Opinion

Le Canada, cancre mondial de la consommation d’énergie

La semaine passée, le gouvernement fédéral a organisé à Winnipeg la conférence Génération énergie, qui a réuni plus de 600 participants venant de partout au Canada. L’objectif officiel était de discuter comment « changer nos façons de produire, de transporter et d’utiliser l’énergie », dans un contexte où les objectifs du Canada en matière de changements climatiques représentent un des plus grands défis de notre époque.

En effet, notre pays a pour objectif de réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 17 % sous le niveau de 2005 d’ici 2020, et de 30 % d’ici 2030.

Un peu plus tôt cet automne, la commissaire à l’environnement et au développement durable du Canada, Julie Gelfand, a publié le rapport Progrès vers la réduction des GES au pays. Ses constats sont très clairs, et très durs : non seulement les plans d’action de 1995, 2000, 2002, 2005, 2007 et 2010 n’ont pas donné les résultats escomptés, mais aucune mesure concrète n’a encore émergé du plus récent plan de 2016, le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques. 

Tout indique, selon son rapport, que nous allons rater les objectifs de 2020 et même de 2030. Même si, avec son marché du carbone, le Québec s’est doté d’un outil plus contraignant pour atteindre son propre objectif (une réduction de 37,5 % des GES en 2030 sous le niveau de 1990), les tendances ne sont pas plus positives ici : les émissions ne descendent pas au rythme qu’il faudrait, et aucune mesure concrète ne permet de croire, ou simplement de voir, comment l’objectif sera atteint.

Perte de temps

La principale raison pour laquelle nous perdons notre temps dans ces conférences et ces plans d’action, c’est qu’un constat très simple n’y est jamais fait : le Canada est le champion mondial de la consommation d’énergie. 

Si on oublie Trinité-et-Tobago, le Qatar, l’Islande et le Luxembourg –, des pays minuscules qui ont des circonstances énergétiques exceptionnelles –, le Canada consomme par habitant plus d’énergie que n’importe quel autre pays.

Davantage que les États-Unis, l’Arabie saoudite, la Norvège, la Suède, l’Australie… et deux fois plus que l’Allemagne, et trois fois plus que le Royaume-Uni. 

Si notre climat, les distances et certaines industries jouent un rôle dans cette triste palme d’or que nous détenons, la vraie explication réside ailleurs : nous sommes particulièrement inefficaces en transport et dans nos bâtiments. Ainsi, quand pour chaque Norvégien il faut 6,5 barils de pétrole par année pour le transport, il en faut 12 pour un Canadien, et 10 pour un Québécois. Pour les bâtiments, c’est 51 gigajoules, une unité de mesure de l’énergie, qu’il faut par Norvégien, mais 69 au Canada et 62 au Québec.

Des solutions intéressantes

Au lieu de parler exclusivement de production, de transport d’énergie et de toutes les innovations technologiques qui pourraient un jour, éventuellement, peut-être, à terme, avoir un impact sur les émissions de GES, pourquoi ne pas commencer par le début en réduisant notre consommation d’énergie ? Si la Norvège et l’Allemagne, des pays plus riches que le nôtre et avec moins d’inégalités, consomment respectivement 30 % et 50 % moins d’énergie par habitant, il y a sans doute moyen de faire de réels progrès, sans saborder notre économie ni nuire aux ménages à faible revenu.

Il n’y a pas de solution unique à notre surconsommation énergétique, mais plusieurs pistes sont intéressantes : soutenir sans équivoque les transports à moindre consommation (transports actifs, en commun, petits véhicules) et les bâtiments performants (meilleure isolation, plus grande densité), tout en pénalisant les pratiques problématiques, comme les gros véhicules et les maisons monstres. Rapidement, les avantages seront connus de tous, nous réduirons la consommation d’énergie et les GES, et nous rattraperons notre retard par rapport à des pays socialement et économiquement plus avancés.

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