Mise à jour économique

davantage d’argent pour les familles et les aînés

Les familles ayant choisi d’avoir plusieurs enfants seront les grandes gagnantes de la mise à jour économique rendue publique hier par le ministre des Finances, Éric Girard, qui puise dans les importants surplus budgétaires du Québec pour soutenir également les aînés.

Mise à jour économique

« C’est juste un début », promet Legault

Le premier ministre François Legault retourne une partie des surplus budgétaires aux contribuables. Les familles toucheront une nouvelle allocation atteignant jusqu’à 500 $ pour le deuxième et le troisième enfant. Les aînés de 70 ans ou plus à faible revenu auront droit à 200 $. « C’est juste un début », a insisté M. Legault en présentant sa mise à jour économique hier. Le plat de résistance sera servi au budget du printemps. Compte rendu.

Surplus attendu de 1,7 milliard 

Le gouvernement Legault a mis le paquet pour sa première mise à jour économique. Avec en fond de scène un parterre de citoyens sélectionnés par le gouvernement, une mise en scène que l’on voit davantage au fédéral, le premier ministre s’est joint à son grand argentier, Éric Girard, pour cet exercice, chose inhabituelle. Au 30 septembre, le surplus s’élevait à 3,9 milliards de dollars. Québec prévoit que cet excédent se situera à 1,7 milliard à la fin de l’année budgétaire, le 31 mars, entre autres en raison de l’impact de ses allègements financiers. « Il y a une marge de manœuvre disponible » pour retourner de l’argent aux contribuables, a soutenu M. Legault. Il commence à concrétiser des engagements électoraux plus tôt que prévu. Dans son discours d’ouverture de la session parlementaire, François Legault a fait de l’éducation sa « première grande priorité ». Il n’y a rien sur le sujet dans sa mise à jour économique. Il faudra attendre le budget, a-t-il expliqué.

Une nouvelle allocation familiale

Le gouvernement Legault instaure l’« allocation famille » qu’il avait promise en campagne électorale. Elle s’ajoute au Soutien aux enfants. Pour les couples ayant un revenu familial de moins de 108 000 $, il s’agit d’un gain de 500 $ par année pour un deuxième enfant, et d’un autre de la même somme pour un troisième. L’aide est réduite progressivement pour les couples ayant des revenus plus élevés. Elle n’existe pas pour ceux dont le revenu familial est supérieur à 125 000 $ (deux enfants) ou 150 000 $ (trois enfants). En campagne électorale, François Legault avait présenté un engagement plus généreux. L’allocation devait augmenter pour toutes les familles et fluctuer selon le revenu (entre 370 $ et 1200 $ par enfant). La mesure annoncée hier est un « premier pas », a indiqué François Legault. L’allocation famille s’appliquera dès janvier. Cette mesure coûte 250 millions par an – 62 millions pour 2018-2019. Elle touchera 430 000 familles, calcule le gouvernement.

Garderie : en attendant le budget…

François Legault ne concrétise pas maintenant sa promesse de ramener le tarif unique dans les services de garde subventionnés comme les centres de la petite enfance. « On va attendre au budget », a dit le premier ministre. Il se contente pour le moment de geler la contribution additionnelle demandée aux parents dans la déclaration de revenus. Cette contribution fluctue selon le revenu familial et varie de 0,70 $ à 13,90 $ par jour cette année. Elle ne sera pas indexée et restera au même niveau pour 2019, a annoncé M. Legault. Cette mesure coûte 1 million de dollars au gouvernement. La contribution de base payée à la garderie sera, quant à elle, indexée comme prévu pour atteindre 8,25 $ par jour l’an prochain.

Une attention pour les aînés à faible revenu

« Au cours de la campagne électorale, j’ai beaucoup été interpellé par le cri du cœur de retraités à bas revenu », reconnaissait François Legault la semaine dernière. Il passe de la parole aux actes avec une mesure qui ne faisait pas partie de ses engagements électoraux. Un nouveau crédit d’impôt remboursable est créé pour les personnes de 70 ans ou plus gagnant moins de 22 500 $. Il atteindra 200 $, s’appliquera pour 2018 lors de la déclaration de revenus et sera indexé annuellement par la suite. Les couples formés de deux aînés de 70 ans ou plus recevront 400 $ jusqu’à un revenu familial de 36 600 $. Certes, « ce ne sont pas de grosses sommes », mais « il faut se mettre à la place de ces personnes, c’est bienvenu, ces montants-là », a affirmé M. Legault. Le crédit d’impôt touchera 570 000 aînés. Il coûte 123 millions par an. « Ce ne sont pas des peanuts, comme on peut dire », a fait valoir le premier ministre. Il a demandé à son ministre des Finances de « réviser la fiscalité pour les aînés » pour « essayer d’aider davantage ceux de la classe moyenne ».

