Hockey
Où jouera Will Bitten ?
La Presse
Exiger auprès de son propriétaire, à 17 ans seulement, le retour de son entraîneur, puis réclamer un échange quelques mois plus tard, cela n’embellit aucunement la réputation d’un jeune joueur.
Le cas de l’espoir du Canadien de Montréal Will Bitten, que certains comparent déjà à Brendan Gallagher, est pourtant bien différent.
Le propriétaire en question, Rolf Nilsen, a été suspendu cinq ans par la Ligue junior de l’Ontario. Les Firebirds de Flint sont désormais sous la tutelle de la Ligue.
Et si Will Bitten demande un échange aux 67’s d’Ottawa, c’est que le chaos règne toujours chez les Firebirds et que le fils de l’ancienne championne québécoise de badminton Doris Piché veut poursuivre ses études en français.
« La situation ne me préoccupe pas, lance au téléphone le directeur du recrutement amateur chez le Canadien, Trevor Timmins. Nous sommes dans les premiers jours de septembre, après tout. Il finira par se trouver une équipe. »
Timmins ne veut pas en dire davantage, mais en lisant entre les lignes, on devine qu’il n’a rien contre ce congé prolongé : nombre de recruteurs aux quatre coins de la LNH déplorent depuis plusieurs années la date à laquelle s’ouvrent les camps d’entraînement des équipes juniors.
« S’il en profite pour se développer en gymnase pendant cette période, tant mieux », se contente de souligner Timmins.
Des rumeurs hier laissaient entendre que le dossier pourrait connaître un dénouement dès aujourd’hui. Son agent, Serge Payer, n’a pas voulu confirmer l’information, cependant, ni la démentir.
« Il ne retourne pas à Flint, ça, c’est acquis. Certaines équipes ont manifesté de l’intérêt. On aimerait qu’il puisse retourner à la maison [avec les 67’s d’Ottawa], là où il fréquenterait un bon programme scolaire, mais je ne peux en dire davantage. »
— Serge Payer, agent de Will Bitten
« Il mérite de se retrouver dans une bonne organisation junior, un endroit où son développement ne serait pas retardé, et de participer aux séries éliminatoires. »
La saison tumultueuse des Firebirds a fait les manchettes à plusieurs reprises l’an dernier.
Nilsen a congédié son entraîneur John Gruden en novembre, insatisfait du temps d’utilisation de son fils, le défenseur Hakon Nilsen. En signe de protestation, tous les joueurs de l’équipe, dont le fils en question, ont remis dès le lendemain leur chandail au propriétaire de l’équipe en refusant de se présenter à l’entraînement.
Dans un geste rare, Nilsen a accepté de réintégrer Gruden… avant de le congédier à nouveau en février. La saison s’est terminée en queue de poisson pour les Firebirds et aussi pour Bitten, qui a obtenu seulement 2 buts à ses 15 derniers matchs et une fiche de - 19.
Bitten, un attaquant droitier de 5 pi 10 po et 170 lb, était toujours disponible au 70
rang, au troisième tour, lorsque le CH a pu choisir un deuxième joueur après Mikhail Sergachev en juin dernier. Le jeune homme avait pourtant marqué 30 buts et obtenu 65 points en 67 matchs.« Je m’attendais à ce qu’il soit repêché en fin de premier tour, peut-être au deuxième, mais jamais aussi tard, et je parle en connaissance de cause parce que j’en ai côtoyé, des jeunes de ce groupe d’âge », confie au bout du fil John Gruden, désormais entraîneur-chef de l’équipe junior des Bulldogs d’Hamilton.
Pourquoi a-t-il été repêché si tard ? « Je n’en sais rien », répond Gruden.
« Mais en fin de compte, tu dois être capable de réussir des jeux, peu importe le niveau. Will réussit les jeux. Montréal a fait un très bon choix. Que tu sois repêché au premier, deuxième ou troisième tour, ça n’importe pas, ça risque même de le motiver davantage. »
— John Gruden, ex-entraîneur de Will Bitten
La léthargie de Bitten en fin de saison a pu influencer la décision de certains recruteurs. « Ce qui s’est passé au sein de l’équipe peut affecter un jeune. On ne doit pas oublier qu’ils sont justement encore très jeunes. Will a été loyal et il a été un bon coéquipier. Ce fut un plaisir de le diriger. »
Le Canadien n’avait pas de choix de deuxième tour puisqu’il avait offert les deux qu’il détenait à Chicago pour obtenir Andrew Shaw. Timmins était ravi de voir que Bitten était toujours disponible au 70
rang.« Il était parmi nos candidats de deuxième tour sur nos listes. Les autres équipes l’ont peut-être ignoré aux deux premiers tours en raison de son gabarit. Nous avons repêché Brendan Gallagher au cinquième tour après tout, quoique Gallagher soit plus costaud que Will. »
Timmins dresse plusieurs parallèles entre les deux joueurs. « C’est un rat d’aréna. C’est un grand passionné qui veut être tout le temps sur la glace. Il est le premier sur les rondelles libres, il n’hésite pas à se rendre dans les endroits névralgiques. Il a tiré ce club sur ses épaules à 17 ans seulement. »
« S’il avait joué avec des gars plus talentueux, il aurait marqué 45 buts », se permet d’ajouter John Gruden, qui a fait la navette entre les mineures et la LNH au cours de sa carrière d’une dizaine d’années avec les Bruins de Boston, les Sénateurs d’Ottawa et les Capitals de Washington.
« Il possède de grandes habiletés naturelles qui lui permettent de réaliser des jeux dans des espaces restreints, poursuit Gruden. Il rend les autres meilleurs. C’est le type d’attaquant qui peut changer à lui seul le cours d’un match. »