Opinion Des défis pour le Québec

Des solutions simples contre la corruption

Les bilans de fin d’année sont propices à une projection dans l’avenir. En collaboration avec la Chaire d’études sur le Québec de l’Université Concordia, la section Débats détermine cinq défis importants pour le Québec en 2017. Des défis qui ne seront pas relevés à court terme, mais qui exigent une prise de conscience immédiate.

Il n’y a pas si longtemps, les Québécois pensaient que leur démocratie était exemplaire. Ils sont tombés de haut.

Des fraudes et abus de biens publics lors du scandale des commandites (commission Gomery) aux allégations de trafic d’influence impliquant un ancien premier ministre (commission Oliphant), en passant par le scandale des bailleurs de fonds du Parti libéral du Québec et la nomination de juges (commission Bastarache) et les scandales d’octroi de contrats publics dans l’industrie de la construction (commission Charbonneau), il est facile de comprendre pourquoi les Québécois ont perdu confiance dans leurs institutions.

Cette situation est critique. Les citoyens qui vivent dans un pays qu’ils jugent corrompu sont moins disposés à soutenir des politiques favorisant le bien commun. Pourquoi, en effet, accepter de payer plus d’impôts si c’est pour entretenir la gabegie et le gaspillage des fonds publics ? Donald Trump l’a déclaré lors d’un débat : s’il a toujours tout fait pour ne pas payer d’impôt, c’est parce que ses taxes « auraient été dilapidées » par des gouvernements corrompus.

Or, il faut avouer que les réformes des dernières années au Québec ne semblent pas suffisantes pour éradiquer le problème.

Il est nécessaire de faire davantage preuve d’audace et d’imagination en la matière.

La Suède peut, à cet égard, nous servir d’exemple. Ce petit pays du nord de l’Europe est bien moins affecté par le mal qui afflige les démocraties nord-américaines. Que fait-il donc de si différent ? Le Québec a choisi de fortement réglementer le financement des partis politiques et la pratique du lobbyisme. La Suède est, quant à elle, peu active dans ces domaines. Une unité anticorruption existe bien en Suède, mais l’essentiel de l’arsenal anticorruption se trouve ailleurs. C’est la liberté de la presse et la transparence qui sont la clé du succès suédois.

Accès à l'information

La liberté de la presse est un principe fondamental en Suède. Dans ce pays, la première loi sur la liberté de la presse date de 1766, soit il y a 250 ans ! Cette loi, en plus de protéger la liberté d’expression, donne le droit aux Suédois d’avoir un accès à tous les documents publics.

Aucune agence ou organisation publique suédoise n’échappe à ce droit d’accès à l’information. Les agents publics peuvent être sommés par quiconque de divulguer les détails de leurs agendas ainsi que les dépenses effectuées dans le cadre de leurs fonctions. Les élus doivent rapporter le nom de toutes les entreprises ou de tous les employeurs avec lesquels ils ont eu des liens dans le passé.

Leurs intérêts financiers sont également rendus publics. L’État suédois requiert que les officiers publics fassent état de possibles revenus supplémentaires ou des cadeaux reçus dans le cadre de leurs fonctions. Chaque année, l’État suédois met en ligne le Taxeringskalandern, une publication officielle où l’on trouve les revenus de chaque citoyen suédois, y compris les salaires des fonctionnaires et des élus !

Le Québec devrait s’inspirer de ce modèle. Il devrait faire en sorte que les élus et les commis de l’État soient soumis à une enquête permanente. Il devrait protéger l’anonymat des fonctionnaires qui souhaitent divulguer des informations sensibles aux médias. La dénonciation de tout acte de corruption deviendrait ainsi plus simple et peu risquée.

On voit aux États-Unis les dérapages auxquels peut mener une mauvaise politique en matière de lutte contre la corruption. La Suède montre l’exemple d’une approche non seulement beaucoup plus efficace, mais aussi relativement facile à instaurer. Le Québec peut, dès maintenant, poser des gestes concrets pour faire de la lutte contre la corruption une vraie priorité.

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