Environnement : rabais pour autos électriques

La semaine dernière, François Legault s’est engagé à s’attaquer aux changements climatiques, mais il se limite pour l’heure à renouveler des programmes déjà existants. Il prolonge jusqu’au 31 mars les programmes de rabais à l’achat de véhicules électriques, neufs ou usagés, qui devaient prendre fin à la fin de l’année. Le coût s’élève à 20,7 millions. Tout en se réjouissant de la popularité des deux programmes, Québec annonce son intention de se pencher « sur les moyens à prendre pour [les] optimiser ». Le rabais atteint un maximum de 4000 $ pour un véhicule d’occasion et de 8000 $ pour un neuf. François Legault a signalé que son ministre des Transports, François Bonnardel, a le mandat « d’accélérer les investissements dans le transport collectif ». « C’est plus de ce côté-là qu’on va poser des gestes qui vont avoir un impact sur la réduction des GES », les gaz à effet de serre. « Les mesures qui ont l’air spectaculaires et urgentes à court terme ne sont pas nécessairement les meilleures mesures. »

Entreprises : favoriser l’investissement

Le gouvernement Legault a écarté l’idée de baisser les impôts des sociétés, « qui sont déjà compétitifs » selon lui. Il opte plutôt pour des mesures ciblées visant à favoriser l’investissement. Par exemple, il annonce l’augmentation à 100 %, dès la première année, du taux d’amortissement à l’égard du matériel informatique, du matériel de fabrication et de transformation, de l’équipement d’énergie propre ainsi que d’une propriété intellectuelle. « Aux États-Unis, ils ont choisi de baisser l’impôt des entreprises, le gouvernement fédéral a choisi comme nous d’aller sur l’amortissement accéléré. On pense que c’est préférable ça parce que c’est avec des investissements qu’on va améliorer la productivité et le salaire moyen », a expliqué M. Legault. Il prolonge les programmes de rabais d’électricité pour les entreprises au tarif « L » et pour les serres, ainsi que son extension aux grandes entreprises desservies par les réseaux autonomes d’Hydro-Québec.

8 milliards pour rembourser la dette

Québec puisera 8 milliards dans le Fonds des générations pour rembourser directement la dette. Ce montant s’ajoute aux 2 milliards annoncés plus tôt cette année par le gouvernement Couillard. Québec estime que l’opération permettra de dégager des économies en frais d’intérêt d’environ 300 millions par an, 1,4 milliard sur une période de cinq ans, une somme « qui peut être consacrée au financement des services publics ». Québec atteindra dès 2020-2021, cinq ans plus tôt que prévu, son objectif de ramener le poids de la dette brute à 45 % du produit intérieur brut (PIB). Par ailleurs, Québec dit avoir les moyens de faire face à une récession. Il a des provisions d’environ 550 millions par an, et sa réserve de stabilisation, qui contient les surplus cumulés des dernières années, atteint maintenant 8,8 milliards. « Est-ce que la réserve est trop élevée ? C’est une question qu’on va se poser au budget du printemps », a mentionné M. Legault.

Mise à jour économique

Coup de pouce fiscal pour les entreprises

Après Ottawa, c’est au tour du gouvernement du Québec d’adopter de nouvelles règles fiscales en vue de favoriser l’investissement des entreprises.

Au cours des cinq prochaines années, le gouvernement de François Legault va consacrer près de 1,6 milliard de dollars pour permettre aux entreprises du Québec de déduire immédiatement de leurs impôts leurs investissements en matériel informatique, en production d’énergie verte et en machinerie.

Québec va toutefois plus loin et annonce une nouvelle déduction supplémentaire de 30 % pour ces mêmes biens. Ainsi, sur un achat de 100 000 $ en matériel de fabrication, un manufacturier pourra soustraire 130 000 $ de ses revenus sur une période de deux ans. À elle seule, cette mesure coûtera 231 millions sur cinq ans au trésor provincial.

