Martin, au bout du fil. Et de son propre aveu, il était temps pour tout le monde que l’odyssée se termine. Tous les efforts fournis durant ce long parcours – et surtout au cours des dernières semaines, avec le froid glacial du Grand Nord – pesaient de plus en plus lourd sur leurs épaules.

« À la fin, on trouvait ça difficile. On n’avait plus d’énergie. On essayait de ne pas se mouiller parce que, sinon, on mettait des heures à sécher », raconte celui qui a perdu pas moins d’une quarantaine de livres depuis le départ de l’expédition, le 25 avril.

« VIVANT COMME JAMAIS »

Avec la conclusion de l’aventure des Chemins de l’or bleu, c’est aussi une page importante de la vie de Martin qui se tourne. Une page sur laquelle il s’est attardé pendant des années à tracer les lignes du projet qui lui tenait tant à cœur.

« Je vivais ces rêves dans ma tête, mais je trouvais toujours une raison pour ne pas les réaliser. Pour la première fois de ma vie, j’ai dit : on y va », explique-t-il.

« Ce fut un grand investissement. Pendant l’année de préparation, j’ai mis ma vie à pause. Je n’ai pas vu mes chums, je n’ai pas eu de vie amoureuse. »

« En même temps, j’étais content de me lever chaque matin pour préparer ça. Je me suis senti vivant comme jamais. »

— Martin Trahan

D’ailleurs, lorsqu’on lui demande de citer les moments marquants du voyage, Martin parle tout de suite de la journée du départ. Car c’est ce jour-là qu’il a pris la pleine mesure de la concrétisation de son projet.

« Ce n’était pas juste moi, devant mon ordinateur. Soudainement, on est là, avec 150 ou 200 personnes. Pour nous, c’était une cérémonie incroyablement touchante. J’avais le cœur tellement gros, mais en même temps, il y avait un bel esprit festif », relate-t-il.

RETOUR À LA VIE NORMALE

L’équipage des Chemins de l’or bleu quittera Inuvik à la fin de la semaine avant de rentrer à Montréal. Par avion, faut-il le préciser.

Frédéric Dufresne et Julien Bilodeau arriveront samedi et dimanche, respectivement. Martin, Valérie Jolicoeur et Annik Shamlian les imiteront lundi, vers l’heure du midi. Jérémie Bélair, quant à lui, pourrait demeurer à Inuvik jusqu’au 31 octobre, question d’y faire un peu de tourisme.

Martin caresse-t-il déjà d’autres idées d’expédition ? Il en a bien quelques-unes en tête. Chose certaine, ce ne sera rien d’aussi colossal : des excursions d’un mois, tout au plus. Et il se pourrait fort bien qu’elles se déroulent dans le Grand Nord québécois ou canadien, qui a charmé l’équipage en entier.

Mais avant même de penser à rembarquer dans un canot, lui et ses coéquipiers prendront le temps de retrouver leurs proches, qu’ils n’ont pas vus depuis une éternité. Nul doute que ceux-ci seront nombreux aux portes de l’aéroport Trudeau pour renouer avec les navigateurs.

« Ils ont hâte d’entendre mes histoires, mais j’ai aussi hâte d’entendre les leurs. Eux aussi ont vécu plusieurs choses pendant six mois. Ça va faire du bien », conclut Martin.

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