Opinion  Valérie Plante à Paris

Des villes prêtes pour le XXIe siècle

Valérie Plante rencontre aujourd’hui Anne Hidalgo. Les deux femmes ont de nombreux points en commun et des idées convergentes pour leur ville. Nous avons demandé à deux commentateurs parisiens ce que notre mairesse devrait retenir du mandat de la première femme maire de Paris, élue en 2014. Aujourd’hui, Charles Maguin, de Paris en selle, signe le second texte.

La ville est faite d’espaces souvent considérés comme immuables : à Paris, les berges de la Seine étaient une autoroute et les trottoirs de la rue du Faubourg-du-Temple étaient trop étroits pour des terrasses de café. C’était ainsi. Personne n’imaginait que cela puisse dépendre d’un choix collectif, c’est-à-dire politique. Mais la ville au XXIe siècle ne peut pas avoir la même morphologie que celle de la fin du XXe siècle, façonnée par l’automobile.

Le succès d’une ville dépend grandement de l’organisation rationnelle de l’espace. Les comportements et les usages évoluent avec la forme de la rue. Il faut assumer de transformer la matière même de la ville si l’on veut relever les défis auxquelles elle est confrontée, qu’il s’agisse de la pollution, de la santé publique, de la vitalité du commerce, de la sécurité des personnes ou du lien social. Anne Hidalgo l’a compris.

Le partage de l’espace public est un enjeu politiquement très inflammable. Le projet de piste cyclable de Prospect Park à New York avait été surnommé « le morceau de ciment le plus controversé après la bande de Gaza ». À Paris, c’est pareil : dès qu’il faut remplacer des voies voitures par des voies vélos, l’opposition demeure ultra-violente. La piétonnisation des berges de la Seine est toujours l’occasion de vifs débats entre la maire et la présidente de la région. Le préfet de police, qui représente l’État à Paris et dirige une institution culturellement pro-voiture, bloque les projets de la mairie. Une page Facebook a même appelé à rouler en voiture sur les pistes cyclables… et certains l’ont fait !

Pourtant, au-delà des controverses spectaculaires, la majorité des Parisiens approuvent cette politique. Un récent sondage indique que deux tiers des Parisiens sont favorables à la réduction du trafic routier et au développement des pistes cyclables.

En fait, on peut même penser qu’ils attendent davantage de la maire, car plus de la moitié estiment qu’elle devrait faire plus contre la pollution.

La conclusion de tout cela est que la transformation de la ville ne peut pas se faire sans arbitrage difficile. Il y a forcément des mécontents. Mais le sens de l’histoire, c’est moins de voitures et plus d’humains.

De Paris à Montréal

Dans le concept de ville durable, quelles sont les mesures ayant été appliquées à Paris qui pourraient être retenues et appliquées ou carrément évitées à Montréal ?

Le Conseil de Paris a voté un Plan Vélo en 2015, qui vise à tripler les déplacements à bicyclette. En zone urbaine dense, les trajets font généralement moins de 10 km. Or, dans ce rayon, le vélo est imbattable. En plus, on fait bouger son corps, on voit la ville, on s’arrête à la boulangerie et tout ça, sans ticket de métro ! La ville durable sera forcément cyclable.

Montréal a besoin de développer son réseau de transports en commun. Mais il ne faut pas négliger le pouvoir de la bicyclette : pour le coût d’une seule ligne de métro, Montréal peut s’équiper d’un réseau complet et continu de pistes cyclables en site propre (les coups de pinceau au sol ne suffisent pas). Ces infrastructures sont nécessaires pour offrir à monsieur et madame Tout-le-Monde des conditions de circulations sûres et confortables, indispensables pour susciter un report modal important.

La voiture électrique en libre-service (Autolib’), en revanche, est un gigantesque fiasco. En 2023, le déficit sera de 180 millions d’euros, majoritairement à la charge du contribuable.

Autolib’ a globalement permis à des cadres supérieurs de reprendre la voiture grâce au stationnement garanti. La voiture autonome, quant à elle, devrait avoir le même effet qu’Uber : détourner des personnes des bus ou du vélo et augmenter le nombre de voitures en circulation. Or, les nuisances des véhicules motorisés ne se limitent pas aux particules fines…

La vision ne suffit pas : la mise en œuvre est essentielle. L’association Paris en selle a lancé fin 2016 un observatoire et constaté le retard du Plan Vélo. L’année 2017 devait être « l’année de la bicyclette », mais le plan n’avance qu’à petits pas et fait l’objet de graves renoncements : moins de 10 % du linéaire prévu a été réalisé alors qu’il ne reste plus que deux ans d’ici à la fin de cette mandature. Paris doit se donner les moyens d’accueillir les Jeux olympiques dans une ville cyclable. Il est urgent de changer de braquet pour que la réalisation soit à la hauteur de la communication municipale.

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