« L’arbitrage change en séries »
Est-ce notre imagination, ou bien l’arbitrage des séries de la LNH diffère considérablement de l’arbitrage durant la saison ? Le point sur la question avec Kerry Fraser, ex-officiel de la LNH ayant arbitré plus de 2000 matchs du circuit entre 1980 et 2010.
Ce qui est différent, ce sont les pénalités qui ne sont pas tolérées en saison, et qui le sont en séries. Ce sont les mêmes règles. Mais le standard devient différent. Il y a encore cette mentalité, un peu celle des dinosaures, si on veut, selon laquelle il faut « laisser les joueurs jouer ». Ça, c’est encore bien implanté dans la tête des arbitres. En évitant d’imposer une punition, souvent, l’arbitre va ensuite souhaiter que cette décision-là n’ait aucun impact. Pourtant, on le voit bien, il y a des coups de bâton loin du jeu, des doubles-échecs ; dans la série Penguins-Sénateurs, on voit des assauts des deux côtés. On peut regarder tout ça et tenter d’en tirer du sens, en se disant que ces jeux-là, ce n’est que des joueurs qui bataillent. Mais à la suite de ces jeux-là, en saison, les joueurs se retrouvent au banc des punitions. Les arbitres qui laissent passer ça décident donc que les choses ne sont plus les mêmes en séries, et c’est de cette manière qu’ils se retrouvent à influencer le résultat d’un match. Parce que les joueurs deviennent de plus en plus frustrés, ça fait boule de neige et ensuite, l’arbitre se retrouve coincé. Il n’y a plus de constance dans ses décisions.
… et le joueur des Ducks s’est relevé, avec l’air de dire : quoi, pas de punition ? Encore une fois, dans une situation où l’enjeu est énorme, les arbitres vont choisir de ne pas s’imposer. C’est comme si on se mettait d’accord sur le fait que l’arbitrage va changer dans les séries. Les arbitres doivent être entraînés et ils doivent être responsables, sinon les joueurs savent que tout est permis. Il faut que ça vienne d’en haut. Je me souviens d’une fois à Los Angeles où Luc Robitaille m’avait dit avant un match que l’entraîneur-chef des Kings Andy Murray avait tenu une réunion pour dire à ses joueurs de ne pas chercher à me provoquer ! Il y avait une forme de peur. C’est la meilleure façon de s’assurer que les joueurs respectent les règles.
C’est drôle, parce que quand il y a un problème, les dirigeants des équipes n’hésitent pas à changer l’entraîneur-chef, le DG. Ils se réunissent aussi pour modifier des règlements. Ce n’est pas si simple, parce qu’il y a tant de nouveaux arbitres, qui sont souvent d’anciens joueurs du hockey junior ou de la Ligue américaine. Ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose, mais il faut leur enseigner à ces gars-là. On ne devient pas arbitre du jour au lendemain. Il faut apprendre ce métier, apprendre le positionnement, par exemple. Je regarde des matchs et je vois souvent des arbitres qui sont en très mauvaise position pour rendre une décision. Il faut comprendre les nuances de ce métier. En séries, les joueurs ont l’impression que ce sont eux qui mènent. Il faut trouver une meilleure façon de faire.
Je n’ai pas dit que ce n’était pas le cas. Mais les arbitres doivent être mieux dirigés, ils doivent être responsables.
La plupart du temps, oui, sauf peut-être à la suite du but refusé à Alain Côté des Nordiques en 1987. Après ce but-là, ça a été fini pour moi lors des séries de 1987, je n’ai pas arbitré un seul match après celui-là au Forum. On m’a laissé tomber comme une patate chaude, même si j’étais l’un des arbitres les mieux cotés. Mais je ne pouvais pas accorder ce but en bonne conscience. Pas après avoir vu Paul Gillis des Nordiques accrocher la jambière du gardien Brian Hayward avec son patin. Dès que j’ai vu la rondelle aller dans le fond du filet derrière Hayward, je me suis dit : ça y est, je suis mort. Parce que je ne pouvais pas accorder ce but-là, même si c’était très difficile de le refuser. Après ça, boom ! j’étais parti…