Bâtonnière du Québec

CHRONOLOGIE DES ÉVÉNEMENTS

1er JUILLET

La Presse révèle que la nouvelle bâtonnière du Québec, Me Lu Chan Khuong, avait bénéficié du programme de non-judiciarisation en 2014 après une plainte pour vol à l’étalage au magasin Simons de Laval. Elle était vice-présidente du Barreau au moment de l’événement. Quelques heures après la publication, le conseil d’administration réclame la démission de la bâtonnière. Comme elle refuse, le C.A. la suspend avec solde pour une période indéfinie.

9 JUILLET

La bâtonnière fait parvenir des mises en demeure à tous les administrateurs qui ont voté pour sa suspension. En plus de sa réintégration, elle réclame 95 000 $ et des excuses publiques.

11 AOÛT

Un processus de conciliation avec le C.A. du Barreau échoue.

15 AOÛT

La Presse publie la déclaration assermentée de la bâtonnière, qui donne sa version de l’interpellation dont elle a fait l’objet.

19 AOÛT

Les membres du conseil d’administration du Barreau réclament à la bâtonnière 90 000 $ en dommages pour atteinte à leur réputation.

24 AOÛT

Les avocats québécois sont convoqués à une assemblée générale extraordinaire à Laval pour discuter de la suspension de la bâtonnière.

— Isabelle Mathieu, Le Soleil

PLAINTE POUR VOL À L’ÉTALAGE CONTRE LA BÂTONNIÈRE

Un autre incident chez Simons, selon le Barreau

La bâtonnière du Québec, Me Lu Chan Khuong, aurait été impliquée dans un second incident dans un Simons, cette fois à la succursale du centre commercial Place Ste-Foy, selon l’avocat du Barreau, qui réclame tout le dossier d’enquête.

Me Raymond Doray a laissé tomber cette petite bombe en fin de journée d’audience, hier, au palais de justice de Québec, lorsque les journalistes l’ont questionné sur sa requête pour obtenir tous les documents de preuve détenus par La Maison Simons.

Il y a quelques jours, l’avocat a demandé, par voie de citation à comparaître, « tous les documents pour tout événement mettant en cause la bâtonnière Me Lu Chan Khuong ». Pour appuyer sa défense en vue du procès fixé au 5 octobre, il visait notamment à obtenir les bandes vidéo du magasin ainsi que les rapports des enquêteurs du commerce.

Selon Me Doray, la Maison Simons a répondu qu’elle pouvait assigner à la cour trois témoins pour deux événements distincts. Deux témoins seraient liés à la plainte pour vol à l’étalage du 17 avril 2014 au Carrefour Laval, et un troisième pourrait comparaître relativement à un autre événement survenu au Simons de Sainte-Foy.

L’avocat du Barreau ne disposait d’aucun autre détail sur cet incident, survenu à une date différente. Il a toutefois indiqué que cet événement n’avait rien à voir avec l’achat des jeans en litige à Laval. « J’ai la certitude que ce n’est pas le cas, parce qu’on me l’aurait dit », insiste Me Doray.

L’avocat de la bâtonnière, Me Jean-François Bertrand, aurait déjà indiqué au Barreau qu’il allait s’opposer au dépôt de ces éléments de preuve du Simons. Un juge entendra cette requête la semaine prochaine.

Selon Me Doray, les explications de la bâtonnière sur sa distraction au Simons de Laval ne tiennent pas la route.

« Est-ce qu’il y a quelqu’un au Québec qui croit que c’est une erreur de distraction ? Ça prend une confiance quasi religieuse en la bâtonnière pour croire ça. »

— Me Raymond Doray, avocat du Barreau

En fin de soirée, par voie de communiqué, Me Khuong s’est dite indignée des propos tenus en point de presse par Me Doray.

« Je n’ai jamais volé quoi que ce soit et l’épisode d’avril 2014 est survenu à la suite d’une distraction, a-t-elle réitéré. Il n’y a jamais eu quoi que ce soit d’autre, je n’ai jamais eu vent d’un quelconque écart. On ne m’a jamais abordée, rabrouée ou interceptée en lien avec un événement qui pourrait ressembler de près ou de loin aux allégations sans fondements de cet avocat. »

« Les propos diffamatoires de [Me Doray] sont indignes d’un avocat d’expérience qui doit faire honneur au système de justice plutôt que de le discréditer en lançant de très graves accusations sans preuve. »

— Me Lu Chan Khuong

UNE AFFAIRE « D’INTÉRÊT PUBLIC »

Pour sa part, l’avocat du Barreau a rappelé hier que le Directeur des poursuites criminelles et pénales n’aurait pu faire bénéficier la bâtonnière du traitement de non-judiciarisation s’il n’avait pas eu la conviction de pouvoir la faire condamner. « J’imagine que le dossier de Simons est pas mal solide, et c’est pour ça que je le demande », dit-il.

Selon Me Doray, il ne fait aucun doute que mettre en lumière les démêlés de la bâtonnière avec le système de justice est d’intérêt public. « C’est une personne qui exerce une charge publique, qui exerce la plus haute fonction au sein du Barreau, qui est l’interlocutrice de la ministre de la Justice, elle doit faire des recommandations pour la nomination de tous les juges, rappelle-t-il. Il y a énormément de responsabilités qui incombent à une bâtonnière. »

LA BÂTONNIÈRE RÉCLAME SA RÉINTÉGRATION IMMÉDIATE

L’avocat de Lu Chan Khuong soutient quant à lui que la bâtonnière est victime des « décisions intempestives » du conseil d’administration du Barreau et qu’elle doit être réintégrée au plus vite dans ses fonctions.

Par sa requête en ordonnance de sauvegarde, Me Bertrand réclame que sa cliente, suspendue depuis le 1er juillet, puisse reprendre ses fonctions et faire les réformes qu’elle veut entreprendre.

Et il y a urgence, insiste le procureur, puisque la bâtonnière est élue pour un mandat de seulement deux ans.

« Ce sera utopique de penser qu’elle pourra réintégrer ses fonctions s’il lui reste seulement trois mois de bâtonnat à faire. »

— Me Jean-François Bertrand, avocat de Lu Chan Khuong

Rien dans la loi ou dans le Code des professions ne donnait le pouvoir au conseil d’administration de suspendre la bâtonnière, affirme Me Bertrand.

Faux, rétorque l’avocat du Barreau, Me Doray, qui plaide que le code d’éthique des administrateurs de l’ordre prévoit une procédure d’examen en cas de manquement.

C’est pour cette raison qu’un comité d’éthique a été nommé, ajoute l’avocat, afin d’examiner la conduite de la bâtonnière et de faire une recommandation de sanction, s’il y a lieu, au conseil d’administration.

Il serait impensable de ramener la bâtonnière à la Maison du Barreau, estime Me Doray, et de la voir siéger aux côtés d’une douzaine de personnes qu’elle poursuit devant les tribunaux. « Le syndic fonctionne, le conseil d’administration fonctionne, assure l’avocat. Si vous ordonnez la réintégration [de Me Khuong], vous ordonnez le dysfonctionnement [du Barreau]. »

Le juge Michel Beaupré de la Cour supérieure a promis de rendre une décision rapidement.

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