« Les mesures annoncées aujourd’hui [hier] à l’égard des entreprises leur permettront d’accroître leurs investissements et d’améliorer leur productivité afin de faire face au défi constant de la concurrence », a dit le ministre des Finances, Éric Girard, dans un communiqué qui accompagnait l’annonce.

Pour le professeur en fiscalité de l’Université Laval André Lareau, la Coalition avenir Québec subit une pression accrue pour augmenter bientôt le salaire minimum à 15 $ de l’heure. « Pour aider les entreprises à y faire face, il faudra leur permettre d’avoir plus de liquidités, dit-il en entrevue. Mais de le faire seulement pour les entreprises qui investissent, ce n’est pas un mauvais choix.

« Ça fait rouler l’économie et, au bout de la ligne, ça fait plus d’argent pour embaucher du monde et payer des meilleurs salaires. »

— André Lareau, professeur en fiscalité de l’Université Laval

Tout comme au fédéral, l’amortissement des autres types d’investissement, comme l’achat d’un immeuble ou de matériel de bureau, sera lui aussi accéléré. Une PME qui se dotera d’un nouveau véhicule pourra, par exemple, en déduire 45 % de la valeur dès la première année d’utilisation contre 15 % auparavant.

Le régime fiscal québécois des sociétés demeure parmi les plus compétitifs en Amérique du Nord, avance le ministère des Finances dans son document de présentation. Cela limite donc l’effet potentiel d’une diminution du taux d’imposition des entreprises comme incitatif à investir.

Taux combiné d’imposition sur le revenu des sociétés

Californie 28,0 %

Massachusetts 27,3 %

Colombie-Britannique 27,0 %

Ontario 26,5 %

Québec (2020) 26,5 %

Source : ministère des Finances

La mesure critique pour un tel type d’aide gouvernementale est plutôt le TEMI, soit le taux effectif marginal d’imposition. Ce dernier calcule le taux auquel est imposé chaque nouveau dollar investi par une entreprise.

Il s’élèvera désormais à 8,5 % au Québec contre 13,8 % en moyenne au Canada et plus de 18 % dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Le gouvernement Legault estime ainsi que les entreprises présentes au Québec seront incitées à miser 6 milliards de plus dans l’économie du Québec d’ici 2024.

Ces nouvelles mesures ont été accueillies favorablement par les représentants du monde des affaires.

Pour le Conseil du patronat du Québec, l’enveloppe annoncée hier représente « un levier structurant intéressant pour favoriser les investissements et la compétitivité de nos entreprises  ».

La présidente-directrice générale de Manufacturiers et Exportateurs du Québec, Véronique Proulx, estime, quant à elle, que « de nombreuses entreprises profiteront de cet allègement fiscal pour investir massivement en équipement, plutôt que de se tourner vers d’autres pays où il était plus intéressant fiscalement de le faire ».

Mise à jour économique

L’opposition réagit

— Propos recueillis par Hugo Pilon-Larose, La Presse

Parti libéral du Québec

« On ne comprend pas pourquoi le gouvernement Legault attend jusqu’au prochain budget [pour annoncer des réinvestissements en services]. Les montants sont là, le surplus est là, il est bien réel. Les besoins sont aussi là, ils sont très criants, particulièrement en éducation. »

— Carlos Leitão, porte-parole de l’opposition officielle en matière de finances

Parti québécois 

« François Legault vient d’être élu premier ministre, [la mise à jour économique] est son premier geste fort. […] Ce qu’il nous dit, c’est que les mesures d’austérité mises en place par les libéraux, il va les continuer et ne pas les corriger tout de suite. C’est notre plus grande surprise. » 

— Martin Ouellet, leader parlementaire du Parti québécois

Québec solidaire

« Non seulement [le gouvernement Legault] n’a pas de plan [de lutte contre les changements climatiques], mais il ne sait pas par quel “boutte” le prendre. […] On a de l’argent au Québec. Plutôt que de l’investir dans la dette climatique, qui est hors de contrôle, le gouvernement a fait le choix de l’investir dans la dette financière qui, elle, est sous contrôle. »

— Vincent Marissal, député de Québec solidaire

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