Ne rien faire dans l’anse du Sud engendrerait des pertes totales de 705 millions  en 50 ans, en raison surtout de la baisse de fréquentation touristique dans la région. Environ 320 000 nuitées par année seraient perdues. L’implantation d’une plage de galets – un projet d’à peine 11,5 millions – stopperait l’érosion et permettrait non seulement d’éviter les pertes anticipées, mais aussi de générer près de 70 millions de retombées additionnelles en rendant les lieux plus attirants pour les touristes. Chaque dollar investi pour la protection du littoral générerait 68 $ d’avantages, estime-t-on. « Ce serait un non-sens de ne pas appuyer Percé », conclut l’économiste Laurent Da Silva, d’Ouranos.

Quatre tronçons du littoral de la municipalité de 3300 habitants ont été analysés. Du lot, celui de l’anse du Sud, cœur patrimonial, culturel et économique de Percé, d’où l’on peut contempler le rocher et l’île Bonaventure, bénéficierait le plus d’une intervention de protection. Après de multiples rapiéçages d’urgence, le mur de béton qui soutient la promenade est en fin de vie utile, ce qui rend les infrastructures « extrêmement vulnérables aux événements de tempête ».

COÛTS GLOBAUX DE L’ÉROSION SUR LES INFRASTRUCTURES – 2015-2065

Bas-Saint-Laurent : 499 millions

Côte-Nord : 247 millions

Gaspésie – Îles-de-la-Madeleine : 777 millions

Total : 1,52 milliard

SONT MENACÉS...

5400 bâtiments

294 km de routes

26 km de chemins de fer

Une autre étude, réalisée par l’Université du Québec à Rimouski en collaboration avec Ouranos, révèle que les pertes totales causées par l’érosion pourraient causer des pertes de plus de 1,5 milliard en 50 ans dans l’est du Québec. Cette évaluation ne tient compte que des bâtiments, terrains, routes et chemins de fer et exclut donc les impacts indirects, notamment sur le tourisme et les écosystèmes.

L’analyse du consortium Ouranos rappelle que Percé doit déjà composer avec « la montée du niveau marin, l’adoucissement hivernal et la perte du couvert de glace sur le golfe du Saint-Laurent ainsi que la modification du régime des tempêtes ». La promenade et les propriétés qui la longent subissent des dommages de plusieurs dizaines de milliers de dollars par année en raison des assauts de la mer, si bien qu’« il devient de plus en plus urgent de protéger le littoral, notamment pour assurer le maintien de l’achalandage touristique ».

Avantages nets par rapport à la non-intervention, sur 50 ans

Percé : 774 millions

Maria : 2,3 millions

Carleton-sur-Mer : 5,8 millions

Îles-de-la-Madeleine : 48,6 millions

Rivière-Ouelle : 0,2 million

Percé est l’une des cinq municipalités québécoises, elles-mêmes divisées en un total de 25 segments, pour lesquelles Ouranos a fait une analyse avantage-coûts qui tient compte tant des impacts directs de l’érosion et de la submersion des zones côtières au cours des 50 prochaines années que des conséquences économiques, environnementales et sociales des changements climatiques. Le secteur historique de la Grave, aux Îles-de-la-Madeleine, est l’autre endroit qui a impérativement besoin de protection. Il y aurait un avantage net à intervenir dans neuf autres secteurs. Évidemment, seule une infime fraction du littoral est couverte par l’étude.

S’il n’est pas protégé, le littoral reculera de 15 cm par an à compter de 2020, et des motels et commerces seront directement exposés à l’érosion au cours des 50 prochaines années. « Le cachet touristique de la ville de Percé est grandement menacé avec la disparition prévue de la promenade en front de mer », écrivent les chercheurs. La promenade et le quai adjacent accueillent 400 000 visiteurs par an.

Heureusement, Québec semble finalement tendre l’oreille aux demandes de Percé, après qu’une tempête importante a laissé une traînée de destruction en octobre 2015. Une promenade éphémère a été aménagée ce printemps pour permettre aux visiteurs de mesurer l’étendue des dégâts et d’être sensibilisés aux impacts. Le financement de travaux d’aménagement d’une recharge de plage de galets devrait bientôt suivre. « On travaille avec le Secrétariat aux affaires maritimes et il y aura probablement une annonce officielle dans les prochaines semaines », a dit le maire de Percé, André Boudreau.