opinions Controverse du défilé de la Saint-Jean

Voici trois textes en réaction à la controverse du défilé de la fête nationale, samedi dernier à Montréal.

Opinion

Le hasard colonialiste

En réaction à la chronique de Mario Girard, « On se calme le mouton », publiée dimanche

Tout comme le char d’Annie Villeneuve samedi durant le défilé de la Saint-Jean, la chronique de Mario Girard montre bien tout le problème de compréhension d'une partie de la majorité blanche face à la discrimination subie par nombre de ses compatriotes visiblement minoritaires. Et aussi, en quelque sorte, l'aspect profondément naïf de la culture québécoise.

Ça ne prend pas beaucoup de voyages à l'étranger pour comprendre cette naïveté parfois mignonne – à l'image d’un Français qui s'émerveille devant notre accent – ou parfois carrément innocente. Je suis même souvent très fier de cette naïveté toute bon enfant : il faut savoir accepter notre ressenti, ne pas rendre les choses plus complexes qu’elles ne le sont déjà et apprendre à célébrer la vie au jour le jour.

À l’inverse aussi, ça permet de dire, et surtout d'écrire dans le cas qui nous occupe, des choses qui sont calées entre deux ornières, sans se donner la peine d’en comprendre les enjeux sous-jacents.

Mon collègue Mario Girard semble tomber dans le panneau de ce dernier trait lorsqu’il commente la bévue du comité organisateur du défilé de la Saint-Jean-Baptiste à Montréal samedi.

Tel un Blanc des États-Unis qui s’époumone « All lives matter », Girard y va d’un : 

« Personne dans l’équipe organisatrice de l’événement ne s’est dit : "Ouille, des Noirs qui poussent un char allégorique, ça va mal passer." N’est-ce pas là un signe d'ouverture ? »

Non, justement, c’est tout le contraire. Tout dans un défilé est symbolique. C’est plutôt le signe du manque d’ouverture du comité organisateur qui a pris la peine de bien placer tous les symboles du nationalisme québécois bien en vue le long du parcours.

Quand il a été question du symbole flagrant de l’oppression historique subie par des personnes non blanches, on n’y a vu que du feu.

C'est un signe de l'inconscience et, disons-le franchement, de l'incompétence de plusieurs personnes du comité organisateur incapables de gérer tout le poids moral et symbolique d'un défilé qui célèbre la nation québécoise. Ils se sont aussi prouvés inaptes à répondre à la controverse qu'ils ont eux-mêmes créée, préférant plutôt s’en laver les mains (« c'est un mauvais hasard », a-t-il été dit, sans même sourciller).

Pourquoi ? Parce que dans une société du XXIe siècle, on est maintenant conscient des écarts de conduite racistes, voire haineux, toujours présents, parfois même en hausse, au pays. À Montréal, de surcroît, on vit la diversité au quotidien. Oublier le sort subi historiquement par une grande partie des Montréalais et de leurs ancêtres lors d'un défilé de la Saint-Jean-Baptiste, c'est honteux. Et cette médiocrité entache l'image du Québec ici et à l’étranger au moment même où cette image devait être célébrée.

Mario Girard poursuit : « L'acceptation de la différence commencera quand on n'aura plus besoin d'arranger les choses, vous ne pensez pas ? », explique-t-il, en exergue. La pensée magique de l'auteur est plutôt surréelle, si ce n’est comique.

Ça ne prend pas trois secondes à la vue du char allégorique d'Annie Villeneuve pour comprendre le malaise.

Les organisateurs ont eu au moins toute la matinée pour réfléchir au portrait d'ensemble. Et personne au comité organisateur ne semble vouloir apporter des excuses sincères. Voulant tout mettre sur le dos du hasard, ce n'est donc la faute à personne. Un hasard bien colonialiste.

Je suis très fier de ces jeunes qui ont probablement vécu une expérience unique et sont peut-être heureux de faire partie d'une équipe sportive dont le nom fait référence aux patriotes. Cependant, pourquoi ce réflexe de reléguer une tâche physique et sportive à des jeunes de Montréal-Nord ? C'est de la charité ? En espérant que l'année prochaine on offre à ces jeunes d'être sur le char, plutôt qu’être en bas du char. RÉPONSE DE MARIO GIRARD

C’est facile de dire quelques jours après la « controverse » que les organisateurs auraient dû voir le problème en « trois secondes ». C’est facile de dire d’un chroniqueur qu’il porte des ornières alors que toi, tu as opté pour une lorgnette, celle que la grande majorité des gens a utilisée pour juger le résultat : la fameuse vidéo de 24 secondes. Étais-tu au défilé ? As-tu vu tout le défilé ? As-tu vu l’effet de diversité dans son ensemble ? As-tu parlé aux organisateurs ? C’est facile de dire de ce même chroniqueur qu’il ne prend pas la peine de comprendre les « enjeux sous-jacents » quand ce dernier écrit régulièrement pour dénoncer l’injustice sous toutes ses formes. Lis-tu mes chroniques ? Bref, du haut de ta superbe, j’aperçois un gars qui veut soigner son image. Je vois surtout un journaliste qui n’a pas fait son boulot.

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